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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Concert Janaček de l'Orchestre de Paris sous la direction de Pierre Boulez au théâtre Mogador.
Janaček envahit Mogador
Chaque apparition de Pierre Boulez Ă la tĂŞte de l'Orchestre de Paris fait figure d'Ă©vĂ©nement dans la capitale. Après Stravinski et BartĂłk, le chef français s'attaque Ă Janaček, dans un programme entièrement consacrĂ© Ă l'annĂ©e 1926, pour une prestation dont les dĂ©cibels Ă©branlent les balcons du théâtre Mogador.
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Pour commencer son hommage à l'année 1926 « en fanfare », Boulez débute par la Sinfonietta, oeuvre vigoureuse et virtuose à souhait. Dans l'Allegretto introductif, on sent immédiatement la volonté du chef français de gommer le caractère « musique festive pour orchestre d'harmonie » en privilégiant un tempo lent et une solennité presque grave. Par la suite, il se fait plaisir, dévoilant mille détails au détour de chaque formule rythmique, et trouve des sonorités qui interpellent l'oreille : pizz doublé d'une attaque sèche et cuivrée des trombones, évoquant immanquablement la percussion dans l'Andante.
Boulez convainc par une attention jamais relâchée sur le rythme, précis et parfois même roboratif, la caractérisation de chaque solo, l'énergie et la fermeté de sa pulsation. On reste admiratif devant une telle science des cassures de tempo à l'intérieur des mouvements, aux équivalences évidentes. Et l'on surprend l'Orchestre de Paris à adopter des sonorités idoines, avec un rien d'acidité sur les cordes et les bois.
Dans le Capriccio, c'est la main gauche de Jean-Efflam Bavouzet qui accapare l'attention, relayée et soutenue par un ensemble à vent – flûte, deux trompettes, trois trombones, tuba ténor – conduit par un Boulez des plus attentifs, qui focalise sa lecture sur certains « passages clés », comme l'unisson en tutti sur le la grave du piano dans le troisième mouvement, rehaussé par des cuivres à la justesse impressionnante.
On sera en revanche plus réservé sur les solos de la flûte, trop cuivrés et au vibrato forcé, dont le beau timbre naturel n'avait pas besoin de ces artifices pour passer un piano et six cuivres. Et finalement, on en vient à se demander pourquoi Boulez, qui dit avoir horreur de perdre son temps et n'en avoir pas assez pour s'attaquer à toutes les oeuvres qui l'intéressent – on pense en particulier aux dernières symphonies de Sibelius – perd son temps avec une oeuvre mineure comme celle-ci.
On adhérera en revanche à cent pour cent à sa décision de diriger la Messe Glagolitique, surtout lorsqu'on apprend qu'il a opté, à l'instar de Charles Mackerras, pour la version originale, nettement plus convaincante, dramatique et cohérente que la version révisée qu'ont enregistrée tant de chefs. Ici, le Cruxifixus est un tremblement de terre, avec ses cuivres déchaînés et ses timbales en stéréo de chaque côté de l'orchestre. Et au moins, on ne nous fait pas l'affront de nous proposer une Intrada seulement en conclusion de la messe !
Toujours est-il que Boulez prend l'oeuvre Ă bras le corps – Intrada lapidaire –, en exalte la dĂ©mesure – Verŭju (Credo) – et le panthĂ©isme – magnifique Agneče božij (Agnus Dei) lunaire – avec un orchestre grondant, dans une lecture noire, qui prend littĂ©ralement aux tripes. Et l'on ne peut que saluer la prestation des Choeurs de l'Orchestre de Paris, très bien prĂ©parĂ©s au slavon, prĂ©cis, aux voix de soprano qui ne plafonnent jamais – et pourtant il y aurait de quoi dans cette oeuvre dangereusement gĂ©nĂ©reuse en hauts de tessiture. Les parties solistes sont dominĂ©es par le soprano radieux d'Elzbieta Szmytka, et desservies par les hommes : basse terne et avalĂ©e de Yuri Kissin, tĂ©nor redoutable d'aigus bĂ©ants d'Herbert Lippert.
Tout ce monde qui envahit une scène pas très grande, dans une Messe riche en dynamique, et voilà le petit théâtre Mogador submergé par une saturation de décibels. Mais on ne va pas reprocher à un orchestre français de « trop jouer », ce serait un comble !
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Théâtre Mogador, Paris Le 03/10/2003 Yannick MILLON |
| Concert Janaček de l'Orchestre de Paris sous la direction de Pierre Boulez au théâtre Mogador. | Leoš Janaček (1854-1928)
Sinfonietta pour orchestre, op. 60
Capriccio pour piano et instruments Ă vent
Jean-Efflam Bavouzet, piano
Messe Glagolitique pour quatuor de solistes, choeur mixte, orgue et orchestre.
Version originale restituée par Paul Wingfield
Elzbieta Szmytka, soprano
Cornelia Oncioiu, alto
Herbert Lippert, ténor
Yuri Kissin, basse
Philippe Brandeis, orgue
Choeur de l'Orchestre de Paris
direction : Didier Bouture et Geoffroy Jourdain
Orchestre de Paris
direction : Pierre Boulez | |
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