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CRITIQUES DE CONCERTS |
16 octobre 2024 |
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Le Requiem de Mozart avec le RIAS Kammerchor et le Concerto Köln dirigés par René Jacobs.
Requiem à l'étouffée
René Jacobs (© Eric Sebbag)
En marge des Noces de Figaro qui ont soulevé tant de réactions divergentes, jusque dans ces colonnes, René Jacobs donnait dans le même théâtre des Champs-Élysées, le Requiem de Mozart, ainsi que des extraits d'un opéra inédit de Johann Gottlieb Naumann en première partie de programme.
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Qui connaît l'opéra Cora och Alonzo de Johann Gottlieb Naumann ? Pour le présenter, René Jacobs en a choisi quelques extraits : à savoir une suite de danses et de choeurs ainsi que son Ouverture. Une occasion de goûter l'art agréable (notamment dans les aspects Sturm und Drang de l'ouverture) mais guère captivant du compositeur. Une introduction très anecdotique au Requiem de Mozart, son génial contemporain.
Evacuer la légende " romantique " qui entoure la création de ce chef-d'oeuvre, débarrasser la partition de la grandiloquence accumulée par des générations ---- certes géniales - d'interprètes, ne constitue pas une entreprise saugrenue, ni nouvelle : beaucoup, et pas seulement dans les rangs des tenants de l'interprétation à l'ancienne, s'y sont attachés avec plus ou moins de bonheur.
Évidemment, quand un défricheur du calibre de René Jacobs s'en mêle, l'attente est grande, tant le chanteur maintenant chef lyrique a, dans Mozart, apporté de lumières innovantes – et polémiques si l'on considère les réactions soulevées par ses Noces au même Théâtre des Champs-Élysées.
Mais dès les premières mesures de l'Introitus, le tempo très mesuré adopté par René Jacobs laisse perplexe. Il faut attendre le Lacrymosa pour comprendre qu'il s'agit d'un grand portique, ouvrant puis fermant un édifice dont le centre est précisément ce même Lacrymosa, attaqué avec une lenteur similaire.
Mais d'emblée manquent l'atmosphère et le recueillement qui font du Requiem, par-delà les difficultés certaines résultant de son inachèvement, un monument d'intensité spirituelle. L'urgence et la théâtralité que René Jacobs entend clairement insuffler au reste de la partition, deviennent rapidement précipitation, avec un phrasé et des articulations d'une raideur un peu systématique.
Il est vrai qu'il n'est pas aidé en cela par les couleurs mêmes du Concerto Köln, ailleurs si efficaces et spectaculaires : ici, et particulièrement dans l'Introït ou le Lacrymosa, les sonorités très vertes de la formation allemande, voire quelques insuffisances (un trombone des plus douloureux dans le Tuba mirum), empêchent le ton de s'élever.
Plus raffiné, le RIAS Kammerchor ne parvient pas à lui seul à sauver la mise. Dans sa version très contestée, un Jordi Savall était parvenu à fondre les couleurs sombres de ses ensembles en une prière à l'intensité tout autrement fascinante.
Et que dire du quatuor de solistes ? Si le ténor Jan Kobow se montre d'une relative aisance, Anna Bonitatibus (1) et Andrea Concetti dévoilent un art du chant assez fruste, avec des timbres plats et une tenue très perfectible. Quant à Julia Isaev, elle est tout simplement éprouvante, déployant un vibrato serré frisant l'agressivité dès le Te decet. L'auditeur devine ce que cette chanteuse peut accomplir dans d'autres répertoires, il ne constate ici que l'inadéquation de sa technique dans Mozart.
Soirée décevante, donc : on espérait se rafraîchir sur des hauteurs spirituelles inédites, on est resté enfermé et plombé dans la chaleur étouffante du Théâtre des Champs-Élysées.
(1) Elle fit plutôt impression favorable dans le Tamerlano de la saison passée, dans le même Théâtre, mais plus pour sa vaillance que pour son talent de belcantiste.
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| Le 20/10/2001 Yutha TEP |
| Le Requiem de Mozart avec le RIAS Kammerchor et le Concerto Köln dirigés par René Jacobs. | J. G. Naumann : ouverture, suite de danses et de choeurs – extraits de l'opéra Cora och Alonzo.
Wolfgang Amadeus Mozart : Requiem K 626
Julia Isaev, soprano
Anna Bonitatibus, mezzo-soprano
Jan Kobow, ténor
Andrea Concetti, basse. | |
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