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CRITIQUES DE CONCERTS 28 mars 2024

Création française de l'opéra L'Amour de loin de Kaija Saariaho (née en 1952).

L'amour avec les oreilles
© Marie-Noëlle Robert

© Marie-Noëlle Robert

Auréolé de son succès salzbourgeois, l'Amour de loin, le premier opéra de Kaija Saariaho était d'autant plus attendu en France qu'il a pu faire figure d'hymne à la langue française. Outre Peter Sellars et Dawn Upshaw, on remarque pour la création française la baguette de Kent Nagano à la tête de l'Orchestre de Paris.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 26/11/2001
Françoise MALETTRA
 



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  • Pour Kaija Saariaho, y avait-il une distance si infranchissable entre l'art des troubadours du XIIe siècle en pays de France et les contes et légendes du froid de sa Finlande natale ? Sans doute le croyait-elle, avant de s'y aventurer et de rencontrer le plus grand poète en terre d'Aquitaine, celui dont seuls les manuels scolaires et quelques érudits citent encore le nom : Jaufré Rudel, prince de Blaye.

    Alors qu'elle était à la recherche d'un livret pour une oeuvre scénique, elle avoue qu'à la première lecture de La Vida, la biographie de Rudel, elle s'est sentie " choisie " : “ Je voulais aller vers les grands mystères de la vie, ceux que nous ne pouvons approcher avec la raison, et que j'avais le sentiment de pouvoir approcher par la musique ”.

    L'Amour de loin est né de sa fascination pour ces mystères qui ont élevé au rang de mythes les couples d'Orphée et Eurydice, Tristan et Yseult ou Pelléas et Mélisande.

    Créé à Salzbourg en août 2000, sur la scène en plein air de la Felsenreitschule, le spectacle trouve au Châtelet un espace plus resserré, et d'une densité poétique plus proche du projet musical, malgré le langage utilisé par l'écrivain libanais Amin Maalouf, qui en voulant retenir la courtoisie et la délicatesse du discours amoureux médiéval, le réduit à une banalité d'où la force dramatique est singulièrement absente.

    Mais la musique est là pour dire l'histoire de ce prince troubadour qui se lamente de ne pas avoir appris le bonheur, et de Clémence de Tripoli qui n'a pas encore osé aimer, mais s'émerveille d'apprendre, de la bouche d'un pèlerin, qu'au-delà des mers un poète la célèbre. Elle dit aussi comment ils s'espèrent, se devinent, s'attendent et se rejoignent un instant trop court avant que la mort ne les sépare.

    On entre dans la partition comme dans le temps non mesuré d'un long poème d'amour qui s'étire pendant deux heures sur une traîne musicale épurée à l'extrême, loin de la radicalité d'écriture de compositions antérieures de Kaija Saariaho.

    L'ensemble est tissé d'une trame mouvante et accueillante, d'un matériau où les voix, le choeur, les sons acoustiques et électroniques se fondent, s'irisent, et se dissolvent. Une sorte d'océan tranquille et enveloppant, agité de temps à autre par de lourds accords qui capturent les sonorités confondues et les libèrent, à peine transformées, tandis que d'imperceptibles modulations engagent les voix à s'en éloigner, presque à s'en abstraire, donnant le sentiment de la fragilité du dialogue.

    Une beauté irréelle et hors du temps que la mise en scène de Peter Sellars ne trahît à aucun moment. Elle est faite de colonnes de lumières changeantes, d'un plateau que l'eau envahit, d'une nacelle de verre pour Jaufré et d'un escalier en ruban ciselé comme un bijou oriental pour Clémence.

    Colonnes, nacelle et colimaçon montent et descendent très lentement, comme le temps suspendu de l'attente et de l'incertitude, le décor nu est traversé par des images de synthèse en camaïeu de blanc, de gris, de noir, qui s'enroulent et se déroulent en vagues douces et menaçantes.

    Sous la conduite de Kent Nagano, l'Orchestre de Paris a parfaitement joué le jeu de cette horlogerie fine qu'est la partition d'un bout à l'autre. Dans ce décor dépouillé et abstrait, Dawn Upshaw, Gerald Finley et Lilli Paasikivi réussissent à camper des caractères parfaitement vraisemblables. Un exploit qui n'est pas mince.

    De cette conjuration de talents, il ne faut pas oublier non plus le choeur Accentus. Précisément, on savait l'amour affaire de coeur, contingence charnelle et moteur de l'humanité, grâce à Saariaho, on sait désormais que cela peut se pratiquer d'assez loin et avec les oreilles


    Lire aussi l'avis moins favorable d'Olivier Bernager.

    Lire également le compte-rendu de la création salzbourgeoise.




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 26/11/2001
    Françoise MALETTRA

    Création française de l'opéra L'Amour de loin de Kaija Saariaho (née en 1952).
    Opéra en cinq actes
    Livret d'Amin Maalouf
    Créé le 15 août 2000 au Festival de Salzbourg
    Co-commande du Théâtre du Châtelet et du Festival de Salzbourg

    Orchestre de Paris
    Choeur Accentus (Chef de choeur : Laurence Equilbey)
    Direction musicale : Kent Nagano

    Mise en scène : Peter Sellars
    Décors : George Tsypin
    Costumes : Martin Pakledinaz
    Lumières : James F. Ingalls

    Avec Dawn Upshaw (Clémence, Comtesse de Tripoli), Lilli Paasikivi (Le Pèlerin), Gerald Finley (Jaufré Rudel, Prince de Blaye et Troubadour).

     


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