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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam sous la direction de Riccardo Chailly à l'Auditorium de Dijon.
Une Rolls en province
Ce mois-ci, la venue de l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam à Dijon constituait une première. En effet, la prestigieuse formation néerlandaise réserve le plus souvent ses apparitions à la capitale, et c'est pourquoi son concert faisait figure d'événement. Mais l'orchestre allait-il faire honneur au fleuron de la Côte-d'Or ?
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Inauguré en 1998, l'Auditorium de Dijon compte sans doute parmi les meilleures acoustiques de France pour les concerts symphoniques, et a déjà reçu la visite de grandes formations internationales. En attendant les Philharmoniques de Berlin ou Vienne un jour prochain, le détour bourguignon du Concertgebouw constituait déjà en soi une réussite ; et aussi une belle promesse si on se souvient de son récent concert de Lucerne.
Beethoven et Stravinski sont au programme. Le premier accord de l'ouverture d'Egmont retentit. Malaise, le son est étrangement flou, mal défini et la dynamique éteinte. L'orchestre est-il trop confortablement installé dans la réverbération porteuse de la salle ? Toujours est-il qu'il laisse filer les notes sans surprise et sans drame.
Pire, la vision de Chailly est dénervée, lente et peu dramatique, elle ne convainc à aucun moment. La coda, pataude, est noyée dans un son globalisant et épais, alors qu'on note des décalages rythmiques indignes de cette prestigieuse phalange, et aussi une justesse peu assurée dans les bois.
On veut croire qu'il ne s'agit que du temps nécessaire à faire chauffer cette légendaire Rolls orchestrale. Mais la 1re symphonie du même Beethoven est également grippée. Elle apparaît trop précautionneuse, entachée de maniérismes, comme la manière affectée de faire entrer le second thème du premier mouvement au hautbois, avec une retenue calculée, dans un style considérablement vieilli.
A l'évidence, Chailly n'a guère la fibre beethovénienne. Entre temps, l'orchestre a toutefois retrouvé les immenses qualités qu'on lui connaît : les couleurs profondes et les cordes soyeuses notamment. Cela se concrétise dans le Scherzo et le Finale où le chef laisse enfin aux musiciens assez de latitude pour démontrer leur excellence.
Après l'entracte débute le ballet Agon de Stravinski, partition exigeante du fait de ses changements de mesure permanents ; un peu austère aussi, mais dont l'attrait réside dans l'utilisation originale des timbres. Elle comporte en effet beaucoup d'interventions solistes et devient l'occasion d'apprécier la maîtrise du Konzertmeister Vesko Eschkenazy. Le public fait néanmoins sentir sa baisse d'attention par des toux fréquentes.
L'Oiseau de feu qui ferme le programme donne plus d'espace à l'orchestre, en dépit du choix de la version de 1919, avec piano et orchestration réduite. La rumination inquiétante des cordes graves dans l'introduction, le solo de hautbois du Khorovod restent saisissants.
Chailly prend un tempo extrêmement rapide dans la Danse de Katscheï, bousculant des musiciens qui font alors sentir un rien de nervosité. En revanche, le Finale se coule dans un tempo lent bienvenu, avec un crescendo progressif des cordes puis de tout l'orchestre. On aurait néanmoins souhaité des cuivres plus mordants et des phrases lyriques moins avares de son.
En définitif, seul le bis, la Sarabande de Debussy, composera une de ces saveurs orchestrales dont le goût imprègne durablement. Mais au pays du vin, la Rolls-Royce des Pays-Bas aura été avare de son ivresse. La province bourguignone serait-elle indigne de sa cylindrée ?
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Auditorium, Dijon Le 18/11/2001 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam sous la direction de Riccardo Chailly à l'Auditorium de Dijon. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Ouverture d'Egmont en fa mineur op.84
Symphonie n°1 en ut majeur op.21
Igor Stravinski (1882-1971)
Agon
L'Oiseau de Feu, suite de 1919
Koninklijk Concertgebouworkest
direction : Riccardo Chailly | |
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