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CRITIQUES DE CONCERTS 28 mars 2024

Reprise du nouveau Così fan tutte mis en scène par Ursel et Karl-Ernst Hermann au festival de Salzbourg 2004.

Salzbourg 2004 (3) :
l'Ecole des amants à l'heure de la réforme

© Bernd Uhlig

Nicola Ulivieri (Guglielmo), Saimir Pirgu (Ferrando), Tamar Iveri (Fiordiligi) et Elina Garanca (Dorabella).

Pour cette reprise du nouveau Così présenté par les époux Hermann en avril dernier, l'affiche a été entièrement renouvelée, au profit d'artistes beaucoup moins connus mais tout aussi performants, sinon plus. De quoi ressortir du Grosses Festspielhaus toujours titillé par une réforme scénique du chef-d'oeuvre de Mozart et ravi par une prestation musicale admirable.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 22/08/2004
Yannick MILLON
 



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  • Dans le nouveau Così de Salzbourg, le pari des metteurs en scène berlinois Ursel et Karl-Ernst Hermann est d'imaginer que les filles surprennent les garçons lorsqu'ils dĂ©cident d'Ă©prouver leur fidĂ©litĂ©. VoilĂ  les dĂ©s pipĂ©s, et l'Ă©preuve pourrait dès lors sembler perdue d'avance. Seulement voilĂ , c'est l'amour qui tire les ficelles, et les filles se prennent au jeu. Mieux, elles rĂ©alisent que leur inclination n'est pas pour celui qu'on croit. IdĂ©e ingĂ©nieuse, au risque pour les metteurs en scène de se prendre les pieds dans le tapis aux entournures pendant les trois heures que dure le dernier Dramma giocoso mozartien.

    Dans un premier temps, cela fonctionne, on est aux aguets, et on apprĂ©cie l'astuce et l'invention dont font preuve les Hermann : une Dorabella rouĂ©e jusqu'Ă  la moelle, qui goĂ»te en douce le faux poison avec un air hilare, un air de Ferrando d'ordinaire anodin, ici crucial pour le dĂ©roulement du drame. Et mĂŞme si les Ă©clats de rire en tapinois des filles devant les dĂ©guisements ou situations trop cocasses perturbent un peu la très belle Ă©motion qui s'installe peu Ă  peu, du moins mĂ©nagent-ils un Finale grisant et ouvert. La mise en scène est servie de surcroĂ®t par une belle scĂ©nographie, très « plaisance Â», avec forĂŞts Ă  la Watteau, ambiance dĂ©jeuner sur l'herbe, allĂ©es et ombrelles blanches, volĂ©es de feuilles mortes, et par une direction d'acteurs exploitant habilement un cadre de scène beaucoup trop grand.

    Malheureusement, le deuxième acte est plus laborieux, et la dramaturgie ne vient pas Ă  bout de certaines ambiguĂŻtĂ©s inĂ©vitables lorsque le livret contrecarre trop ouvertement le parti-pris du complot Ă©ventĂ© : comment ces demoiselles peuvent-elles, par exemple, s'inquiĂ©ter de la mort possible de leurs amoureux au champ de bataille quand elles sont seules et n'ont pas Ă  jouer la comĂ©die ? Le rythme s'essouffle – mais l'opĂ©ra, il est vrai, est un peu Ă©crit de cette manière – et de belles images ne suffisent plus Ă  habiter le drame. Le dĂ©nouement fait la part belle au non-dit et la culpabilitĂ© des filles pour un motif qui Ă©chappe aux garçons promet d'ĂŞtre lourde Ă  porter. Beethoven trouvait le livret immoral ; ainsi dĂ©tournĂ© par les Hermann, Così devient en effet une bien peu recommandable « Ecole des amants Â».

    Une magnifique distribution

    Et pourtant, on ne peut que se laisser convaincre par de tels amants, Salzbourg ayant rarement offert à Mozart aussi magnifique et homogène distribution ces dernières années. Les timbres se mêlent à merveille, que ce soit dans les couples légitimes ou illégitimes, ou à l'intérieur du même sexe. Là où le festival de Pâques alignait des stars, le festival d'été propose un quatuor de jeunes chanteurs quasi inconnus mais tout aussi admirables.

    Tamar Iveri est une Fiordiligi au timbre plutôt sombre, très proche de celui de sa soeurette, bénéficiant d'une belle accroche, d'une voix de poitrine idéalement dosée et de vocalises impeccables ; Elina Garanca une Dorabella fofolle et débauchée à l'émission sensuelle, large et très charnue. Saimir Pirgu, du haut de ses vingt-deux ans, est la révélation de ce Così, une vraie voix de bel cantiste au magnifique timbre jeune et clair, à l'aigu facile et idéalement placé, à la demi-teinte prometteuse. Et le timbre s'harmonise lui aussi parfaitement avec celui de Nicola Ulivieri, Guglielmo latin et très mâle. Cerise sur le gâteau, la Despina mutine et vocalement intacte d'Helen Donath, impressionnante d'abattage et de musicalité, et le Don Alfonso de luxe de Thomas Allen, grand Guglielmo d'antan qui n'a rien perdu de sa superbe.

    Des vents comme éclairés à la bougie

    © Yannick Millon

    Pour accompagner ce beau monde, un Orchestre philharmonique de Vienne en état de grâce, conduit par la baguette légère comme la plume du tout jeune Philippe Jordan dans une lecture éminemment chambriste, rehaussée par un pupitre de vents intime et lumineux, comme éclairé à la bougie – duo avec choeur au II. Le chef de l'Opéra de Graz suit ses chanteurs avec un art consommé et veille en permanence à ne pas les couvrir. Et même si certains de ses tempi peuvent prêter à discussion – un Soave sia il vento trop pressé, sans abandon – ou si une précaution excessive à ne pas écraser les finales trahit encore un léger manque de naturel, la seule vraie réserve musicale de ce Così est une synchronisation plateau-fosse souvent défaillante dans les ensembles en raison de l'éparpillement des chanteurs en des endroits très éloignés de la scène.

    Così n'a rien à faire dans l'étendue démesurée du Grosses Festspielhaus, et regagnera la salle qu'il n'aurait jamais dû quitter, le Kleines Festspielhaus, dès les travaux de rénovation achevés en 2006.




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 22/08/2004
    Yannick MILLON

    Reprise du nouveau Così fan tutte mis en scène par Ursel et Karl-Ernst Hermann au festival de Salzbourg 2004.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Così fan tutte, ou l'Ecole des amants, dramma giocoso en deux actes, K. 588 (1790)
    Livret de Lorenzo da ponte

    Coproduction avec le Festival de Pâques de Salzbourg

    Association de concert du Choeur de l'Opéra de Vienne
    Orchestre philharmonique de Vienne
    direction : Philippe Jordan
    mise en scène : Ursel et Karl-Ernst Hermann
    décors et costumes : Kark-Ernst Hermann
    préparation des choeurs : Rupert Huber

    Avec :
    Tamar Iveri (Fiordiligi), Elina Garanca (Dorabella), Helen Donath (Despina), Saimir Pirgu (Ferrando), Nicola Ulivieri (Guglielmo), Thomas Allen (Don Alfonso).

     


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