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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Nouvelle production des Soldats de Manfred Gurlitt à l'Opéra de Nantes.
Nantes contre-attaque
Gillian Webster (© Eric Sebbag)
Moins de deux mois après la création française du Powder her face de Thomas Adès, l'Opéra de Nantes propose une autre première nationale, celle des Soldats de Manfred Gurlitt. Par certains côtés, il est le Monsieur Pas-de-Chance de l'Opéra à qui Nantes vient d'offrir un nouveau front et une victoire appréciable, sinon éclatante et définitive.
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En 1939, alors que Manfred Gurlitt mène une belle carrière de chef d'orchestre et de directeur artistique, il fuit le nazisme, et quitte l'Allemagne pour finir par s'installer à Tokyo, où il meurt en 1972, à quatre-vingt-deux ans. Ses huit opéras sont, aujourd'hui, bien oubliés.
Mais comment lutter lorsqu'on travaille à un Wozzeck en même temps qu'Alban Berg (celui de Gurlitt sera créé en 1926, un an après son rival), et que, d'après la même pièce de Friedrich Lenz, Bernd Aloïs Zimmermann écrit des Soldats qui font figure de classique du XX siècle ?
Trente-cinq ans séparent l'opéra de Gurlitt, dont la première a lieu en 1930 à Düsseldorf, de celui de Zimmermann (Cologne, 1965). Et tout un monde musical. Car Gurlitt n'est pas, tant s'en faut, un novateur ; et le sérialisme ne l'attire pas. Ce qui ne condamne pas pour autant sa partition. Richement orchestrée, elle joue néanmoins sur un paradoxe, puisque les tuttis s'y font rares et que très souvent elle frôle la musique de chambre, avec une volonté affichée de clarté et de transparence. C'est ainsi que la dirige Bruno Ferrandis, sobrement, lyriquement, sans effets de manche.
Parmi les découvertes de l'Opéra de Nantes, Curt Peterson (le fils de la comtesse De La Roche), ténor percutant, aura une place de choix, et plus encore Gillian Webster (la comtesse, sa mère envahissante), voix superbe, autorité naturelle et forte présence. Dans ses encombrants vêtements de poupée, Rayanne Dupuis (Marie) campe une héroïne au timbre acidulé, habile à manier l'ambiguïté, touchante et blessée, en marche vers un destin qu'elle n'a pas prévu.
Pensée avec soin, la distribution est malgré tout handicapée par Christophe Crapez (Desportes), mal à l'aise dans un rôle qui demande des moyens plus amples, et Oldrich Kriz (Stolzius), vocalement sans grand relief. Leurs talents de comédien leur permettent de se tirer d'affaire, mais ne masquent rien de leurs carences.
Avec la mise en scène de Jiri Nekvasil, qui privilégie l'intrigue psychologique sur l'analyse politique-sociale, on ne sait pas toujours sur quel pied danser ; entre le cabaret de l'entre-deux-guerres et le théâtre de marionnettes, ses hésitations brouillent les pistes. Mais elles ne plombent jamais ces Soldats, car sa loyauté au livret ne souffre aucune attaque.
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Opéra Graslin, Nantes Le 21/01/2002 Michel PAROUTY |
| Nouvelle production des Soldats de Manfred Gurlitt à l'Opéra de Nantes.
| Orchestre des Pays de Loire
Direction musicale : Bruno Ferrandis.
Mise en scène : Jiri Nekvasil.
Avec Rayanne Dupuis (Marie), Francine Nardy (Charlotte), Oldrich Kriz (Stolzius), Rod Nelman (Wesener), Christophe Crapez (Desportes), William Peel (Mary), Curt Peterson (le fils de la comtesse De La Roche), Gillian Webster (la comtesse), Carole Wilson (Madame Wesener). | |
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