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CRITIQUES DE CONCERTS 20 avril 2024

Nouvelle production des Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart au Théâtre des Champs-Élysées.

Divorce aux torts exclusifs
© Alvaro Yanez

Pietro Spagnoli incarne le Comte Almaviva (© Alvaro Yanez)

Les Mozart de René Jacobs ont le don de diviser la rédaction d'Altamusica. Le Cosi de l'an passé déjà, les Noces cette année. À l'enthousiasme d'Olivier Bernager répond un costard retaillé jusqu'au pourpoint par Jacques Duffourg. Dernière chance de se faire une opinion au TCE ce soir, 19 h 30, sinon sur France Musiques samedi.
 

Le 15/10/2001
Jacques DUFFOURG
 



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  • Restons pragmatiques : vaines querelles que d'imputer un dĂ©sappointement violent Ă  un choix d'instruments ou de diapason. Ces polĂ©miques ont eu leur temps, et certes pas de gloire ; lĂ  donc n'est pas le problème. Par contre, et sans jeu de mots, il est dans le tempĂ©rament : au sens de la caractĂ©rologie musicale et dramatique.

    Reprenons, sur le lieu du crime, ses divers éléments. Pas forcément dans la suite protocolaire, révérence gardée envers l'ordre d'entrée en scène. Le principe, si l'on comprend bien, de la pensée jacobsienne chez Mozart, c'est la liberté. Parfait, on applaudit, surtout dans les Noces. En art, c'est bien connu, pas de contraintes


    Des archives attestent-elles que le continuo était dévolu au pianoforte ? Soit. Et l'instrument, qui sait être si chantant sous les doigts d'un Staier, ici de pérorer à hue et à dia, sans cesse. Même pendant les silences (de Mozart, ne l'oublions pas !). Récitatifs, airs, ensembles : il est partout, omniprésent et assommant.

    Il n'est pas le seul à s'ériger en contre-dogme. Face à lui, une autre théorie libertaire hautement recommandable – sans ironie aucune, le merveilleux coffret de Così par le même Jacobs en est la preuve – s'immisce, s'installe, s'impose : la tyrannie de l'ornement, laissé à la disposition du chanteur (N.D.L.R. : en fait Jacobs les écrits lui-même en concertation avec les chanteurs).

    Est-il vraiment libre ? Sempre libero, voudrait le chef belge, sans doute avec la meilleure volonté du monde. Seulement, dès lors qu'une fioriture est attendue (trois fois dans " Non più andrai "), est-elle réellement ad libitum ? Non, c'est un tic, aussi envahissant et usant que la logorrhée du pianoforte. D'autres chefs ont avant Jacobs réintroduit cette nécessaire licence, mais avec beaucoup plus de tact. Pourquoi en faire une obligation ?


    Maestro fortissimo

    De son pupitre, le maestro semble bien décidé à prendre la partition à bras le corps. Ainsi décrète-t-il Fortissimo dès le premier tutti de la merveilleuse Ouverture. Et son triste orchestre (vents asthmatiques contre cordes mates : du noir et blanc, plutôt que des noires et des blanches !) de tressauter derechef. Le décor musical est planté : l'important est de cogner fort, dur et sec.

    La confusion des sentiments, l'ambiguïté, la recherche, entre et dans les notes, des corps et des coeurs qui s'effleurent, se veulent et se perdent, René Jacobs ne connaît pas. Voyons ! C'est un vaudeville, et des plus drôles ! Qui le contredirait ? Mais pourquoi cette lecture univoque ; sans les doubles sens chers à Mozart ?

    Attention : Monica Bacelli (Chérubin), l'une des punitions de la soirée (pas d'aigu, grave jugulaire, théâtralité de statue
    ), entonne " Voi che sapete " au ralenti. Si l'idée était de souligner l'érotisme, le choix d'une Chrysotémis prépubère ne s'imposait pas.

    Pietro Spagnoli domine des épaules, à défaut de la tête, un ensemble inégal. Cette fois, un peu court d'aigu – mais vaillant et crédible -, il rachète son valet, un pauvre Lorenzo Regazzo, certes efficace, mais plus larbin que l'impertinent de Beaumarchais : Da Ponte l'avait déjà tempéré, Regazzo l'achève.

    Pendant que Véronique Gens, sublime Fiordiligi au disque avec le même chef peine à faire comprendre ici qu'elle n'est pas la camériste (médium opaque, déclamation ancillaire). Cette dernière, Patrizia Ciofi, régale l'auditoire d'une voix ductile et fruitée ; même si parfois, légèrement citron.

    Hormis l'épouvantable Marcelline de Sophie Pondjiclis, les autres s'en sortent plutôt bien. Ils sont aidés par un Martinoty qui parvient, dans des costumes dix-huitiémistes (avec un décor empli de symboles très intellectuels et érudits, mais parfois lourds et pour certains d'entre eux, d'une laideur qu'on croyait révolue), à introduire un peu de cette notion du théâtre total, consubstantielle des Noces.

    Grâce lui soit rendue. Sa direction d'acteurs, pourtant rien moins que révolutionnaire, est parfois inutilement agitée ; mais couve de brillantes idées (le Trio du fauteuil). Elle verse, ainsi, quelque baume sur la plaie que Chérubin espère – vainement - colmater avec ce ruban qui effleura la peau de la Comtesse.

    De la " Folle Journée " promise, ne reste qu'une soirée pas folichonne, et avant même l'accomplissment du mariage, ces Noces ont déjà presque tout pour n'appeler qu'un divorce aux torts exclusifs.


    Lire aussi l'avis plus favorable d'Olivier Bernager.




    Le 15/10/2001
    Jacques DUFFOURG

    Nouvelle production des Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart au Théâtre des Champs-Élysées.
    Le Nozze di Figaro Wolfgang Amadeus Mozart

    Choeur du Théâtre des Champs-Élysées
    Concerto Köln
    Direction musicale : René Jacobs
    mise en scène : Jean-Louis Martinoty
    Décors : Han Schavernoch
    Lumières : Jean Kalman
    Costumes : Sylvie de Segonzac
    Pianoforte : Nicolau de Figueredo

    Avec Pietre Spagnoli (Le Comte Almaviva), VĂ©ronique Gens (La Comtesse Almaviva), Patrizia Ciofi (Suzanna), Lorenzo Regazzo (Figaro), Monica Bacelli (Cherubino), Sophie Pondjiclis (Marcellina), Alexandro Svab (Antonio), Antonio Abete (Bartolo), Peter Hoare (Don Basilio), Carla di Censo (Barberina), Serge Goubioud (Don Curzio).

     


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