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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Concert du Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado avec la participation de Maurizio Pollini au Festival de Lucerne 2004.

Lucerne 2004 (2) :
Mesure au service de la démesure

Après son concert d'ouverture, le festival de Lucerne débute son cycle symphonique par la participation de Claudio Abbado et de Maurizio Pollini. L'exécution du 4e concerto de Beethoven place clairement les deux artistes sur la même longueur d'onde, puis la soirée s'achève sur une 5e symphonie de Mahler mémorable.
 

Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 19/08/2004
Benjamin GRENARD
 



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  • Les premières mesures du 4e concerto pour piano de Beethoven – commençant directement par une intervention du pianiste – constituent au niveau interprétatif la clef de tout l'ouvrage. Pour la première fois, le soliste d'un concerto a l'occasion d'imposer son propre temps et son propre climat. Avec Abbado, Maurizio Pollini dispose de toute façon d'un chef qui saura suivre le plus parfaitement ses intentions musicales. Le climat concentré et mesuré de Pollini trouve en effet un prolongement idéal et les deux musiciens donnent une vision cohérente et unitaire de l'oeuvre, sans véritable confrontation concertante.

    Certains, à l'image de Furtwängler et de Hansen en 1943, avaient profité des oppositions franches d'écriture du deuxième mouvement entre le soliste et l'orchestre, pour révéler une sorte de cassure quasi schizophrénique, symbolisant d'une certaine manière le monde intérieur de l'artiste romantique blessé face à la violence tragique du monde extérieur. Ici, ces deux mondes coexistent presque de manière réconciliée, le soliste prenant simplement acte et acceptant cette contradiction tragique. Plus que véritablement romantique, le parti pris de l'interprétation est ainsi plus accusé du côté du classicisme et le jeu solaire de Pollini y fait merveille.

    La seconde partie du concert est consacrée à la 5e de Mahler. On ne dira jamais assez combien Abbado est beaucoup plus créatif dans la musique viennoise de cette période. Si l'Orchestre du Festival de Lucerne manque encore de cohésion et de finition sonore par rapport aux grandes phalanges qui composent le reste de la programmation, il n'a en revanche rien à leur envier au point de vue musical.

    Une mesure très différente de celle de Boulez

    Du reste, la lecture d'Abbado se situe véritablement entre mesure et démesure, la première étant néanmoins toujours au service de la seconde, typiquement mahlérienne. Cependant, il s'agit d'une mesure aux antipodes de celle de Boulez. Si celle du chef français entretient souvent soigneusement une distance choisie vis-à-vis des oeuvres, la mesure d'Abbado se marque au contraire systématiquement par une incarnation de l'expression musicale dans la matière sonore. Ainsi, sous des dehors d'éruptions dionysiaques, l'interprétation est beaucoup plus pensée et maîtrisée qu'il n'y paraît. Au lieu de miser constamment sur l'effet extérieur, Abbado pense et choisit le moment où il en usera.

    À titre d'exemple, si la timbale intègre parfaitement la matière orchestrale dans la majeure partie de l'oeuvre, elle intervient comme une véritable massue dans le Scherzo, peu avant la reprise de la première partie, accusant de cette manière la tension juste avant un retour bienvenu. Dans la même optique, le chef italien a extrêmement bien pensé les jointures entre les deux premiers et les deux derniers mouvements, révélant ainsi la composition véritable en trois parties. Le dernier pizz du mouvement initial est brusquement accusé afin de constituer du même coup la première note du Stürmisch bewegt. Enfin, l'appel de cor qui ouvre le finale est immédiatement suivi d'un son filé aux violons qui apparaît alors manifestement comme un reliquat de l'Adagietto.

    Si Abbado se pose en architecte, il a également l'art de dissimuler cette juste mesure par un geste volubile et généreux, et un tempo allant toujours de l'avant. Il sait ainsi lâcher la bride au moment opportun et sa vigueur sert merveilleusement les éruptions orchestrales. On peut toutefois reprocher au maestro de manquer à l'occasion de Stimmung, cette atmosphère proprement germanique qui habite chaque note, particulièrement dans les passages chargés au plan émotionnel comme dans l'Adagietto. Mais cela reste en définitive bien dérisoire au regard de la qualité musicale de la soirée. Le public lucernois, réservant une standing ovation au chef italien, ne s'y est d'ailleurs pas trompé.




    Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
    Le 19/08/2004
    Benjamin GRENARD

    Concert du Lucerne Festival Orchestra sous la direction de Claudio Abbado avec la participation de Maurizio Pollini au Festival de Lucerne 2004.
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur, op. 58 (1804-06)
    Maurizio Pollini, piano

    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n°5 en ut# mineur (1902)

    Lucerne Festival Orchestra
    direction : Claudio Abbado

     


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