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CRITIQUES DE CONCERTS 27 avril 2024

Carmen par le Théâtre Helikon de Moscou au Théâtre des Champs Elysées, Paris.

Carmen sauce West Side Story

L'orchestre et les choeurs de l'Helikon opéra de Moscou constituent une formation très réputée en Europe de l'est et leur production de Carmen y a remporté un vif succès. On a pu la découvrir récemment au Théâtre des Champs Elysées.
 

Le 01/03/2000
Antoine Livio (1931-2001)
 



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  • Si d'aucuns ont osé affubler la Joconde de moustaches, nul ne s'est jamais permis de transformer la Venus de Milo en cul de jatte, mais avec bras ! Réflexion faite à l'issue de cette représentation de Carmen par l'Helikon-Opera.
    Pour avoir eu le bonheur de me rendre à plusieurs reprises dans l'élégant hôtel particulier du XVIIIe qu'on a transformé en Helikon-Opera, je partageais l'enthousiasme de certains critiques moscovites pour le travail qu'y réalise le metteur en scène Dmitri Bertman. Sa Fiancée du Tsar m'avait laissé sans voix et la production de Yolanta réalisée par Denis Krief m'avait passionné.
    Seulement après avoir vu la Carmen qui valut à Bertman, en 1997, un Masque d'or (le pendant russe d'une Victoire de la Musique), je me demande soudain si ma réaction eût été la même devant Onéguine ou Dame de Pique, si je parlais le russe et si j'étais donc pouchkinien de coeur et d'âme. Car Bertman a simplement mutilé Carmen, tronqué l'oeuvre de Bizet, en découpant la partition à plaisir, supprimant non seulement les récitatifs, mais également de grands pans de choeurs. Certes Lev Dodin, vieux routier de la mise en scène russe, avait pris de grandes libertés avec la Dame de Pique pour Amsterdam et l'Opéra-Bastille, mais il partait du principe que Tchaikovski avait trahi Pouchkine. C'était donc par fidélité au poète qu'il osait s'attaquer à la partition. Béjart n'avait pas agi autrement, dans son Roméo et Juliette, estimant que Berlioz n'avait pas été fidèle, lui non plus, à Shakespeare ! Or l'esprit de l'oeuvre était sauf.


    Peut-on en dire autant de cette Carmen, fille de joie, dans une banlieue sordide, où elle règne, parmi les trafiquants et les voleurs, accordant son corps à la police pour qu'elle ferme les yeux ? Ainsi avant l'acte des contrebandiers, elle a déjà tout donné à Escamillo (sic), ce qui renouvelle évidemment la dramaturgie de fond en comble. Enfin devant le manque de virilité de Don José, c'est Michaëlla qui trucide Carmen. Les hommes sont vêtus de cuir clouté, les filles ont la cuisse à l'air et le reste à l'avenant, bref c'est Carmen sauce West Side Story, par des Russes saturés de mauvaise télévision américaine, pour échapper définitivement aux diktats moraux du communisme.
    Je connais bien la réaction agacée des critiques russes devant la prononciation des chanteurs occidentaux dans les ouvrages de Moussorgski ou Rimski-Korsakov, seulement, me semble-t-il, ils respectent la ligne de chant et ils ont appris à respirer aux bons endroits. Ce ne fut pas le cas, lors de la représentation de Carmen", car chacun prononce n'importe comment les mêmes mots ou les mêmes noms. Et les interprètes, même les meilleurs, respirent n'importe où, coupant les phrases en les rendant ridicules ou incompréhensives. Cela fait beaucoup d'injures pour l'infortunée Carmen !
    Heureusement, il y a en scène deux chanteuses exceptionnelles. Larissa Kostiouk qui campe une Carmen superbe, grande, arrogante de beauté et de séduction vocale. Elle a vingt-cinq ans et on rêverait de l'entendre en Comtesse de la Dame de Pique. Et Elena Voznesenkaya qui est une Micaëlla ravissante, à la voix claire et sans vibrato. Elle joue bien et ne prononce pas trop mal. Mais autour de ces deux incarnations opposées de la féminité, le reste n'est que médiocrité et laideur, physiques et vocales.
    Que l'Helikon-Opera revienne, et très vite, mais dans une salle comme celle de Bobigny, voire au Théâtre de la Ville et, surtout, avec un répertoire à sa mesure, c'est-à-dire russe.




    Le 01/03/2000
    Antoine Livio (1931-2001)

    Carmen par le Théâtre Helikon de Moscou au Théâtre des Champs Elysées, Paris.
    Carmen de Georges Bizet
    Orchestre et Choeurs de l'Helikon-Opera de Moscou
    Direction musicale : Valery Kritskov
    Mise en scène : Dmitri Bertman
    Décors : Igor Nezhny
    Costumes : Tatiana Touloubieva
    Avec Larissa Kostiouk (Carmen), Elena Voznesenkaya (Michaëlla), Marina Karpetchenko (Fransquita), Ekaterina Oblezova (Mercédès), Vadim Zaplechny (Don José), Igor Tarasov (Escamillo), Mikhaïl Gujov (Zuniga), Andreï Vylegjanine (Morales), Andreï Salnikov (El Remendado), Sergueï Kostiouk (El Dancairo).

     


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