altamusica
 
       aide
















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




CRITIQUES DE CONCERTS 28 mars 2024

Reprise de Parsifal dans la mise en scène de Graham Vick à l'Opéra de Paris.

Grisaille sur le Graal
© Eric Mahoudeau

Malgré une météo clémente, le mois d'avril de la saison musicale parisienne se sera déroulé sous le signe de la grisaille. La reprise du Parsifal de Graham Vick et James Conlon à l'Opéra Bastille n'y aura pas échappé, principalement en raison d'une direction musicale erratique et d'une mise en scène bien terne.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 09/04/2003
Yannick MILLON
 



Les 3 dernières critiques de concert

  • Verdi sentimental

  • Perfection selon saint Jean

  • Mai 68 pour les nuls

    [ Tous les concerts ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)




  • Qu'il est triste de voir le dernier opus wagnérien sabordé à ce point par un chef en méforme totale ! Et pourtant, la soirée commence sous de bons augures. Conlon monte au pupitre dans le noir et commence à diriger, bravant un bruit de salle qui laisse penser que la pneumopathie atypique doit couver chez bon nombre de spectateurs. Malgré les toussotements, le Prélude installe un vrai climat. Certes plus appliqué que véritablement inspiré, il se déroule dans un tempo judicieux et bénéficie de couleurs séduisantes.

    Dans l'ensemble, le premier acte se tient, sans défaut ni génie. La suite n'est en revanche qu'une lente descente dans les abîmes de l'ennui. Le deuxième acte, noir, tendu et dramatique est ici laborieux, gommé de tout maléfice du jardin de Klingsor. Dans le lyrisme puis l'extrême tension de la confrontation Parsifal-Kundry, Conlon dirige mollement et lentement, étouffant la moindre intervention des cuivres.

    Il en ira de même pour un troisième acte complètement plombé. Les cinquante premières minutes sont presque insoutenables d'immobilité et de torpeur, et l'on voit partout dans la salle des auditeurs gigoter d'ennui sur leur fauteuil. Voilà ce qui arrive quand on confie la direction d'un Parsifal à un chef qui aime Wagner mais que Wagner n'aime pas.

    Cela dit, ne jetons pas la pierre uniquement à Conlon car la mise en scène de Graham Vick est loin d'être inoubliable. Obsédé par les plates-formes tournantes – on se souvient de sa Lulu au festival de Glyndebourne – le metteur en scène britannique ne fait qu'illustrer un peu naïvement le drame wagnérien, sans jamais en renouveler l'approche – troisième acte à mourir d'ennui. Certains choix de Vick sont carrément risibles, comme sa fin de deuxième acte, où la lance censée s'arrêter au dessus de la tête de Parsifal est apportée par un ange d'une gaucherie épouvantable, marchant au pas, l'air indécis.


    Costumes dignes de Sacré Graal

    De même, Amfortas essayant tant bien que mal de sortir le défunt Titurel de son cercueil ressortit plutôt à un mauvais péplum qu'à une scène lyrique internationale. De plus, on ne peut s'empêcher de sourire devant les costumes misérabilistes des chevaliers, qui tiennent plus des Monty Python que d'une scénographie moderne et esthétisante.

    On peut aussi se contenter d'écouter les voix. On aura ainsi pu découvrir un excellent Parsifal en la personne de Clifton Forbis, dont c'est la première apparition à l'Opéra de Paris. Le timbre est beau, jeune et homogène sur toute la tessiture, la projection idéale. Une belle présence dans le tête-à-tête avec Kundry et des aigus lumineux dans Nur eine Waffe taugt confirmeront le talent du ténor américain. On ne regrettera même pas Domingo qui avait chanté le rôle-titre ici-même en 2001.

    De même, remplacer Hampson, Amfortas livide et geignant, par Albert Dohmen restera une idée lumineuse. Enfin un baryton qui a de vrais moyens pour ce répertoire, une voix égale et bien timbrée dans tous les registres ! Le grain de la voix, noire, sonore et idéalement projetée grâce à une technique en béton, passe l'orchestre sans la moindre difficulté. Le baryton allemand, avec ses moyens colossaux, délivre un monologue du premier acte culminant sur deux Erbarmen absolument déchirants d'intensité, de désespoir, et vocalement assurés comme l'étaient jadis ceux de George London.

    En revanche, le Gurnemanz de Kristinn Sigmundsson, nettement moins exceptionnel, semble toujours à court de projection et de souffle, et se tire moyennement de son monologue. Pire, Katarina Dalayman en Kundry est un contre-emploi, avec sa voix trop petite et trop douce de timbre, le seul rôle féminin de l'opéra exigeant de tout autres moyens que ceux d'une jolie voix couverte dès que l'orchestre joue mezzo forte.

    Pour parachever une production bien terne, des choeurs vraiment moyens à l'intonation défaillante – les aigus des sopranos plafonnent en permanence – qui portent à croire que le travail de Woodbridge à l'Opéra de Lyon porte autrement plus ses fruits que celui de Burian dans la capitale, et un ensemble de Filles-Fleurs absolument indigent, où toute la rondeur et la beauté de timbre nécessaires sont remplacés par du vinaigre.

    Devant une telle grisaille, comment ne pas donner raison à Amfortas qui ne veut pas découvrir le Graal ?




    Opéra Bastille, Paris
    Le 09/04/2003
    Yannick MILLON

    Reprise de Parsifal dans la mise en scène de Graham Vick à l'Opéra de Paris.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Parsifal, festival scénique sacré en trois actes (1882)
    Livret de Richard Wagner d'après Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach

    Choeurs et Orchestre de l'Opéra National de Paris
    direction : James Conlon
    mise en scène : Graham Vick
    décors et costumes : Paul Brown
    éclairages : Matthew Richardson
    chorégraphie : Ron Howell
    chef des choeurs : Peter Burian

    Avec :
    Albert Dohmen (Amfortas), Gudjon Oskarsson (Titurel), Kristinn Sigmundsson (Gurnemanz), Willard White (Klingsor), Clifton Forbis (Parsifal), Katarina Dalayman (Kundry), Mihajlo Arsenski (Premier chevalier du Graal), Yuri Kissin (Second chevalier du Graal), Valérie Condoluci (Premier écuyer), Karine Deshayes (Deuxième écuyer), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Troisième écuyer), Sergei Stilmachenko (Quatrième écuyer), Nona Javakhidze (une voix d'alto), Aline Kutan, Valérie Condoluci, Louise Callinan, Sine Bundgaard, Karine Deshayes, Nona Javakhidze (Filles-Fleurs de Klingsor).

     


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com