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CRITIQUES DE CONCERTS 01 décembre 2024

Reprise du Coq d'Or de Nicolaï Rimsky-Korsakov

Le coq et le samouraï
© Marie-Noëlle Robert

© Marie-Noëlle Robert

Dix-huit ans après, Le Coq d'or de Rimsky-Korsakov fait son retour au Chatelet, où il avait connu un véritable triomphe lors de la saison russe programmée en 1984 par Jean-Albert Cartier. La mise en scène d'Ennosuke III apparaît aujourd'hui comme une très précieuse pièce de musée qu'il faut contempler comme telle.

 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 13/12/2002
Françoise MALETTRA
 



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  • En grand interprète du théâtre Kabuki, Ennosuke III a appliqué toutes les règles d'or un d'art codé à l'extrême dans sa gestuelle comme dans la splendeur de ses costumes et de ses maquillages. Au merveilleux et au tragique des contes populaires russes qui inspirèrent le livret de Pouchkine, s'ajoute ici la poésie de l'allégorie et le génie de la caricature.

    À nos yeux modernes trop habitués aux vaines gesticulations de certains metteurs en scène, la chorégraphie et la scénographie pourront sembler d'une stylisation excessive. En son temps, Ennosuke s'en expliquait ainsi : " Le théâtre occidental est un théâtre que l'on éprouve par la tête, le Kabuki est un théâtre que l'on éprouve par le corps. "

    Il en ressort une imagerie orientale, aux allures d'opéra-bouffe, où l'on voit le vieux tsar Dodon, personnage pleutre et ridicule, enfermé dans son palais, cerné par l'ennemi qui menace ses frontières et entouré de chefs de guerre incapables.

    Quand survient un astrologue qui lui offre un coq d'or aux pouvoirs magiques. Perché sur la plus haute flèche du palais, il alertera le peuple de l'imminence du danger. Dodon, qui promet en retour tous ses trésors, peut enfin dormir en paix et s'enchanter de la vision d'une femme sublime apparue dans son rêve.

    Mais le coq a chanté. La guerre aura lieu, meurtrière, barbare. Sur le champ de bataille, la femme est soudain devant lui, bien vivante. Elle est reine et entend s'emparer son royaume, en l'avertissant que sa seule beauté est une arme infiniment plus puissante que toutes ses armées.

    Vaincu, le Tsar se soumet et lui offre la couronne. Mais le jour des noces, l'astrologue est là qui vient chercher sa récompense. Ce sera la Reine ! Un brutal coup de sceptre met rapidement fin à ses prétentions. Le sang a coulé et le coq profère la malédiction : le roi doit mourir.

    Devant l'ingratitude de ceux qui veulent le chasser, il fond, toutes ailes déployées, sur le tsar et le frappe mortellement au front. Le conte est une fable, et c'est ainsi qu'il faut l'entendre, avait annoncé l'astrologue qui ressuscite pour nous informer que seuls lui et la reine étaient des êtres réels, que tous les autres n'étaient que des spectres, vides et inconsistants.

    Un opéra censuré

    Dernier opéra de Rimsky-Korsakov, censuré de son vivant pour cause de satire politique irrévérencieuse, Le Coq d'or nous emporte dans la luxuriance d'une musique qui réinvente avec une imagination confondante les couleurs d'un orient fabuleux.

    Dans la fosse, l'orchestre rutile, gronde, ou s'abandonne aux sonorités les plus voluptueuses, tandis que sur la scène, chaque personnage concentre sur lui, à travers des motifs subtilement identifiables, tous les signes (la peur, la cocasserie, la fourberie) concourant à peindre son caractère.

    La présence scénique de la majorité des interprètes est impressionnante, mais les voix sont décevantes, à l'exception de Barry Banks (l'astrologue), seul étranger à la troupe du Marinski, et de Elena Manistina (l'intendante Amelfa).

    Le Dodon d'Albert Schagidullin manque singulièrement d'ampleur, et malgré la virtuosité des vocalises d'un rôle d'une difficulté redoutable, Olga Trifonova (la reine de Shamakha) a une émission souvent acide et quelques problèmes de justesse.

    Le public a fait une standing ovation, parfaitement méritée, à l'Orchestre de Paris et à son chef. En respectant à la lettre les indications de Rimsky-Korsakov en matière d'accents, de tempi et de rubato, en refusant de se laisser déborder par la pouvoir émotionnel de la musique, Kent Nagano a choisi une interprétation qui avait tout de l'intransigeance du brave samouraï.






    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 13/12/2002
    Françoise MALETTRA

    Reprise du Coq d'Or de Nicolaï Rimsky-Korsakov
    Opéra en trois actes sur un livret de Vladimir Bielski d'après Pouchkine
    Créé le 7 octobre 1909 au Théâtre Solodovnikov de Moscou
    Production du Théâtre du Chatelet, créée en l984, en collaboration avec le San francisco Oper.

    Direction musicale : Kent Nagano
    Orchestre de Paris
    Choeur du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg
    Mise en scène : Ennosuke III
    Réalisation : Isao Takashima
    Chorégraphie : Kaeshino Fujima
    Décors : Setsu Asakura
    Costumes : Tomio Mohri
    Lumières : Jean Kalman

    Avec Albert Schagidullin (Le Roi Dodon), Ilya Levinsky (Le Prince Guidon), Andrei Breus (Le Prince Afron), Ilya Bannik (Le général Polkan), Elena Manistina (Amelfa), Barry Banks (L'astrologue), Olga Trifonova (La Reine de Shamakha), Yuri Maria Saenz (Le Coq d'or)

    Prochaines représentations le 19,22,23,26,28 décembre 2002

     


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