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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Don Carlo de Verdi dans la mise en scène de Philipp Himmelmann au Staatsoper de Berlin.
Don Carlo pseudo moderne
Nadja Michael (Eboli) et Jorge Antonio Pita (Don Carlo).
Pour cette nouvelle production berlinoise du Don Carlo de Verdi, un ténor tel que Ramon Vargas – qui brilla par son absence – aurait sans doute soutenu à lui seul l'édifice rendu branlant par une mise en scène obscure, et décevante. Encore un Don Carlo pseudo moderne !
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Doublement déterminé par des passions interdites et par l'Histoire, broyeuse de destinées hégélienne, le personnage de Don Carlo s'intègre au Panthéon des héros romantiques. Il aime sa belle-mère, il s'insurge contre son père, roi d'Espagne, a cette époque ô combien trouble et violente des guerres de religion. Point de pardon pour l'Infante d'Espagne !
Cette nouvelle production berlinoise, dans la version italienne du livret – l'original était en français, s'intégrant à une commande de l'Opéra de Paris –, ne stimule en rien l'enthousiasme ni la puissance émanant d'une telle intrigue. D'entrée de jeu, on a curieusement un mal incroyable à saisir l'ampleur de ce drame: la mise en scène, Jorge Antonio Pita, remplaçant Vargas dans le rôle-titre, enfin l'orchestre semblent se désintéresser parfaitement du drame qui se joue sur scène.
C'est à en oublier que Don Carlo demeure sans doute l'opéra le plus pessimiste, le plus sombre de Giuseppe Verdi. L'arrivée d'Elisabeth de Valois – campée par une Norma Fantini absolument convaincante – mais aussi du roi Philippe II d'Espagne, dont l'ambiguïté est magnifiquement servie par la basse René Pape, motive enfin l'action. Ces deux chanteurs, tout comme Dalibor Jenis dans le rôle de Rodrigo, font oublier cette mise en scène qui se veut subversive mais n'est ni belle ni pertinente.
Que signifie cette assemblée de jeunes filles de la Cour, qu'on dirait tout droit sorties de la Stasi, à l'étroit dans ce costume sévère d'espionnes qui venaient du froid, et qui dégainent maladroitement un pistolet silencieux en direction du public ? Quid de cette pauvre dame d'atours que le roi exile de force pour avoir laisse la reine seule : choquée par la nouvelle, elle chancelle et, durant dix bonnes minutes, recrache sur son immaculé chemisier le brownie dont la reine, en plein chant d'adieu, la gave ? On passera sur la scène de l'autodafé, suscitant départs intempestifs de la salle et une série de huées : d'un symbolisme obscur, la mise en scène passe a un premier degré ou il faut visiblement montrer pour exprimer.
La nudité des victimes pendues comme des cochons n'a en fait rien de moderne ni de choquant, elle est ici d'une banalité ennuyeuse et les lunettes de soleil du Grand Inquisiteur ne le rendent point plus méchant. Autant d'intentions naïves qui nuisent aux chanteurs, mais surtout à la progression dramatique de l'ensemble. Au vu des coûts d'une nouvelle production lyrique, et alors que la pérennité des trois maisons d'opéra berlinoises est à ce jour menacée pour raison financière, on oublie la faute du héros romantique pour condamner l'erreur professionnelle.
La baguette de Fabio Luisi s'assouplit assurément au fil de la soirée et offre certains moments de grâce, occasion que certains chanteurs précités saisissent pour nous faire oublier les pesanteurs de la mise en scène, au bonheur de la musique et du drame. A ce point que le personnage du Roi, ambivalent, déchiré entre ses devoirs de père et ceux d'homme d'Etat, nous émeut finalement plus que le héros éponyme, interprété avec une distance irritante par le ténor mexicain. C'est bien dommage !
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Staatsoper unter den Linden, Berlin Le 13/06/2004 Florent ALBRECHT |
| Nouvelle production de Don Carlo de Verdi dans la mise en scène de Philipp Himmelmann au Staatsoper de Berlin. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Don Carlo, opéra en quatre actes (version « de Milan », 1884)
Livret de Camille du Locle et Joseph Méry d'après le Don Carlos de Schiller
Version italienne d'Achille de Lauzière-Thémines et Angelo Zanardini
Staatsopernchor
Staatskapelle Berlin
direction : Fabio Luisi
mise en scène : Philipp Himmelmann
décors : Johannes Leiacker
costumes : Klaus Bruns
Ă©clairages : David Cunningham
préparation des choeurs : Eberhard Friedrich
Avec :
René Pape (Philippe II), Jorge Antonio Pita (Don Carlo), Dalibor Jenis (Rodrigo), Kwangchul Youn (Le Grand Inquisiteur), Bjarni Thor Kristinsson (Un moine), Norma Fantini (Elisabeth de Valois), Nadja Michael (La Princesse Eboli), Peter-Jürgen Schmidt (Le Comte de Lerma), Karen Rettinghaus (Tebaldo), Adriane Queiroz (Une voix céleste), Peter-Jürgen Schmidt (le Hérault du roi). | |
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