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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Reprise de Manon de Massenet dans la mise en scène de Gilbert Deflo à l'Opéra Bastille, Paris.
Des Grieux Ă©clipse Manon
Prises de rôle, nouvelles distributions : les reprises dans les grandes maisons d'opéra ont ceci de passionnant qu'elles mettent en scène des artistes dont la personnalité et la sensibilité assurent la pérennité des rôles. C'est le cas de la reprise de cette Manon, qui réussit l'exercice avec plus ou moins de bonheur.
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Après le triomphe de Roberto Alagna au soir de la première de la reprise de Manon à l'Opéra de Paris, après la défection de Luca Lombardo qui devait prendre sa suite, entrée en scène de Rolando Villazon, le ténor qui confirme les plus grandes espérances. D'un ténor l'autre, il était particulièrement intéressant d'assister à la performance d'un artiste qui alterne actuellement, dans le même théâtre, le rôle d'Alfredo Germont de La Traviata, et celui de des Grieux. Indiscutablement, Villazon a la voix, la présence, et une belle santé, car les deux rôles exigent un solide engagement vocal et physique. Et le public ne s'y est pas trompé qui, dimanche, lui a fait une ovation digne de celles accordées aux plus grands. Outre le timbre, qui est superbe, il possède un art du chant dont il utilise toutes les ressources sans céder aux effets inutiles, pourtant généreusement suggérés, que la musique de Massent offre aux chanteurs.
Ce n'est malheureusement pas le cas d'Alexia Cousin, qui pour ses débuts à l'Opéra de Paris incarne une Manon à la limite de l'implosion vocale. Dommage, car elle est douée d'une grande voix, ample et pleine, d'une agilité naturelle, mais dont elle s'entête à privilégier la force, mettant en péril la ligne de chant dans un phrasé et une vocalisation souvent instables. On est en permanence dans l'excès, et on enrage de voir de tels moyens mis au service des trop rares moments où elle se calme et réussit à émouvoir. Même si, scéniquement, elle a la juvénilité du personnage et sa grâce, elle reste loin de Manon, de l'adolescente éblouie, du petit animal affolé par les lumières de la fête et l'éclat des diamants, tant la voix est agressive.
Autour des deux protagonistes, la distribution est plus que convaincante : Alain Vernhes, en père impuissant devant les désordres amoureux de son fils, a toute la noblesse qui convient. Franck Ferrari est un Lescaut de grande classe, joueur, manipulateur, et excellent comédien. Quant à Michel Sénéchal, il est d'une drôlerie inénarrable – et d'une forme vocale décidément inaltérable – sous la perruque poudrée de Guillot de Morfontaine, l'arrogant aristocrate qui enverra Manon au bagne.
La mise en scène de Gilbert Deflo est toujours aussi claustrophobique et semble emprisonner les personnages dans leur folie auto-destructrice en les parant de soie, d'or et de velours, mais en laissant les chanteurs trop souvent livrés à eux-mêmes et à un jeu franchement conventionnel.
La grande gagnante de la soirée est la musique de Massenet, qui garde intactes son charme et cette apparente légèreté sous laquelle couve le drame annoncé. On doit beaucoup à la direction de Gary Bertini qui ne laisse rien dans l'ombre. L'orchestre déploie des sonorités sensuelles, éclatantes, pathétiques, suivant à la trace les destins mêlés des héros de l'abbé Prévost et leur donnant une singulière modernité
quoiqu'on en dise.
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Opéra Bastille, Paris Le 18/04/2004 Françoise MALETTRA |
| Reprise de Manon de Massenet dans la mise en scène de Gilbert Deflo à l'Opéra Bastille, Paris. | Jules Massenet (1842-1912)
Manon, opéra en cinq actes (1884)
Livret d'Henri Meilhac et Philippe Gille, d'après L'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l'abbé Prévost.
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction musicale : Gary Bertini
mise en scène : Gilbert Deflo
décors et costumes : William Orlandi
éclairages : Joël Hourbeigt
chorégraphie : Ana Yepes
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Alexia Cousin (Manon), Rolando Villazon (Le chevalier des Grieux), Franck Ferrari (Lescaut), Alain Vernhes (Le comte des Grieux), Michel Sénéchal (Guillot de Morfontaine), Christian Tréguier (de Brétigny), Valérie Condoluci (Poussette), Louise Callinan (Javotte), Isabelle Cals (Rosette). | |
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