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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 octobre 2024 |
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Le Messie de Haendel par l'Orchestra of the Age of Enlightenment sous la direction de Richard Egarr au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Le cadeau de Noël du TCE
Richard Egarr
Si Pâques ne va pas sans son lot de Passions, Noël ne peut se passer de Messie. Orchestra of the Age of Enlightenment et Choir of Clare College Cambridge : l'affiche du traditionnel rendez-vous du Théâtre des Champs-Élysées ne laissait présager, au mieux, qu'un bon Haendel des familles. Ce fut la meilleure surprise de la fin d'année, et le plus beau cadeau de Noël possible de la part du TCE.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 18/12/2004
Mehdi MAHDAVI
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Ce n'est pas tous les jours que se révèle un grand chef haendélien, doublé d'un continuiste de génie. Le claveciniste Richard Egarr, musicien scrupuleux s'il en est, n'a pas hésité à prendre à bras le corps ce monument rabâché et lui imprimer sa propre respiration, la plus naturelle, la plus évidente qui soit. Les premiers numéros, notamment un extatique Comfort ye, ont pu paraître d'un confort excessif, mais c'est rapidement la logique, l'équilibre de l'ensemble qui s'imposent, dans le respect des mouvements indiqués par le compositeur.
Le chef britannique travaille à partir des mots, et ses tempi découlent de la pulsation cardiaque qu'induit le discours liturgique. Plus admirable encore sont sa maîtrise de la dynamique, toujours variée, d'une profonde éloquence, et l'utilisation d'une large palette orchestrale, qui est d'un véritable conteur : le récitatif accompagné de la basse For behold, darkness shall cover the earth, la Pifa ou encore le dialogue en soubresaut instauré avec l'alto dans la partie centrale de He was despised sont, entres autres, particulièrement riches d'atmosphères. C'est ainsi que, ne perdant jamais de vue la meilleure tradition anglaise, Egarr offre un Messie toujours palpitant.
Il est vrai que choeur et orchestre sont ici chez eux, d'incontestable idiome. L'Orchestra of the Age of Enlightenment, dont la justesse n'est sans doute pas la qualité première, possède un des sons les plus pénétrants parmi les orchestres baroques. Les musiciens anglais empoignent cette musique, font chatoyer les timbres, ont des accès de fureur et de profonde dévotion. Ces cordes d'effectif idéal – douze violons, quatre altos, trois violoncelles et deux contrebasses à la sonorité palpable – soulèveraient des montagnes, de leur extrême concentration, face à des bois ici limités aux bassons. Si les trompettes ont quelques précipitations néfastes dans Glory to God, le solo de The trumpet shall sound est d'une insolente virtuosité.
D'une moyenne d'âge d'environ dix-huit ans, les choristes du Clare College Cambridge sont d'un engagement réjouissant. Le jeunesse du pupitre de basse lui refuse parfois une certaine assise, notamment dans la vocalise qui n'est pas non plus le fort des ténors, et les contre-ténors qui complètent le pupitre d'alto font parfois remarquer l'aigreur de leur timbre, mais la discipline collective, la capacité à rendre les moindres nuances et la clarté absolue de l'élocution sont un modèle du genre.
Si son intonation fluctue parfois, le quatuor de solistes sait se montrer éblouissant, par simple ferveur haendélienne. Face à ses partenaires, Alastair Miles ne peut prétendre qu'au plus haut niveau de professionnalisme, parfois un peu détaché. Mais la vélocité de cette vraie basse noble est sidérante, Thus said the Lord et plus encore Why do the nations d'un seul souffle dévastateur. Si la voix un brin épaissie de Rebecca Evans ne peut rendre justice aux traits d'un Rejoice un peu mécanique, la pulpe du timbre s'impose jusqu'en certains sons d'éternité, d'une richesse harmonique pénétrante.
Et ce ne sont pas quelques manières romantiques qui pourront entacher les moments de tendresse de ce chant intense. Vrai ténor lyrique au timbre épanoui, aux mots percutants (Thou shalt break them !), à la vocalise sensible, Iain Paton est idéalement rassurant. Quant à Lawrence Zazzo, d'un engagement viscéral, son alto exalté, éclatant s'épanouit avec force sur la moindre note, pour un He was despised au sommet, brisant les plus insoutenables silences d'une déclamation véhémente et bouleversante.
Un Messie de rare intensité, modèle de sincérité, d'humilité, d'évidence : une référence !
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 18/12/2004 Mehdi MAHDAVI |
| Le Messie de Haendel par l'Orchestra of the Age of Enlightenment sous la direction de Richard Egarr au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
The Messiah, Oratorio en trois parties HWV 56 (1742)
Livret de Charles Jennens, d'après la Bible
Choir of Clare College Cambridge
Orchestra of the Age of Enlightenment
Rebecca Evans, soprano
Lawrence Zazzo, contre-ténor
Iain Paton, ténor
Alastair Miles, basse
direction musicale : Richard Egarr | |
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