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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Récital de Menahem Pressler au foyer du Théâtre du Châtelet, Paris.
Atmosphère !
Menahem Pressler, célèbre pianiste du Beaux-Arts Trio.
Fêtant ses quatre-vingts printemps sur quatre saisons, Menahem Pressler est le pianiste de chambre de référence. Entre deux sessions de Master classes dispensées dans le monde entier, ce géant d'un mètre soixante attire des foules de mélomanes partout où il joue. Au risque de surpeupler des salles vite débordées par les événements.
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Si drainer un important public peut paraître rassurant pour un artiste, attirer à ce point les foules est presque un problème. A midi, soit trois bons quarts d'heure avant le début supposé du concert, moult Parisiens se précipitent dans un foyer du Châtelet archi-bondé. A l'heure du concert, on s'agite encore en tous sens pour trouver des chaises supplémentaires pour un public dont le nombre dépasse largement les espérances les plus folles. D'ailleurs, il ne faut surtout pas exprimer quelque sentiment que ce soit, ni surprise, ni encore moins rancoeur devant le choix de faire se produire Menahem Pressler dans le foyer au lieu de la grande salle, au risque d'être sèchement remis à sa place, même si l'on commence presque à manquer d'air dans une salle aussi confinée.
Par chance, nous disposons d'un banc du couloir, donc d'une place assez aérée pour pouvoir suivre comme sur grand écran la performance du Maître. Drôle d'ambiance à la limite du piétinement, des ces heures où un public d'ordinaire distingué et circonspect retrouve une attitude primitive, adepte du pousse-toi-de-là -que-j'm-y-mette avec force grognements et ébauches d'insultes. Difficile donc de se concentrer ! Débute alors le Thème et variations de la sonate de Mozart, si fameuse pour son finale alla Turca.
Andante grazioso pour commencer, demande le divin Wolfgang. Ainsi se soumet le pianiste qui défend néanmoins tout de suite son intégrité d'interprète en dégageant immédiatement le contrepoint des basses. D'abord discrètement dans le thème, puis de plus en plus ouvertement dans les variations, nous dégustons l'indiscrétion du pianiste qui révèle toute l'impertinence juvénile d'un Mozart de vingt-deux ans. Beaucoup de grâce, certes, avec le fameux toucher perlé, mais aussi des caprices allant jusqu'aux grandes colères émaillent ce premier mouvement qui se termine par un joyeux pied de nez. Peut-être tant d'images et d'émotions ont-elles desservi un Menuet entendu comme une lecture un peu trop standard, peut-être l'interprétation passe-partout que le Maître suggère au bon élève ? Mais la célébrissime marche alla Turca, vive, gaie, sans prétentions, ravive toute l'attention en nous montrant le jeune Mozart jouer, courir, rire même, comme le gamin normal qu'il n'a jamais pu être.
Pas d'entracte, mais beaucoup d'auditeurs filent déjà , soit quasi étouffés et au bord du malaise, soit parce que le retard pris ne leur permettra pas d'arriver à l'heure au travail. Atmosphère, atmosphère ! Dit par Schubert-Pressler, le mot devient une formule magique qui nous transporte dans des recoins mystérieux, peut-être même hantés. Les entêtements des basses semblent arrêter le temps, les chants, désespérés en majeur et suppliants en mineur stoppent la respiration. Une partition de piano ? Non, une ambiance, leitmotiv véritable au-delà des notes. Vivre jusqu'au bout ce long cheminement des pensées de Schubert est cependant rassurant, car la vie est toujours là , à la fin. Ce que Menahem Pressler traduit admirablement.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 12/01/2004 Eugénie ALECIAN |
| Récital de Menahem Pressler au foyer du Théâtre du Châtelet, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate pour piano en la majeur, KV 331 (1778)
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en Si b Majeur, D 960 (1828)
Menahem Pressler, piano | |
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