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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Récital de Polina Leschenko dans le cadre de la série « Martha Argerich présente » à la Salle Gaveau, Paris.
Simple et sublime
Polina Leschenko
Dernière artiste présentée par Martha Argerich, Polina Leschenko est née en Russie et débute le piano à l'âge de six ans puis poursuit sa formation sous la férule de grands maîtres, pour remporter de grands prix internationaux. Combien d'artistes ont une histoire qui débute de cette façon ! La différence est qu'aujourd'hui, celle-ci est une grande dame du piano, simple et sublime à la fois.
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Sans fard, sagement habillée, sagement assise, discrète et modeste. Un côté Cosette et Cendrillon à la fois. Mais une Cendrillon qui aurait pris la place de la fée qui, d'un doigt magique, transporte dans un ouragan de bonheur. Avec Alexandre Khramoushin au violoncelle d'abord, dans la sonate de Chopin. Les sonorités qu'il tire de son instrument semblent voltiger en se confondant et en répondant à toutes les sollicitations du piano. C'est un beau dialogue, presque lyrique, interprété de manière fine et sensible et qui réconcilie avec cette oeuvre souvent boudée des puristes chopiniens. Pourtant Chopin est bien fidèle à lui-même, notamment dans des solos de piano dignes des Ballades.
Si Brahms semble d'abord effrayer le violoniste, souvent en décalage avec la pianiste, pour ne pas dire à la traîne, Mikhail Bezverhny se reprend à temps pour être à la hauteur de l'éclat, jamais brutal ni vulgaire, dans les incroyables pianissimi que distille la jeune Russe, une forme de musique pure, tour à tour brûlante d'enthousiasme ou douce comme un murmure amoureux, un suspens non dénué d'ivresse.
Si Chopin et Brahms font partie du grand répertoire pianistique, les compositeurs Schnittke et Arenski sont moins familiers, et la richesse de leur répertoire encore moins. La Suite dans le style ancien de Schnittke écrite en 1972 est d'abord simple, sereine, d'une belle veine mélodique. Ses inflexions harmoniques mêlent Renaissance, Baroque et Romantisme. Pour finir, place au Trio d'Arenski, qui réunit les trois artistes. Là , le piano déchaîne puis calme les cordes, dans cette oeuvre la fois torride et rafraîchissante, aux intonations pastorales ou narquoises, dans une écriture exploitant nombre ressources d'écriture, tant par les techniques instrumentales que les formes musicales employées.
D'une seconde à l'autre, Polina Leschenko se révèle une immense pianiste. Elle joue sur une chaise à dossier, tranquillement, ne le quittant que rarement pour jouer dans sur les extrémités du clavier. Une grâce parfaite dans le geste ou une autorité audible mais non visible font comprendre à quel point elle maîtrise son instrument. Quel mérite d'ailleurs d'arriver à tirer de ce rebutant piano indigne non seulement d'elle mais de la Salle Gaveau de telles merveilles sonores !
Une technique parfaite, jamais abusée, une musicalité naturelle, des timbres et des nuances que l'on ne rencontre en général que chez dix pianistes réunis. Une nonchalance trompeuse qui peut presque terrifier dans les contrastes inimaginables chez cette frêle silhouette. Et quelque chose en plus qui la rend magique, qui devient indispensable, et dont il semble impossible de se défaire.
Que faire ? Attendre impatiemment ses prochains concerts et la sortie de son disque chez EMI.
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Salle Gaveau, Paris Le 28/11/2003 Eugénie ALECIAN |
| Récital de Polina Leschenko dans le cadre de la série « Martha Argerich présente » à la Salle Gaveau, Paris. | Frédéric Chopin (1810-1849)
Sonate pour piano et violoncelle, op.65
Johannes Brahms (1833-1897)
Sonate pour piano et violon, op.108 n°3
Alfred Schnittke (1934-1998)
Suite pour violon et piano, « In Alte Stille »
Anton Arensky (1861-1906)
Trio en ré mineur, op.32
Polina Leschenko, piano
Mikhail Bezverhny, violon
Alexandre Khramoushin, violoncelle | |
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