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CRITIQUES DE CONCERTS 10 décembre 2024

Concert de l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous la direction de Mariss Jansons à l'auditorium de Dijon.

Rachat symphonique à la puissance dix

Pour sa seule apparition française de l'année 2003, le Philharmonique de Berlin a choisi l'acoustique exceptionnelle de l'Auditorium de Dijon. La venue du Concertgebouw d'Amsterdam dans la capitale bourguignonne en 2001 avait occasionné une franche déception. Cette année, les Berliner iront jusqu'à racheter la médiocre prestation de leurs collègues néerlandais par une fiévreuse 5e symphonie de Chostakovitch.
 

Auditorium, Dijon
Le 12/05/2003
Yannick MILLON
 



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  • En première partie, Jansons donne une Symphonie écossaise en rien inoubliable. Certes l'orchestre joue fort bien, particulièrement des vents justes et équilibrés : clarinette exceptionnelle de rondeur et de chaleur, flûte diaphane – on salue le grand retour d'Emmanuel Pahud à la Philharmonie – mais les tutti sonnent de manière indifférenciée et parfois brouillonne. Le premier mouvement, par la qualité instrumentale des Berlinois, sauve la mise. Le Scherzo fait en revanche les frais de certaines imprécisions rythmiques. Le Finale, mouvement le moins abouti dans cette lecture, s'achève par une coda pompière et molle, avec des accords trop amortis. Les concerts de Jansons au festival de Lucerne l'automne dernier avec le Philharmonique de Vienne avaient laissé le même arrière-goût d'inachevé.

    Après l'entracte, le chef letton éliminera d'un revers de main toutes les craintes issues d'une fin d'Ecossaise bien penaude. Dès la première attaque, il rappelle haut et fort qu'il a été l'élève de Mravinski à Léningrad et qu'il connaît son Chostakovitch sur le bout des doigts. Il donne de la 5e symphonie une vision d'un seul tenant, dense et cohérente.

    Dans le premier mouvement, les ruades des cordes sont cinglantes, avec un intense vibrato et un jeu à la corde dans lequel pas un brin d'archet n'est épargné. Sitôt passée l'introduction, la pulsation immuable des basses et des altos est d'une rare angoisse, dans un pianissimo à la limite du silence comme seuls les plus grands orchestres sont capables d'en produire. Au centre du mouvement, Jansons instaure un climat de panique radical, pour atteindre un climax ponctué par un coup de gong et un tutti écrasants de puissance. Tout l'épilogue, glacial, avec le solo fantômatique et génial d'intentions de la flûte puis du piccolo, marque durablement par son climat livide et un jeu sans vibrato qui remplit d'effroi.

    Le Scherzo, lapidaire, attaqué par des basses furieuses, ne lâche l'auditeur à aucun moment, et fait preuve d'une motricité inhabituelle, la plupart des commentateurs voyant en général dans ce scherzo plutôt un épisode ludique et sans nuage.

    Le mouvement lent fait entendre des merveilles de sonorités : no man's land quasi cosmique du passage pour harpe et deux flûtes, d'une poésie raréfiée, quasi webernienne, climax au xylophone martelant au dessus des sursauts de vie des cordes, et coda exsangue, où une magnifique harpe esseulée termine aux confins du silence.

    Jansons attaque ensuite le Finale dans un tempo assez lent montrant la grossiereté voulue du thème principal aux cuivres, puis, tel un enfant pris la main dans le sac, accélère brutalement pour garder un tempo de course poursuite grisant. Et pourtant, ce mouvement, gigantesque pied de nez comme Chostakovitch savait si bien les réaliser, comporte un risque majeur, celui de prendre la coda au premier degré. D'immenses artistes s'y sont abîmés, y compris Bernstein qui la dirigeait à toute vitesse, dans un caractère festif digne du Finale de la 4e symphonie de Tchaïkovski.

    Jansons, en bon interprète russe, y trouve un second degré bien plus abouti, un triomphe chargé d'amerture, celui d'un être qui vous dit : « Je suis heureux, je ne cesse de prendre des coups de bâton, mais je dois être heureux, alors je souris ! ». Le climat en est du coup presque insoutenable car des plus grinçants, avec des cordes en acier trempé et des timbales fracassantes qui assènent des dominante-tonique à la manière d'un rouleau compresseur.

    Jouissance morbide provoquant l'exultation du public, qui après avoir écouté avec un silence religieux dont devrait s'inspirer le bruyant public parisien, applaudit à tout rompre comme pour libérer une tension accumulée pendant 50 minutes. Dès le deuxième rappel, une standing ovation générale gagne la salle. Pour Jansons et Berlin, c'est un triomphe qui rachète à la puissance dix la prestation pour le moins moyenne du Concertgebouw il y a deux ans.

    Après Amsterdam et Berlin, il ne manque à l'auditorium de Dijon que de convier les Viennois pour parer au tableau d'excellence. Prenons-nous à rêver, à quand les Wiener Philharmoniker avec Thielemann dans la Symphonie alpestre pour honorer la meilleure acoustique de France ?




    Auditorium, Dijon
    Le 12/05/2003
    Yannick MILLON

    Concert de l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous la direction de Mariss Jansons à l'auditorium de Dijon.
    Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
    Symphonie n°3 en la mineur op.56 "Ecossaise"

    Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
    Symphonie n°5 en ré mineur op.47

    Orchestre Philharmonique de Berlin
    direction : Mariss Jansons

     


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