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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Une fête chez Rabelais, spectacle de l'Ensemble Clément Janequin et de Jean-Louis Martinoty, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
Rabelais digère mal
Troquant pour une fois leurs sobres habits de concert contre des costumes carnavalesques, en un mois de mars plutôt préoccupé de Passions et autres Leçons de ténèbres, les Janequin étaient à Paris, le 4 mars dernier, les maîtres d'oeuvre d'un spectacle truculent et très fouillé (trop fouillé ?) imaginé par le metteur en scène Jean-Louis Martinoty.
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Donné pour la première fois au Japon en octobre 2000, puis en tournée en France et au Festival d'Innsbruck, ce " montage " d'une vingtaine de chansons françaises de la Renaissance porte le nom alléchant d'Une fête chez Rabelais. Il s'agit en quelque sorte de la profession de foi de moines paillards qui, après avoir baillé devant leurs lutrins le temps d'un Kyrie (celui de la messe La Bataille attribuée à Janequin), se défroquent pour mieux célébrer, au fil d'une vingtaine de chansons, le bien manger et le bien boire, l'amour courtois ou grivois, les plaisirs de la chasse et de la guerre. Mais ils finissent par prendre conscience de la vanité du monde et de la nécessité de revenir à Dieu après tous ces excès... Nos personnages rentrent (définitivement ?) dans le droit chemin et retrouvent leur robe de bure pour entonner une très chrétienne et édifiante chanson de Pascal de L'Estocart, Morte est la mort.
Les pièces sélectionnées sont de la plume, entre autres, de Clément Janequin, Claudin de Sermisy, Roland de Lassus, Guillaume Costeley, Pascal de l'Estocart, Pierre Certon ou Clemens non Papa. Certaines, comme La Guerre, Nous sommes de l'ordre de Saint-Babouin, le Chant des Oiseaux, La Chasse ou les blasons du beau et du laid tétin sont célèbres, d'autres sortent un peu des sentiers battus. Le tout est illustré à grands renforts d'accessoires et de symboles : tables chargées de victuailles, portraits de femmes dénudées, d'Agnès Sorel à Gabrielle d'Estrées, miroirs et coffrets à bijoux, clystères et pots à pharmacie, arbalètes, cors de chasse, fleurs de lys et autres emblèmes du pouvoir royal. Sans oublier le crâne et la chandelle éteinte pour signifier la vanité des biens de ce monde.
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Martinoty force un peu le trait, mais ses choix sont tellement " rabelaisiens " qu'on ne peut lui en vouloir de descendre en dessous de la ceinture, car il ne fait que souligner ce que les textes des chansons disent très explicitement. En revanche, la musique ne sort pas toujours indemne de ce spectacle débridé. Malgré leur parfaite connaissance du répertoire et des qualités techniques que l'on ne saurait mettre en doute, les chanteurs de l'Ensemble Clément Janequin peinent, notamment vers la fin du spectacle, à concilier les exigences de cette musique avec celles d'une mise en scène leur imposant pendant près de deux heures une quantité incroyable de mimiques, de gestes, de changements de position, de déplacements et de transports d'objets. La justesse de l'intonation et la mise en place des voix en pâtissent un peu, et l'on est parfois à la limite de la cacophonie.
Néanmoins, on ne boudera pas son plaisir de voir cette glorieuse époque de la musique française recréée d'une façon aussi originale qu'intelligente. Voilà qui, en rendant plus intelligible ces textes habillés des subtilités de la polyphonie, devrait contribuer à mieux faire connaître un répertoire somme toute encore peu familier au public.
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Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Le 04/03/2002 Christelle CAZAUX |
| Une fête chez Rabelais, spectacle de l'Ensemble Clément Janequin et de Jean-Louis Martinoty, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. | Une fête chez Rabelais.
Spectacle de l'Ensemble Clément Janequin mis en scène par Jean-Louis Martinoty.
Ensemble Clément Janequin, dir. Dominique Visse
Dominique Visse, haute-contre – Bruno Boterf, ténor – Vincent Bouchot, baryton – François Fauché, baryton – Renaud Delaigue, basse – Eric Bellocq, luth
Jean-Louis Martinoty, mise en scène – Daniel Ogier, costumes – Tamara Adloff, décors & acccessoires
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