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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Concert de l'Orchestre National de France sous la direction de Paavo Järvi au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

Le client n'a pas toujours raison

Pour son dernier concert de la saison au TCE, le National avait invité le talentueux Paavo Järvi pour une somptueuse Romantique de Bruckner, pourtant fraîchement accueillie par le public, et Matthias Goerne en première partie, ovationné comme rarement alors qu'il y avait pourtant beaucoup à redire dans sa prestation.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 12/06/2003
Yannick MILLON
 



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  • Passons rapidement sur la pièce de Pärt qui ouvre le programme, jolie, bien sonnante mais sans vraie matière musicale.

    Järvi revient alors sur scène précédé du baryton Matthias Goerne. Ce dernier, qui se racle fréquemment la gorge – une pharyngite naissante ? – ouvre des yeux ronds et semble débarquer d'une autre planète. Il installe correctement au pied de son pupitre deux verres d'eau auxquels il ne touchera pas, lance un sourire presque inquiet au premier violon Luc Héry, et fait comprendre au chef qu'il est prêt, non sans gigoter nerveusement.

    Le programme de Goerne est excellent, quant au choix des oeuvres elles-mêmes mais encore plus quant à leur enchaînement. C'est là un héritage direct de ses professeurs Elisabeth Schwarzkopf et Dietrich Fischer-Dieskau. Mais ces derniers ne lui ont pas transmis que l'art d'élaborer un programme. Musicalement, Goerne convainc par son sens du mot, la beauté de son legato et sa demi-teinte magnifique.

    En revanche, la qualité de la voix conquiert moins. Goerne fait partie de ces barytons trop uniquement élevés à l'école du lied qui affichent une voix un peu courte dans les nuances forte. Les aigus à pleine voix sont un peu sur la corde raide, et les notes extrêmes de Revelge, certes périlleuses, sont complètement escamotées. On ne peut s'empêcher de trouver de la monochromie dans ce timbre toujours sourd et dans ce petit vibrato pas vraiment beau, et d'être gêné par quelques imprécisions rythmiques, le baryton allemand se trouvant fréquemment en avance sur l'orchestre.

    Goerne un bon cran en dessous de Quasthoff

    De plus, sur scène, Goerne manque de tenue, avec ses gesticulations et ses tics – comme le fait de se pincer le nez sans arrêt – qui parasitent le contenu musical, et sa prestation s'avère par trop univoque, manquant de tendresse, de lumière. Dans son cas, le disque s'avère des plus flatteurs, alors que le direct déçoit beaucoup. Si au niveau purement musical, Goerne et Quasthoff se valent, au niveau vocal, Quasthoff dépasse Goerne d'une franche coudée, et il sera d'autant plus intéressant d'aller l'écouter dans les Lieder eines fahrenden Gesellen dimanche prochain dans cette même salle, accompagné par le Philharmonique de Vienne et Boulez.

    Ce qui va suivre après l'entracte est autrement plus convaincant. Transporté par un chef brillant et efficace, le National va tout simplement se surpasser. Järvi propose un Bruckner cursif mais sans précipitation, équilibré mais sans mollesse, fiévreux mais sans agitation inutile. Il donne une lecture très unitaire du plus célèbre opus brucknérien, dans des tempos toujours justes quant à leurs rapports. L'absence de yo-yo rythmique dans le déroulement des mouvements imprime une stabilité bienvenue, qui s'en tient aux indications de Bruckner, sans en rajouter dans les accelerando ou ritardando.

    ONF en forme olympique

    On aura rarement entendu le National aussi affûté techniquement : attaques précises, contrôle remarquable de l'intonation dans les vents, interventions de cuivres très nettes. On surprendra jusqu'à trois trombones en forme olympique et quatre cors aux sonorités viennoises dans les tutti et les unissons, particulièrement dans la coda du premier mouvement. Parmi les bois, on retiendra avant tout une sublime clarinette, suprêmement musicale et d'une rondeur admirable dans l'aigu et les pianissimo, qui émergent de l'orchestre avec grâce. On pourra aussi se souvenir de très beaux solos de flûte, au legato remarquable, notamment dans la magnifique réexposition du premier mouvement. Les musiciens du National ont d'autant plus de mérite qu'il leur a fallu batailler contre l'acoustique rêche et pauvre du TCE.

    L'Andante, fluide, bénéficie d'une mise en place irréprochable et d'un véritable "esprit d'orchestre", dans lequel les solos s'enchaînent en s'écoutant les uns les autres, ce qui est rarement le cas chez les orchestres français, souvent constitués de techniciens excellents mais beaucoup trop individualistes, jamais prêts à se sacrifier au profit du groupe. Dans les grands tutti du Scherzo, Järvi étale la dynamique en trois paliers successifs, dans un effet intéressant. On se réjouira également de la vigueur des trémolos des violons, renforçant le caractère rythmique naturel du mouvement. On aurait seulement aimé un rien plus de discernement dans le Trio, où les tenues en quintes des violoncelles et des altos, vibrées par défaut, ont privé le passage de l'évocation paysanne qui lui est propre avec des cordes non vibrées. Négligence du chef ?

    De même, il manquera toujours aux orchestres français le petit plus qu'est une belle assise grave des basses, ici trop claires de timbre et légères d'archet, ou des seconds violons aussi chantants et beaux de timbre que les premiers. Mais ce sont des vétilles au regard de l'ensemble d'une magnifique prestation comme on n'en espérait plus dans ce répertoire, surtout après la monstrueuse 9e qu'avait donnés le Philharmonique de Radio France et Saraste en octobre dernier à la Cité de la Musique.

    Ce soir, le public applaudit respectueusement, sans plus, alors qu'il avait fait un triomphe presque délirant à la contestable première partie. Comme quoi le client n'a pas toujours raison !




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 12/06/2003
    Yannick MILLON

    Concert de l'Orchestre National de France sous la direction de Paavo Järvi au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Arvo Pärt (*1935)
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    Des Antonius von Padua Fischpredigt (Le sermon de Saint Antoine de Padoue aux poissons)
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    Revelge (Réveil)
    Der Tamboursg'sell (Le petit tambour)

    Anton Bruckner (1824-1896)
    Symphonie n°4 en mib majeur « Romantique »
    (version 1878-1880)

    Orchestre National de France
    direction : Paavo Järvi

     


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