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CRITIQUES DE CONCERTS 27 juillet 2024

Récital de la soprano Karita Mattila accompagnée au piano par Tujia Hakkila au Théâtre du Châtelet, Paris.

L'invitation au voyage de Karita Mattila
© Lauri Eriksson

Avant une très attendue production de Jenůfa, le Théâtre du Châtelet proposait un récital de celle qui chantera le rôle-titre du chef-d'Å“uvre de Janáček en mai prochain. L'occasion de retrouver une artiste au sommet de son art, dans un programme Duparc, Saariaho, Rachmaninov et Dvořak, pour un récital mémorable.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 02/04/2003
Yannick MILLON
 



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  • Une des constantes des récitals de Karita Mattila est son habileté à élaborer ses programmes, alternant toujours judicieusement les époques et les styles, en laissant autant que faire se peut une place à la musique contemporaine. Ce récital du Châtelet en est une belle illustration.

    Si la voix est idéale pour Duparc – un soprano lyrique aux couleurs automnales – on regrettera quelques soucis de diction et de conception de la langue de Baudelaire. L'excellence de Mattila dans le Lied s'avère presque problématique pour ce répertoire, la soprano déclamant les mélodies de Duparc en mettant en relief certaines consonnes plosives – comme dans la langue allemande – qui malmènent l'uniformité de la prosodie française. De plus, certaines voyelles manquent de définition, comme les è systématiquement trop fermés, à l'allemande, mais curieusement, les nasales, talon d'Achille de la majorité des non-francophones, sont parfaitement idoines.

    Aigus fébriles et bouleversants

    Malgré ces réserves, que de musique, d'émotion à fleur de peau dans ces Duparc ! Particulièrement réussie, Au pays où se fait la guerre bénéficie d'une approche adéquate, partagée entre inquiétude devant l'absence et espérance d'un improbable retour. Dans Chanson triste, Mattila fait oublier des aigus comme souvent un peu fébriles par une musicalité bouleversante.

    La pianiste Tujia Hakkila est au même diapason, et on lui pardonnera de fait quelques approximations techniques. Sommet des cinq mélodies, Phidylé passe de la caresse à la passion avec un art du legato absolument irrésistible, le timbre chaud et sombre de la soprano finlandaise s'avérant idéal.

    Après pareille extase, difficile d'entendre autre chose. Pourtant, la création des Quatre instants de Kaija Saariaho est aussi un grand moment. Commande du Théâtre du Châtelet et du Barbican Centre de Londres, écrite en 2002, l'œuvre est dédiée à Karita Mattila, et composée de trois poèmes d'Amin Maalouf - le librettiste du désormais célèbre Amour de Loin créé à Salzbourg en 2000 et repris au Châtelet en 2001. Après une introduction pianistique peu renversante, Attente inaugure quatre mélodies dépressives et angoissées, au climat confiné et morbide.

    On a parfois du mal à comprendre le texte, mais musicalement, Mattila irradie d'intensité – Douleur – et de sensualité – Parfum de l'instant. La salle se laisse prendre au jeu sans la moindre réticence, réservant un triomphe aux trois Finlandaises. Comme pour montrer à quel point le projet lui tenait à cœur, Mattila lance au compositeur deux bravos hurlés à pleins poumons.

    Ardeur Mitteleuropa

    En deuxième partie, retour à deux compositeurs dont Mattila maîtrise beaucoup mieux la langue : Rachmaninov et Dvořák. Du premier, elle sait toujours trouver le lyrisme et le romantisme tardif appropriés, très à l'aise dans ces rôles d'amoureuses passionnées, même si les conclusions pianistiques bêtement virtuoses imaginées par Rachmaninov arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe.

    Du second, elle transfigure les Chants tsiganes op. 55. Mattila est évidence dans cette musique, et se déchaîne sur scène, envoyant à l'avant-scène ses chaussures dans un geste théâtral à la fin de Les cordes sont accordées. La Finlandaise en fait certes des tonnes, y compris musicalement, mais ne franchit jamais la barrière de la vulgarité, se contentant d'exalter le patriotisme de la musique de Dvořák dans une interprétation ardente. L'avant-dernière mélodie – Lorsque ma vieille mère m'apprenait à chanter – aux couleurs si typiquement Mitteleuropa, au rubato savamment distillé, tirerait des larmes à une pierre.

    Un récital prouvant si besoin était combien Karita Mattila est une immense artiste : ce soir, au Châtelet, tout n'est « qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté Â».




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 02/04/2003
    Yannick MILLON

    Récital de la soprano Karita Mattila accompagnée au piano par Tujia Hakkila au Théâtre du Châtelet, Paris.
    Henri Duparc (1848-1933)
    L'invitation au voyage (1870)
    Romance de Mignon (1869)
    Au pays où se fait la guerre (1870)
    Chanson triste (1869)
    Phidylé (1882)

    Kajia Saariaho (*1952)
    Quatre instants (2002), création mondiale

    Sergeï Rachmaninov (1873-1943)
    Ne chantez plus pour moi, op.4 n°4 (1893)
    Crépuscule, op.21 n°3 (1902)
    Solitude, op.21 n°6 (1902)
    La Muse, op.34 n°1 (1912)
    Quel bonheur, op.34 n°12 (1912)

    Antonin Dvořák (1841-1904)
    Chants tsiganes, op.55 (1880)

    Karita Mattila, soprano
    Tujia Hakkila, piano

     


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