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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

Nouvelle production de Lohengrin de Wagner Ă  l'Auditorium de Dijon

Lohengrin sauvé par les dames
© Vincent Jacques

Gillian Webster (Elsa) et Julia Juon (Ortrud)

Pour mettre en valeur son acoustique incomparable, l'Auditorium de Dijon a programmé un Lohengrin mis en scène par Philippe Godefroid, un habitué de Wagner qui avait déjà mis en scène le Ring et Parsifal dans les années 90. Mais ce soir, il faudra tout le talent des deux protagonistes féminines pour faire oublier une prestation musicale moyenne et une mise en scène originale mais douteuse.
 

Auditorium, Dijon
Le 05/10/2003
Yannick MILLON
 



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  • Dans son Lohengrin, Philippe Godefroid fait montre de bonnes idĂ©es, d'une ligne directrice qui joue Ă  fond la carte du pessimisme. Il a choisi de faire intervenir sur scène Parsifal, père de Lohengrin, qu'on voit lors du prĂ©lude poignarder un christ en croix couchĂ©. Le « chaste fol Â» assistera Ă  l'action Ă  l'avant-scène, dans une sorte de couloir clinique dont le sol est couvert de gros carrelage blanc. Le monde rĂ©el de l'opĂ©ra est reprĂ©sentĂ© derrière, et au dĂ©part voilĂ© par un tulle donnant aux scènes de foule un effet de filtre de cinĂ©ma plutĂ´t rĂ©ussi. Lohengrin est peint comme un ĂŞtre hystĂ©rique et inquiĂ©tant, tĂ©lĂ©commandĂ© par son père dont on a du mal Ă  comprendre les vraies motivations. Godefroid dĂ©peint les Brabançons comme une bande de dĂ©vots balourds niant le surnaturel.

    Mais pourquoi enfoncer le clou jusqu'au ridicule en faisant se signer tous les personnages à la moindre invocation du Très-Haut, pourquoi grossir le trait de la trivialité du peuple en faisant s'esclaffer les hommes comme des Gaulois, et pourquoi faire crier les femmes comme une meute de jouvencelles sur un grand 8 quand Lohengrin terrasse Friedrich ? Malheureux expédients qui ruinent le sérieux de l'entreprise. De même, on reste sceptique devant ce « Lohengrin Skywalker » qui s'amuse avec une épée fluorescente, puis n'a qu'à sonner du cor pour mettre hors d'état de nuire Friedrich durant le combat.

    "Heil !" et bruits de bottes

    Godefroid cherche à sortir de la simple peinture médiévale, pour en référer à un sens caché, la montée du nazisme : foule en liesse brandissant bras et lances en criant « Heil ! » ; peuple en période de crise politique prêt à suivre son guide à tout prix ; apparition de Gottfried éclopé, anti-héros à la tête d'un peuple à qui il laisse augurer de bien tristes jours ; jusqu'au lourd bruit de bottes d'une Wehrmacht en marche, entendu rideau baissé pendant le silence précédant le dernier accord. Pourquoi pas ? Mais un peu facile et moralisateur de la part d'un metteur en scène français bien pensant, dans une oeuvre dont l'évocation de la suprématie de la race germanique n'est que folklore.

    La scénographie est pourtant assez belle : costumes soignés, éclairages particulièrement réussis même si parfois trop sombres, décors minimaux, avec omniprésence d'escaliers-praticables qui forment un décor à géométrie variable et offrent de multiples possibilités à l'espace scénique. Mais là encore, le bât blesse : le raffût occasionné par les incessants déplacements des praticables, en de disgracieux grincements et craquements, est vraiment agaçant.

    Côté musique, si les choeurs emportent l'adhésion par une belle présence, l'orchestre déçoit par un flagrant manque d'engagement des musiciens, constamment précautionneux ou sur des œufs – inquiétants écarts d'intonation du hautbois. On dirait que les instrumentistes ont peur d'abîmer leur archet. En résulte un jeu pour le moins chambriste et discret, beaucoup trop effacé. La direction de Dominique Trottein, jamais vertigineuse ou géniale, est pourtant louable par sa belle continuité et son geste clair.

    Impossible Lohengrin

    Au niveau vocal, la prestation est en dents de scie. On oubliera sitôt après l'avoir entendu l'épouvantable Lohengrin de John Horton Murray. L'Allemand chante horriblement faux – émission constamment trop basse – et n'est pas aidé par un timbre peu flatteur et une technique en tout point insuffisante : chaque son est crié, et les pianos sont proprement hideux – Récit du Graal anéanti.

    Le Roi Heinrich d'Alan Ewing n'est guère mieux chantant – voix terne, chevrotante – et seul son beau charisme en scène sauve les meubles. Le Héraut du tout jeune Jean-Sébastien Bou, sans être inoubliable, est du moins de belle tenue. Seul homme entièrement convaincant de la distribution, le Friedrich de Hannu Niemela est doté d'un timbre noir adéquat, d'un vrai volume de wagnérien, et d'une assurance exemplaire dans l'aigu.

    Les femmes restent les étoiles de la soirée : Elsa à la musicalité remarquable, à la belle présence, et à la pureté d'émission de Gillian Webster, et Ortrud génialement vipérine de Julia Juon, au timbre vert et acéré à souhait, aux attaques tranchantes et à la projection franche. Chez toutes deux, on émettra seulement une réserve sur les notes les plus aiguës, encore fraîches.

    Le chant wagnérien, même s'il commence à sortir des abysses où il était plongé depuis trente ans, reste en crise, et par les temps qui courent, deux femmes pour sauver Lohengrin, c'est certes peu, mais ce n'est déjà pas si mal.




    Auditorium, Dijon
    Le 05/10/2003
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de Lohengrin de Wagner Ă  l'Auditorium de Dijon
    Richard Wagner (1813-1883)
    Lohengrin, opéra romantique en trois actes
    Livret du compositeur
    Coproduction Angers-Nantes Opéra – le duo/dijon

    Choeurs du duo/dijon et de l'Opéra de Nantes
    Orchestre du duo/dijon
    direction : Dominique Trottein
    mise en scène : Philippe Godefroid
    décors : Katia Bascougnano
    costumes : Tharova Jakesa
    Ă©clairages : Philippe Mombellet
    préparation des choeurs : Bruce Grant, Xavier Ribes

    Avec :
    John Horton Murray (Lohengrin), Alan Ewing (Henri l'oiseleur), Hannu Niemela (Friedrich von Telramund), Julia Juon (Ortrud), Gillian Webster (Elsa), Jean-SĂ©bastien Bou (le HĂ©raut).

     


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