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CRITIQUES DE CONCERTS 29 mars 2024

3e et 4e symphonie de Mahler dans le cadre de l'intégrale Mahler du Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.

Les béatitudes de Myung-Whun Chung
© Radio-France / Christophe Abramowitz

Myung-Whun Chung a voulu un cycle complet des symphonies de Mahler étalé sur une seule saison : défi titanesque pour l'Orchestre Philharmonique de Radio France et son directeur musical. Après des Titan et Résurrection vainement ballottées entre anémie et vacarme, les troisième et quatrième symphonie réservent quelques surprises.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 17/12/2004
Mehdi MAHDAVI
 



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  • A mi-parcours du vaste périple de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, une question s'impose : Myung-Whun Chung est-il mahlérien naturel ? Bien qu'il affirme être devenu chef d'orchestre pour diriger les symphonies de l'auteur du Chant de la Terre, le chef coréen ne semble pas en maîtriser tous les éléments, peinant le plus souvent à tenir la distance. Il manque à ses lectures le sentiment de l'unité organique : précautionneux face au folklore, aux éléments les plus simples de la nature, Chung ne parvient pas à saisir cette étonnante assimilation des styles qui scandalisa les contemporains du compositeur. Dans un élan mystique emprunt de béatitude, il reste parfois comme pétrifié d'admiration devant les alliages de timbre et les complexités d'écriture, d'une humilité qui bride l'implication physique ; mais l'Orchestre Philharmonique de Radio France n'est pas encore de ces formations promptes à se diriger elles-mêmes.

    Une 3e symphonie sans mordant

    Dans la 29e symphonie de Mozart, après une première attaque à faire frémir et malgré quelques raideurs dans l'articulation des traits du premier violon et des alti, l'orchestre se montre d'un mordant inédit et bienvenu. Car c'est bien par défaut de mordant que le premier mouvement de la 3e de Mahler s'était trouvé plombé une semaine plus tôt. Dès l'attaque, Chung semble lointain, presque effacé, souvent émollient, et son cortège ne s'anime qu'en de rares instants, le temps d'une illusion.

    Les heureuses délicatesses du deuxième mouvement ne trouvent pas non plus de relais dans les textures anonymes et sans grâce du Philharmonique, sous la baguette gentiment somnolente du chef coréen qui ne peut imprimer le moindre ressort à un Scherzando en rares clins d'œils de solistes assez éteints, violon solo sans envergure et cor de postillon sans aura, relayé par des cors en désaccord.

    L'assaut de la fanfare, intrusion de l'Homme, en l'occurrence Susan Graham, marque cependant un tournant salutaire. Si les cors veulent encore jouer les troubles-fête de leurs attaques peu soignées, la mezzo américaine livre un lied de performance vocale pure. Troquant sa clarté habituelle contre une vraie couleur d'alto cuivrée et de projection superlative, elle pose chaque mot sur un souffle malléable, investissant les profondeurs du texte par un vibrato expressif captivant qui semble galvaniser Chung et ses troupes. Le cinquième mouvement est de la même force, de la même fulgurance, malgré la relative indiscipline des premiers sopranos du Choeur de Radio France, simplement préoccupés de décibels. La Maîtrise se distingue en revanche par sa superbe homogénéité.

    Continuant sur sa lancée, le chef coréen bâtit un Finale de pure contemplation, enfin de cordes magiques, tout du moins jusqu'à mi-course. Car de l'absence de cohésion du pupitre de premiers violons, le discours tend à s'étioler, et l'apothéose clôt tant bien que mal, sous un déluge d'applaudissements, ce monument de la création.

    L'apathie du Philharmonique dans la 4e symphonie

    De dimensions plus réduites, tout simplement plus classique, la 4e symphonie doit de nouveau affronter l'apathie de l'orchestre. Mais plutôt que de faire surgir les thèmes des premier et deuxième mouvement, de les surprendre, de les suspendre, Chung les enchaîne, sans brusquer un orchestre qui semble manquer de confiance, précautionneux, ne prenant jamais le risque de trébucher pour animer la phrase, d'oser la verve, là où les cordes graves se montrent d'une coupable absence de rebond.

    L'Adagio met enfin tout le monde d'accord. Si quelques attaques hasardeuses – décidément une constante – viennent troubler la quiétude, l'apaisement de ce troisième mouvement, Chung porte incontestablement en lui le sérieux sourire de sainte Ursule, qui sans cesse regarde vers le ciel. La lumineuse coda permet l'entrée candide de la soprano Miah Persson, idéale « d'expression joyeuse et enfantine, tout à fait dépourvue de parodie Â» comme le souhaitait Mahler.

    Jouant des ambiguïtés d'un timbre ni tout à fait femme, ni tout à fait enfant, angélique en somme, elle donne à chaque mot son innocente saveur. Et le Philharmonique sourit enfin. Le silence qu'obtient Chung d'un public de quinteux fervents vient démontrer quelles sont les véritables affinités de ce mystique avec Mahler : l'inspiration fulgurante de l'Amour céleste.







    Un début d'intégrale bien laborieux


    27 et 29 octobre 2004. Dans un TCE plein à craquer, Chung et le Philhar entament leur intégrale mahlérienne par un Adagio de 10e symphonie qui donne d'emblée la couleur : extrême lenteur tout sauf habitée, vision béatement contemplative, manque constant de tension, plastique et technique orchestrales absolument chaotiques – les altos, déjà peu attrayants de timbre, incapables de changer de note en même temps dans la longue phrase monodique introductive. Pendant l'ère Janowski, le Philharmonique avait réussi à trouver une couleur intéressante à force de jouer le grand répertoire germanique. Aujourd'hui, le constat est alarmant : le même orchestre est presque méconnaissable, et montre des limites techniques à chaque instant. On ne compte plus les accrocs, écarts de justesse et autre manque d'idiomatisme sonore.

    La 2e symphonie se voit constellée de dérapages en tous genres, de départs hasardeux – la première entrée des violoncelles et contrebasses, honteuse, où chacun court après son voisin de pupitre ; les attaques baveuses des cuivres, particulièrement des cors. Et comment croire un seul instant à l'immobilisme puis à l'éveil de la nature qui ouvre la 1e symphonie avec une texture orchestrale aussi sale ?

    L'orchestre ne trouve jamais la couleur, le fondu orchestral qui pourraient faire illusion. Les cuivres sonnent trop clair – et trop faux –, les cordes trop mate, les percussions trop toc – des timbales gadget, rien moins que souterraines. Dans ces conditions, même avec un grand mahlérien à la baguette, difficile d'assumer une intégrale qui tienne debout.

    Quand de surcroît, Chung ne fait que s'éparpiller entre effets tapageurs et lenteurs suffocantes et dénervées, le constat est bien celui de l'échec, et quelques rares passages un tant soit peu réussis ne sauraient racheter tant de lacunes.


    Yannick Millon





    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 17/12/2004
    Mehdi MAHDAVI

    3e et 4e symphonie de Mahler dans le cadre de l'intégrale Mahler du Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
    Cycle Mahler de l'Orchestre Philharmonique de Radio France

    10/12/2004

    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 3 en ré mineur

    Susan Graham, mezzo-soprano
    Maîtrise de Radio France
    Choeur de Radio France

    17/12/2004

    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Symphonie n° 29 en la majeur K. 201

    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 4 en sol majeur
    Miah Persson, soprano

    Orchestre Philharmonique de Radio France
    direction : Myung-Whun Chung

     


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