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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 octobre 2024 |
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Version de concert du Roi Roger de Szymanowski au Théâtre du Châtelet.
Vers le pays de l'Ă©ternelle ivresse
L'intérêt des opéras donnés en version de concert est indiscutablement de favoriser l'audition d'oeuvres rares en se concentrant sur la partition, hors de toute évasion suggérée par l'image. Mais le genre a ses limites, et certaines oeuvres en appellent à une vision scénique pour y trouver leur cohérence et donner du sens à l'histoire qu'elles racontent, notamment Le Roi Roger du polonais Karol Szymanowski.
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Le Roi Roger était transformé ce soir-là en symphonie concertante pour solistes et choeur, superbe, certes, mais semblant singulièrement étrangère au poème de Jaroslaw Iwaszkiewic, et aux questions essentielles qu'il pose. Celles de Roger, roi très chrétien dans la Sicile du XIIe siècle, et austère garant du dogme, converti aux mystères dionysiaques après qu'un jeune berger, se disant messager d'un dieu d'amour venu d'orient, lui aura révélé l'existence d'un autre monde gouverné par les plaisirs et le culte de la beauté en toute chose, et où la nature est souveraine. Celles de Roxane, la reine, qui voit enfin s'ouvrir le ciel et succombe au discours du berger qu'elle suivra dans un long parcours initiatique.
Mais Szymanowski avertit : « J'ai écrit une symphonie à programme, dont le récit restera secret pour tout le monde. Qu'on le devine ! » Entre mysticisme et extase charnelle, la musique se déploie dans une opulence et une sensualité traversée par les séductions d'un Orient de légende, et en même temps par l'évidente fascination exercée sur le compositeur par Debussy, Scriabine et Stravinski.
L'Orchestre Philharmonique et le choeur de Radio France plongent avec voluptĂ© dans cet univers somptueux et panthĂ©iste, dopĂ©s par la direction fougueuse du finlandais Jukka-Pekka Saraste. On attendait, dans le rĂ´le-titre, le baryton amĂ©ricain Thomas Hampson, empĂŞchĂ©, mais son absence a permis au polonais Wojek Drabowicz de se montrer un Roi Roger impressionnant de puissance et d'intelligence musicale, qui atteint Ă la grandeur dans la scène finale oĂą le roi, s'Ă©levant au-dessus des querelles idĂ©ologiques, dĂ©cide d'en finir en s'offrant Ă
Apollon.
A ses côtés, sa compatriote Tatiana Maria Pozarska apporte au personnage de la Reine la fraîcheur et la luminosité d'un timbre d'une pureté rare. Malgré quelques moments périlleux, il faut reconnaître une belle vaillance au jeune ténor Ryszard Minkiewicz pour être sorti vainqueur des pièges d'une tessiture à la limite de l'exploit.
Une soirée en forme d'ambassade bien conduite pour la grande saison musicale polonaise prévue à Paris en 2004, et un bien beau voyage vers le pays de l'éternelle ivresse.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 25/04/2003 Françoise MALETTRA |
| Version de concert du Roi Roger de Szymanowski au Théâtre du Châtelet. | Karol Szymanowski (1882-1937)
Le Roi Roger
Opéra en trois actes
Livret de Jaroslaw Iwaszkiewicz
Crée le 19 juin 1926 au Grand Théâtre de Varsovie
Version de concert
Wojtek Drabrowicz : Roger, Roi de Sicile
Tatiana Maria Pozarska : Roxana
Ryszard Minkiewicz : le Berger
Rafal Siwek : l'ArchevĂŞque
Jadwiga Rappé : une Abbesse
Choeur de Radio France
direction : Norbert Balatsch
Maîtrise de Radio France
direction : Toni Ramon
Orchestre Phiharmonique de Radio France
direction : Jukka-Pekka Saraste | |
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