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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Reprise de la Flûte enchantée de Mozart mise en scène par Achim Freyer et sous la direction de Bertrand de Billy au festival de Salzbourg 2002.

Salzbourg 2002 (3) :
La Flûte étouffée

Au milieu des nouvelles productions de l'été salzbourgeois – Turandot, Don Giovanni, Le Roi Candaule, l'Amour de Danaé – on pouvait voir un spectacle déjà connu, la Flûte enchantée mise en scène par Achim Freyer, commandée par le festival en 1997. Un bonheur scénique que viendra gâcher une équipe musicale médiocre.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 27/08/2002
Yannick MILLON
 



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  • Quel plaisir que de retrouver cette mise en scène toute simple mais qui fait mouche, avec son chapiteau de cirque où les facéties qui s'y déroulent sont un régal pour les yeux. C'est d'abord l'étonnement en pénétrant dans un Manège des Rochers méconnaissable car réduit de moitié, recouvert de drapés noirs et d'un toit de chapiteau, avec une scène penchée. Etonnement aussi car alors que la salle se remplit, le spectateur est accueilli par un petit singe fripon qui frappe les trois coups sur sa cymbale.

    Quelle bêtise de casser alors un climat si intéressant en faisant saluer le chef et l'orchestre, comme si ceux-ci ne pouvaient attendre la fin du premier acte. Vétille, car la mise en scène de Freyer est aussi captivante qu'un conte pour enfants, totale réussite qui gomme les faiblesses d'un livret pour le moins médiocre, en opérant entre autres de nombreuses coupures dans les dialogues. Et que cette Flûte passe vite, alors qu'elle traîne si souvent en longueur.

    Tamino est un pierrot touchant et juvénile, sa Pamina le même en féminin, un peu puérile, Papageno est le clown de service, avec son nez pointu et ses culottes bouffantes multicolores, Sarastro est Monsieur Loyal. Les trouvailles de Freyer émerveillent les enfants comme les plus grands : Pamina qui apparaît derrière son portrait posé sur la scène, le cortège de lions de Sarastro, les eunuques bleus et jaunes qui précèdent un Monostatos caché sous une tête de cheval, les animaux que rencontre Tamino : le loup pervers, l'éléphant, avec leurs yeux qui clignotent.

    On atteint parfois des sommets de théâtre, quand la Reine de la nuit monte comme par magie sur un élévateur invisible et qu'elle disparaît subitement. Idem pour Papageno et Papagena, qui, après avoir subi un baptême dans une piscine, traversent la salle sur un vélo surmonté de cages d'oiseaux. On a alors l'impression de se retrouver dans les théâtres de faubourg viennois, comme à la création, et il est évident que la Flûte voulue par Schikaneder ressemblait plus à cela qu'à une reconstitution mythologique pseudo-égyptienne et figée.

    Chambre sourde

    Quel dommage dans ces conditions que l'affiche déçoive ! A commencer par la direction de Bertrand de Billy, sèche, sans âme, parfois imprécise dans les ensembles – un comble quand on pense que les chanteurs sont à moins de trois mètres de lui – et constamment trop rapide, privant les chanteurs de toute souplesse agogique. De Billy est de ces chefs qui cherchent à faire un peu baroque sans en avoir les moyens ni les connaissances. L'orchestre, un Philharmonique de Vienne bien difficilement reconnaissable – son creux, dynamique éteinte, flûte approximative – lutte constamment contre la sécheresse rédhibitoire de la salle. La faute en incombe aux drapés qui absorbent toute réverbération. De même, les chanteurs semblent aux prises avec cette acoustique digne d'un studio anéchoïque.

    Pour ne rien arranger, la distribution est moyenne. A l'exception de l'excellente Reine de la nuit de Diana Damrau – aux coloratures passant comme une lettre à la poste et au format dramatique requis – et du non moins excellent Sarastro de René Pape – ampleur, beauté du timbre, aigus somptueux rappelant l'immense George London – le plateau alignera des voix qui, si elles passent au quatrième rang, doivent être absolument inaudibles à mi-salle.

    Voix miniatures

    Barbara Bonney avant tout autre, qui chante comme pour un cercle d'amis dans son salon. Le timbre est joli certes, mais à force de retenue et de maniérismes déplacés, on perd la qualité d'une voix bien plus belle quand elle développe plus. Ici, le vibrato est serré, quand il y en a. La soprano américaine aligne des sons droits fort désagréables, pour ne rien dire d'un grave complètement ouvert digne des pires sopranos légers des années cinquante. Son Ach ! ich fühl's, indifférent, ne recueillera que de bien maigres applaudissements. Une présence scénique bien maladroite y est sans doute aussi pour quelque chose.

    Le cas de Rainer Trost est différent. Emouvant, avec ses allures d'adolescent gentil, il campe un Tamino d'une grande sensibilité, pas héroïque pour un sou mais très bien chantant, au timbre rond et clair et au legato somptueux. Pour autant, il ne convainc pas totalement, sans doute par manque de fermeté dans l'aigu. Et lui non plus ne pense pas à ceux qui l'écoutent du fond de la salle.

