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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Missa solemnis de Beethoven par le Collegium Vocale, l'Orchestre des Champs-Élysées et Philippe Herreweghe au théâtre Mogador, Paris.
Plus blanc que blanc
La Missa solemnis de Beethoven frappe toujours par ses élans furieux, ses cassures violentes, son message ambigu et son écriture vocale complètement idéaliste. Œuvre d'un démiurge qui demande un interprète démiurge. Ce soir à Mogador, Herreweghe, pourtant servi par des ensembles prestigieux, s'embrouille dans une relecture trop plastique et bien pâle.
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Le problème avec une symphonie de Beethoven par Toscanini, c'est qu'on en apprend beaucoup plus sur Toscanini que sur Beethoven. La phrase, d'Herreweghe, est pour le moins malhabile, et le compliment peut tout à fait lui être retourné, car à la sortie du théâtre Mogador, on aura beaucoup appris sur Herreweghe, mais rien en revanche sur Beethoven et la Missa solemnis.
Certes, disposer de la perfection technique du Collegium Vocale pour le chef-d'oeuvre sacré du Maître de Bonn est en soi une aubaine et effectivement, l'ensemble prouve son aisance à surmonter les difficultés impitoyables de l'écriture vocale. Les sopranos, notamment, avalent leur multiples aigus sans signe d'effort, y compris dans les notes répétées avec du texte. Seulement, la transparence et l'instrumentalité du Collegium Vocale, miraculeuses dans la musique ancienne, sont tout à fait inadaptées à la violence du discours beethovénien.
Voix de femmes désincarnées
Et Herreweghe fait toujours du Herreweghe, avec la même transparence chorale, le même son policé, sans aspérité, émoussant considérablement les hardiesses harmoniques et l'écriture rythmique presque forcenée du Beethoven de la maturité. Le séraphisme des voix de femmes échoue à passer un orchestre souvent déchaîné, et les altos, désincarnées, sont absolument inaudibles dans les entrées fuguées, ce qui nuit pour le moins à la clarté polyphonique.
Quant à l'Orchestre des Champs-Élysées, qui irradie de beauté plastique et de justesse d'intonation dans un premier temps – début du Kyrie presque irréel, avec de sublimes doublures des bois – il affiche bien vite de nombreuses approximations, fruits de la gestique absolument chaotique du chef flamand, incapable de traduire physiquement la tension continue d'un fortissimo, systématiquement réduit à un forte diminuendo, pour ne rien dire de fortississimo aux abonnés absents. Bach, voire Mozart, peuvent se passer d'un véritable chef, Beethoven non. L'orchestre en est réduit à une mise en place à deux vitesses, les cordes et les vents fonctionnant comme des groupes de musique de chambre indépendants et sans cohésion entre eux.
Lecture plastique, sans aspérités
Passées ces réserves techniques, restent les partis-pris interprétatifs, guère plus probants. La puissance visionnaire de l'oeuvre, ses fureurs comme venues de l'Ancien Testament échappent complètement à un Herreweghe cantonné dans une lecture uniquement plastique et beaucoup trop sage dont seule Marie-Ange Petit et ses timbales sauront nous extirper lors des fanfares de l'Agnus dei. Après un Kyrie de belle tenue, bien hiérarchisé dans la dynamique, le Gloria manque de vision d'ensemble, chaque épisode étant collé au précédent avec un disgracieux point de montage.
Le Credo souffre des mêmes défauts, rattrapés par un magnifique Et incarnatus est, suspendu et aux textures irréelles, où la finesse du choeur est vraiment adéquate, avant de tomber à plat dans le Crucifixus. De même, la fugue finale Et vitam venturi saeculi, très linéaire, passe sans énergie. Encore plus étonnant chez un musicien réputé souple, Herreweghe nous inflige un Benedictus raide comme la justice, aux pizz assénés brusquement et aux interventions chorales heurtées.
Un plateau de solistes indigent, qui plus est relégué derrière l'orchestre et à peine audible, enfonce le clou : basse tout avalée, minisoprano archi fausse, alto et ténor corrects mais en deçà des exigences de leur partie. Décidément, les relectures ne réussissent pas à la Missa solemnis, y compris la lessive Herreweghe qui lave plus blanc que blanc.
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Théâtre Mogador, Paris Le 27/01/2004 Yannick MILLON |
| Missa solemnis de Beethoven par le Collegium Vocale, l'Orchestre des Champs-Élysées et Philippe Herreweghe au théâtre Mogador, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Missa solemnis en ré majeur, op. 123
Letizia Scherrer, soprano
Marianne Beate Kielland, alto
Steve Davislim, ténor
Alfred Reiter, basse
Alessandro Moccia, violon solo
Collegium Vocale Gent
Orchestre des Champs-Élysées
direction : Philippe Herreweghe | |
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