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CRITIQUES DE CONCERTS 24 avril 2024

Concert spécial au bénéfice exclusif " d'Ensemble Contre le Sida ".

Charité bien ordonnée
contre le Virus

© Eric Sebbag

© Eric Sebbag

Guichets fermés le premier décembre dernier, Martha Argerich et Myung-Whun Chung à la tête du Philhar' de Radio-France donnaient un concert caritatif au profit de " La Journée Mondiale contre le Sida ". Président de l'association bénéficiaire, Pierre Bergé en a profité pour rappeler l'urgence de la lutte ; comment ne pas souscrire ?
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 01/12/2001
Jacques DUFFOURG
 



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  • On le sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions et les meilleures causes ne font pas forcément les grands événements musicaux. C'est donc avec prudence, malgré le renom des interprètes, que l'on se rend à cette kermesse généreuse.

    Si un concert de cette nature ne saurait prendre des risques avec la programmation, il ménagea quand même une surprise en ouverture, avec un court extrait du trop rare Pelléas et Mélisande de Fauré. À ses côtés, deux chef-d'oeuvre rebattus, mais inusables et magnifiques : le Concerto de Schumann et l'Inachevée de Schubert.

    Le prélude de Pelléas est immédiatement hypnotique, et le mélomane le plus réfractaire à Chung (j'en étais !) aura du mal à résister devant la transparence des cordes, la souplesse de la ligne et la délicatesse arachnéenne du rendu orchestral. Avec son humilité toute asiastique, le Coréen ne serait-il pas en train de hisser la phalange française vers ces sommets qui lui sont si longtemps restés interdits ?

    Quoique l'on ait écrit ici ou là, l'écriture orchestrale de Schumann n'est pas des plus pauvres, et le Philar' va encore trouver matière à dérouler son velours encore neuf et déjà joliment patiné. On ne pouvait mieux fêter l'arrivée de Martha Argerich.

    Devenue rarissime - on la sait malade -, chacune de ses apparitions fait figure d'aubaine ; encore que l'on s'inquiète légitimement de sa forme pianistique. D'entrée, sa démarche hésitante n'a rien pour rassurer, mais il ne lui faut pas trois secondes (après s'être assise) pour attaquer, avec l'énergie léonine qui a fait sa réputation (et son surnom), les vigoureux accords initiaux du concerto.

    On a d'ores et déjà compris que la force et la verve de ses poignets sont intacts. La réplique de l'orchestre est miraculeuse : si sollicités qu'ils soient tout au long de l'oeuvre, les bois sont d'une tendresse et d'un moelleux incomparables. Ils donnent comme rarement la sensation d'avoir bien lu le nom du mouvement : Allegro affetuoso.

    Côté clavier, Argerich taille des diamants dont les innombrables facettes sont autant des nuances du toucher, mais sans négliger des instants d'éclat véhément, ni la fusion des reflets avec les parures diaprées de l'orchestre. Tant de gravures inutiles ont réussi à rendre ces pages mièvres. Ici, même l'Andantino grazioso résiste à la niaiserie, car le dialogue entre le soliste et les cordes s'instaure immédiatement.

    L'Allegro vivace auquel il est enchaîné est une démonstration de haute virtuosité pianistique. La féline Argerich l'assume sans ostentation ni effets inutiles : le piano gronde, crépite, décolle ; l'orchestre le suit et le porte sur sa route verticale. Ascension parfaite, lyrisme en élévation, la voûte du Châtelet aurait pu aussi bien s'entrouvrir pour les laisser passer, cela n'aurait surpris personne.

    Retour sur le plancher des fauteuils avec un petit bis confraternel à quatre mains, extrait de Ma mère l'Oye. Chung est aussi un excellent pianiste.

    Intense déploration

    À l'instigation de son médecin, la grande Martha devra suspendre ses concerts pendant au moins deux mois, à compter du 9 janvier prochain. Est-ce pour marquer le coup que, faisant l'impasse sur l'entracte, Chung se lance dans une Symphonie Inachevée à la manière d'une intense déploration ?

    Supplique quasi funèbre dès la première mesure, basses d'outre-tombe à l'appui, alors que le Commandeur semble venu lui-même souffler dans les cuivres. L'indication moderato est respectée à la lettre et la reprise paraît aux antipodes de la redite. En face de celle-ci, les interprétations les plus célèbres feront facilement figure d'aimables " bluettes ".

    Contre l'évidence, L'Andante con moto prolonge le malaise et surenchérit face à l'étirement macabre du premier mouvement. Les tutti pathétiques font mal comme des coups de fouets et les bois feraient fondre les pierres. Voyage au bout de la nuit follement et justement acclamé.

    Comme pour s'excuser de tant de déréliction, Myung-Whun Chung donne en bis une première Danse Hongroise de Brahms en forme d'exutoire flamboyant : chaloupée et " swingante ", toute en rubato.

    Et là, on réalise que l'Inachevée ne signait pas de sombres augures pour Argerich, mais un Requiem qu'il faut achever en victoire contre l'horrible virus. En son temps, Schubert n'a pas triomphé de son propre mal, mais, avec son testament, la fougue de Brahms, et des artistes comme Chung et Argerich, nul doute que le VIH devra se faire du souci.




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 01/12/2001
    Jacques DUFFOURG

    Concert spécial au bénéfice exclusif " d'Ensemble Contre le Sida ".
    Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande, opus 80 : Prélude.
    Robert Schumann : Concerto pour piano en la mineur, opus 54
    Franz Schubert : Symphonie n° 8 " Inachevée ", D 759


    Orchestre Philharmonique de Radio-France.
    Direction : Myung-Whun Chung, direction.
    Avec Martha Argerich, piano

     


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