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CRITIQUES DE CONCERTS 28 mars 2024

Liederabend de Waltraud Meier accompagnée par Nicholas Carthy au Musée d'Orsay, Paris.

Voix caméléon

Soprano, mezzo-soprano, wagnérienne, récitaliste ? Waltraud Meier est de ces chanteuses à la voix caméléon qui échappent aux classifications traditionnelles. Mais l'Allemande a su prouver lors d'un Liederabend au Musée d'Orsay que l'on peut chanter à la fois le lied et Wagner, à condition de faire les bons choix de carrière aux bons moments.
 

Salle des fêtes du Musée d'Orsay, Paris
Le 10/02/2004
Yannick MILLON
 



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  • Voix inclassable, Waltraud Meier a toujours su préserver sa carrière de récitaliste en évitant des rôles wagnériens trop lourds et trop aigus pour elle. En scène comme en récital, l'Allemande impose une autorité naturelle et irradie de beauté avant même d'ouvrir la bouche. A l'opposé de sottes hystériques comme notre Petibon nationale, qui croient révolutionner le récital en y incluant cris d'animaux et chansons de variété, Meier rivalise de classe, de tenue, d'élégance et de bon goût. Point de décolleté plongeant et vulgaire, point de gamineries ni de couettes hirsutes et ridicules, point non plus de solennité guindée ou de froideur inaccessible. Meier gagne le podium de la Salle des Fêtes du Musée d'Orsay en toute simplicité, avec une démarche élégante et discrète, et salue avec le plus beau des sourires.

    Les sept lieder de Brahms passent d'un seul souffle, avec un art de la déclamation qui impose respect et attention à l'assistance. On regrette toutefois d'emblée que pour une soirée de ce type, on ait à souffrir du monopole mondial de Steinway, car un Bösendorfer aurait été nettement plus à sa place dans un liederabend, d'autant que la forte réverbération de la salle noie beaucoup les graves déjà très flous du piano. Mais dès que Meier ouvre la bouche, on est frappé par la richesse du médium et la liquidité des voyelles, même si la nasalisation des finales est parfois excessive. La mezzo exalte particulièrement la nostalgie de Feldeinsamkeit et de Die Mainacht, où son timbre irradiant de féminité – avec par moments d'irrésistibles couleurs à la Schwarzkopf – fait des merveilles, où elle nous gratifie de délicieuses consonnes voisées toujours timbrées – Wang herab final – et d'une justesse d'élocution authentiquement allemandes, avant de nous faire crouler de bonheur avec une Sapphische Ode à la sensualité troublante.

    Dans les six lieder extraits des Mörikelieder de Wolf, l'Allemande se montre plus évidente encore que dans Brahms, plus inspirée par une harmonie mouvante et chromatique, des lignes au lyrisme plus urgent. La déclamation se fait plus intense et la dynamique s'exacerbe, l'inventivité au service de la rhétorique du mot redouble, avec des trésors de sonorités à l'image d'un In der Frühe magique, avec un Morgenglocken au tintement inimitable. La première partie atteint son sommet avec un sublime Das verlassene Mägdlein à l'insondable tristesse, toujours digne dans la souffrance.

    Après l'entracte, c'est l'heure du test, avec treize lieder du Maître Franz Schubert. Si les grandes voix opératiques négocient souvent Brahms et Wolf avec habileté, elles butent en général sur les impitoyables microcosmes schubertiens. Le pianiste Nicholas Carthy, jusque-là sobre et efficace, n'emporte pas toujours l'adhésion en raison d'une agogique difficile à cerner. Meier, elle, trouve presque toujours le bon ton, l'expression adéquate : Gruppe aus dem Tartarus sombre et dramatique, Heidenröslein parfait de ludisme, Die Forelle gracieux flottant sur un lit d'eau douce. Puis la soprano frappe un grand coup avec un Erlkönig enfiévré, au tempo plutôt lent mais puissamment narratif et idéalement varié, jusque dans une dernière strophe à l'accelerando suffocant. Et là où tant de voix auraient plafonné dans la dynamique, la grande Meier atteint une tension dans le fortissimo presque insoutenable, suivie d'une conclusion d'une cruelle évidence, énoncée sans la moindre affectation.

    En revanche, dans les lieder méditatifs et suspendus – Du bist die Ruh, Wanderers Nachtlied – la belle Waltraud accuse des signes de fatigue : attaques piano incertaines, intonation trop basse et inconfort dans le haut-médium, que font vite oublier un Der Zwerg fantastique d'intelligence narrative et de justesse psychologique. Pour remercier un auditoire conquis et applaudissant à tout rompre, Meier donne deux bis : la petite saynète Als Luise de Mozart, et un Schmerzen de Wagner parfaitement taillé à sa mesure.

    Une belle leçon de versatilité vocale, grâce à une voix caméléon aux multiples atouts.




    Salle des fêtes du Musée d'Orsay, Paris
    Le 10/02/2004
    Yannick MILLON

    Liederabend de Waltraud Meier accompagnée par Nicholas Carthy au Musée d'Orsay, Paris.
    Cycle Récitals exceptionnels du Musée d'Orsay
    Liederabend Waltraud Meier – Nicholas Carthy

    Johannes Brahms (1833-1897)
    Feldeinsamkeit, op. 86 n°2
    (Solitude champêtre ; Allmers)
    Meine Liebe ist grün, op. 63 n°5
    (Mon amour est vert ; Schumann)
    Wir wandelten, op. 96 n°2
    (Nous marchions ; Daumer)
    Von ewiger Liebe, op. 43 n°1
    (D'amours éternelles ; Wenzig)
    Die Mainacht, op. 43 n°2
    (La nuit de mai ; Hölty)
    An die Äolsharfe, op. 19 n°5
    (A une harpe éolienne ; Mörike)
    Sapphische Ode, op. 94 n°2
    (Ode saphique ; Halm)

    Hugo Wolf (1860-1903)
    Extraits des 53 poèmes de Mörike :
    In der Frühe (Au petit matin)
    Denk'es, o Seele ! (Penses-y, mon âme)
    Wo find'ich Trost ? (Où trouver le réconfort ?)
    Das verlassene Mägdlein (La jeune fille abandonnée)
    Verborgenheit (Clandestinité)
    Gesang Weylas (Chant de Weyla)

    Franz Schubert (1797-1828)
    Der Wanderer, D 649
    (Le voyageur ; Schlegel)
    Gruppe aus dem Tartarus, D 583
    (Le groupe surgi du Tartare ; Schiller)
    Frühlingsglaube, D 686
    (Foi printanière ; Uhland)
    Heidenröslein, D 257
    (Petite rose des bruyères ; Goethe)
    Die Forelle, D 550
    (La truite ; Schubart)
    An die Leier, D 737
    (A la lyre ; Bruchmann)
    Erlkönig, D 328
    (Le roi des aulnes ; Goethe)
    Nacht und Träume, D 827
    (Nuit et rêves ; Collin)
    Du bist die Ruh, D 776
    (Tu es le repos ; Rückert)
    Wanderers Nachtlied, D 768
    (Chant du voyageur la nuit ; Goethe)
    Der Zwerg, D 771
    (Le nain ; Collin)
    Du liebst mich nicht, D 756
    (Tu ne m'aimes pas ; Platen)
    Dem Unendlichen, D 291
    (A l'infini, Klopstock)

    Waltraud Meier, mezzo-soprano
    Nicholas Carthy, piano

     


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