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CRITIQUES DE CONCERTS |
08 septembre 2024 |
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Il faut oser encadrer les Children's corner de Debussy de deux pages de Mozart et associer en deuxième partie deux pièces en demi-teinte de Liszt à la redoutable Sonate en si mineur. Mais à l'écoute, on se dit, en fait, que cela est très intelligent ! Prises entre l'Adagio en si mineur K. 540 et la Sonate en si bémol majeur K. 333 de Mozart, les six pièces de Debussy se situent dans une perspective où on les place rarement. Avec la même délicatesse de toucher, la même science des demi-teintes, un refus absolu de la violence sonore, ces oeuvres paraissent soudain reliées par le même fil rouge, celui d'un piano traducteur de mille sensations intimes, ténues, très diversifiées.
Debussy apparaît bien l'héritier d'une certaine conception du clavier qui exclut toute violence et cherche avant tout la couleur intime des sentiments et des choses. On aime aussi la manière dont Vizi réintroduit la valeur du silence, qui ponctue, structure, laisse passer le temps de la réflexion, même très brièvement. Tout cela est-il trop discret, trop allusif pour un récital dans une grande salle ? C'est possible. Ferenc Vizi n'est pas du genre « grande bête de concert romantique ». Il cisèle, il confie, il ne déballe pas volontiers ses impressions. Un rien trop confidentiel ? Sans doute, et il faudra peut-être qu'il se livre plus généreusement à l'avenir s'il veut conquérir les plus hauts lieux de la musique.
Mais il est vrai qu'une telle approche du clavier sert à la perfection des pages comme le Nocturne ou les Nuages gris de Liszt, perdus dans des brumes à la Turner. Dans la Sonate en si, on apprécie ces temps de silence, ces recueillements furtifs, ces moments de méditations proches du vide. On admire aussi la virtuosité des doigts dans les passages où le compositeur libère son impétueuse imagination, mais ici encore, une sonorité plus ample, plus profonde, en un mot plus complexe et plus riche contrasterait encore mieux avec ce travail de miniaturiste.
Ferenc Vizi est un musicien exceptionnel, une nature d'une qualité très rare. Il lui faut seulement s'épanouir maintenant avec plus de liberté, plus d'abandon, un peu plus de force, sans rien perdre de sa remarquable capacité d'analyse ni de l'originalité de ses idées.
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Théâtre de la Ville, Paris Le 29/01/2005 Gérard MANNONI |
| Récital du pianiste Ferenc Vizi au Théâtre de la Ville, Paris. | Mozart, Debussy, Liszt
Ferenc Vizi, piano | |
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