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CRITIQUES DE CONCERTS |
07 octobre 2024 |
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Elektra de Richard Strauss à l'Opéra du Rhin, Strasbourg.
Elektra galvanisée
© Christian Lutz-Sorg
Déchaîner les cataclysmes d'Elektra est un défi pour chef et metteur en scène, sans parler des chanteurs. L'Opéra National du Rhin vient pourtant d'en proposer une version épurée, efficace, libre de toute outrance. De quoi réviser ses classiques et frémir d'angoisse et de plaisir.
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" Vous ne pouvez pas comprendre monsieur Bond, vous êtes anglais. Moi je suis grecque et comme Electre, j'aime venger la mort de ceux que j'aime... " Voilà ce qu'on peut entendre dans la bouche d'une James Bond Girl, plus précisément dans For your eyes only commis à John Glenn. Ce James Bond est, avouons-le, des plus moyens, et le rapprochement tiré par les cheveux, mais où trouvera-t-on citation plus percutante pour évoquer Elektra ? Car Elektra tourne bel et bien autour d'une histoire de sexe et de passion incestueuse, d'un parricide jouissif où les notions de consanguinité sont encore moins respectées que pour nos princes et princesses qui eux au moins se prennent la peine d'obtenir (sans peine certes) une dispense papale.
Mais Jan Latham-Koenig se sent-il concerné musicalement par cet univers aussi pervers que glauque ? S'est-il senti pousser des ailes au contact de cette partition lourde et complexe ? Le résultat sonore allait dans le sens de l'affirmative tant le chef était présent, bien plus qu'à l'accoutumée, moins occupé à indiquer les entrées à des chanteurs qui n'avaient pas besoin de lui pour cela, plus soucieux au contraire que de nous faire suivre avec passion une trame orchestrale venue du fond des tripes, des recoins de l'âme straussienne.
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Stéphane Braunschweig a eu l'idée géniale de jouer sur les effets de miroir (l'homme est à lui-même son pire ennemi) et sur les notions de porte, de vision dérobée, à l'image de la scène du crime final, cinématographique dans sa conception, empreint d'allusions aux rites de passages tant grecs que maçonniques. Chaque personnage doit chercher en lui-même les raisons de son malheur et ayant atteint son être profond, c'est en "rectifiant qu'il trouvera la pierre idéale". Le meurtre originel d'Agamemmnon étant au centre de l'action, Elektra ne peut le venger seule, il lui faut l'aide d'un frère, mais aussi celle d'un maître pour trouver la dépouille de celui dont la chair s'est déjà séparée de ses os (Braunschweig fait faire à Elektra le signe d'horreur à cet endroit).
Dans un décor dépouillé avec une baignoire comme seul élément moderne (lieu de mort pour Agamemmnon et rempli de sang à la fin de l'ouvrage), les personnages nous apparaissent comme radiographiés, sortis tout droit de Sophocle et pourtant si actuels. On pense à Girard, Dumesnil, Jacqueline de Romilly, à tous ceux qui ont révélé au monde combien les anciens Grecs avaient (sans la formaliser) tout saisi de la psychanalyse. Attachement sexuel de la fille au père, rivalité sadique et combat sans merci entre la mère et la fille, quelle famille, quel être honnête ne pourraient se reconnaître un peu dans ces figures extrêmes. On le sait, Elektra comporte deux rôles écrasants. Snejika Avarmova (Klytemnestre) et la soprano hollandaise Luana De Vol (Elektra), habituée des cataclysmes straussiens, affrontent des tessitures aux limites de la voix humaine, et l'esprit de leurs incarnations les conduit à la limite de la folie, presque aux confins de l'hystérie. Quant à Jurgen Linn, il campe par ailleurs un Oreste d'anthologie, véritable spectre, instrument vengeur.
Eternelle catharsis de l'opéra qui nous emmène dans la chaîne immuable des passions humaines ! Stéphane Brausnchweig nous laisse errer, ne nous impose pas de modernisme outrancier de l'oeuvre : il laisse la scène à Sophocle, Strauss... et nous, spectateurs !
Strasbourg, Opéra
28 février à 20 h, 3 mars à 15 heures
5 et 9 mars Ă 20 h
Mulhouse, La Filature
15 mars Ă 20 h, 17 mars Ă 15 h
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 22/02/2002 Pierre BREINER |
| Elektra de Richard Strauss à l'Opéra du Rhin, Strasbourg. | Elektra, opéra de Richard Strauss
Direction musicale : Jan Latham-Koenig
Mise en scène et décors : Stéphane Braunschweig
Costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Eclairages : Marion Hewlett
Choeurs de l'Opéra National du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
Klytämnestra : Snejinka Avramova – Elektra : Luana DeVol – Chrysothemis : Nancy Weißbach – Aegisth : Stefan Vinke – Orest : Jürgen Linn – Der Pfleger von Orest : Yves Ernst – Die Vertraute : Nicole Malbec – Die Schleppträgerin : Sabine Vinke – Ein junger Diener : Don Bennington – Ein alter Diener : Jean-Pierre Roddes – Die Aufseherin : Penelope Thorn – 1. Magd : Yaroslava Kozina – 2. Magd : Delphine Galou – 3. Magd : Katri Paukkunen – 4. Magd : Natalia Atamantschuk – 5. Magd : Anja Kampe
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