Avouons qu'il fallait un musicien aussi sorcier que Muti pour nous intéresser à La mort de Cléopâtre de Berlioz, et obtenir de l'orchestre le meilleur qu'on n'attendait plus de l'exercice d'école d'un jeune compositeur de 26 ans qui obtenait enfin la reconnaissance de l'Académie de France à Rome avec un second prix accordé à sa cantate.

D'autant que la mezzo Violeta Urmana a fait de la figure légendaire de Cléopâtre une farouche guerrière, sans nous faire sentir, tant la voix passe sans cesse en force, les déchirements d'une reine blessée à mort et le désespoir qui la conduira au suicide.

Mais le bonheur se mérite, et il dépassa toutes les espérances avec l'exécution de la Sixième Symphonie de Tchaikovski. Une telle fusion entre l'orchestre et son chef, une telle adhésion à sa propre vision tient du miracle. Il y a chez Muti, au-delà d'un contrôle d'une totale exigence sur la partition, un souffle qui laisse s'exprimer le chant, rien que le chant, dans sa pureté comme dans ses orages, avec une élégance sans pareille. On n'en attendait plus tant du maestro italien dans un tel tube après son très décevant concert à la tête des Wiener Philharmoniker le 20 janvier dernier.

Pourtant, au dernier balcon, des banderoles célébrant le charisme exceptionnel du directeur musical de la Scala de Milan se déploient en des termes sans équivoque : « Maestro, tu es le plus grand ». Tous d'accord ce soir-là ! Le dernier beau geste de Muti sera d'offrir les fleurs qui lui étaient destinées à Liliane Rossi, chef d'attaque des seconds violons du National, une grande dame qui faisait ses adieux à l'Orchestre.

Un départ célébré sous le signe de l'excellence et de la classe.