    La Papagena de Martina Jankova, très drôle, a toujours un timbre aussi pur, mais que cela grelotte dès qu'il s'agit de tenir un son ! En revanche, rien à redire sur le Papageno honorable de Simon Keenlyside, drôle sans histrionisme, bien chantant, bon acteur. Les Trois Dames et les trois Knaben sont excellents, tout comme le Monostatos de Robert Wörle. Ils se fondent à merveille dans une mise en scène qui leur plaît visiblement beaucoup. Le choeur, lui, est tout simplement impeccable.

    Dommage, le handicap d'une acoustique aussi ingrate et d'une équipe musicale guère renversante. Dommage aussi, les conditions météo catastrophiques – un violent orage avec tonnerre et trombes d'eau – qui gênent l'écoute durant tout le premier acte. Carrément inacceptable enfin, le raffut mené derrière les drapés par les figurants, choristes et techniciens qui rient, parlent à haute voix et en font profiter tout le parterre.







    La Flûte enchanteresse

    Étrange impression que de pénétrer dans une Felsenreitschule méconnaissable et comme transportée sous un vaste chapiteau étoilé ; étrange accueil que ces personnages traînant sur une scène diminuée de moitié tandis que la salle se remplit : un vieil homme ivre, un pierrot, un singe, costume chamarré et mine taquine, qui frappe les trois coups sur sa cymbale.

    Dès l'ouverture le ton est donné : la direction sera rapide, l'acoustique sèche. Mais le tempo ne suffit pas à innerver le discours, ni à faire sonner un Philharmonique de Vienne aux prises avec une salle aussi sèche. Peu de couleurs, peu de dynamique, l'orchestre paraît bien terne – une flûte forcée et rien moins qu'élégiaque – et plusieurs Arien ne prennent guère le temps de respirer, les chanteurs semblant ici ou là précipités.

    Du coup, le pauvre Rainer Trost, Tamino touchant, tendre, rêveur, façon Pierrot triste, donc nullement héroïque, n'a parfois pas le temps de laisser s'épanouir son joli timbre, et reste un peu pâle d'aigu. De son côté, Barbara Bonney alterne jolies souplesses et maniérismes un peu artificiels, révélant une dynamique bien limitée dans la vitesse. René Pape tire habilement son épingle du jeu, et si les graves manquent un peu d'ampleur, combien de Sarastros montrent médium si bien sonnant, timbre si noble, port si altier de la ligne ? Il faut admirer aussi la prestation de Simon Keenlyside, Papageno sympathique et bien chantant, tout comme la Reine de la Nuit de Diana Damrau : mordant du timbre, hystérie du personnage, agilité des coloratures et facilité du suraigu.

    Reste la mise en scène vraiment magique d'Achim Freyer. De trouvaille en trouvaille, citons au hasard Papageno jonglant avec ses cages d'oiseaux, la Reine de la Nuit dans deux grands numéros de prestidigitation – fascinant premier air – Sarastro tantôt archer égyptien, tantôt géant gonflable, une scène d'initiation de toute beauté, les nuages de paillettes dorées qui accompagnent la disparition des personnages au fond de scène, les animaux de la forêt, les lions, tout cela dans un univers visuel plus proche du cirque que de l'Égypte ancienne ou imaginaire, mais sans perdre de vue une certaine symbolique cabalistique – belle image de fermeture avec les mains rayonnant du disque solaire, portes de la nature et de la raison


    Certains seront sortis frustrés de rituel, de cérémonial, de mystère ; mais loin d'être une oeuvre hermétique, la Flûte enchantée ressortit plus à un théâtre populaire, divertissant, cosmopolite, où les idées fortes des vertus franc-maçonniques côtoient l'espièglerie d'un Papageno, l'Empfindsamkeit des amoureux et tout l'arsenal de machines et de costumes de l'orage, des animaux, du soleil. Ici, donc, peu de mystères initiatiques, mais que de drôlerie, de surprises, de merveilles, bref, que de spectacle ! Et si l'on se surprend à n'apercevoir qu'au milieu de la représentation l'escargot-horloge qui rampe le long de la fosse, c'est bien que l'enchantement opère.


    Thomas COUBRONNE






    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 27/08/2002
    Yannick MILLON

    Reprise de la Flûte enchantée de Mozart mise en scène par Achim Freyer et sous la direction de Bertrand de Billy au festival de Salzbourg 2002.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    La Flûte enchantée, singspiel en deux actes KV.620 (1791)
    Livret d'Emanuel Schikaneder

    Association de Concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
    Orchestre Philharmonique de Vienne
    direction : Bertrand De Billy

    mise en scène, décors, costumes : Achim Freyer
    éclairages : Kurt-Rüdiger Wogatze, Achim Freyer
    préparation du choeur : Rupert Huber
    figurants : Freyer Ensemble

    Avec :
    Rainer Trost (Tamino), Barbara Bonney (Pamina), Simon Keenlyside (Papageno), René Pape (Sarastro), Diana Damrau (Reine de la Nuit), Martina Jankova (Papagena), Robert Wörle (Monostatos), Wolfgang Schöne (l'Orateur), Anja Harteros (Première Dame), Heidi Brunner (Deuxième Dame), Katharine Goeldner (Troisième Dame), Markus Eiche (premier prêtre), Dietmar Kerschbaum (deuxième prêtre), Torsten Kerl (premier homme en armes), Dan Dumitrescu (deuxième homme en armes), Solistes du Tölzer Knabenchor (trois jeunes garçons).

     


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