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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi mise en scène par Bernard Sobel et dirigée par William Christie à l'Opéra de Lyon.
Poppée en modestie
Poppea est ambitieuse ! Voyez-la conquérir la France : deux fois cette saison à Paris, demain à Strasbourg, et aujourd'hui à l'Opéra de Lyon, où la modestie à laquelle la condamne la réalisation insipide de Bernard Sobel et un plateau déséquilibré par sa jeunesse ne lui sied guère. Même William Christie, hier maître d'oeuvre d'un glorieux Retour d'Ulysse, peine à imposer sa superbe monteverdienne.
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Alors que d'autres s'évertuent à transposer le dernier opéra de Monteverdi à notre époque corrompue, Bernard Sobel a situé la Rome antique revue et corrigée par le seicento vénitien au centre de l'univers, jusqu'à l'apothéose d'une Vénus terrestre, Poppée couronnée devant une planète de braise. Reste que les découpages cosmiques de Lucio Fanti sentent la colle et le contreplaqué et qu'ils ne flattent guère l'œil : dans cette scénographie miteuse, le metteur en scène joue l'épure jusqu'à l'effacement.
Conventionnelle, la direction d'acteurs – qu'ont tous ces personnages à vouloir sans cesse s'adosser au cadre de scène ? – amoindrit l'efficacité du jeu de contrastes entre personnages comiques et tragiques, opposés pour mieux se mêler, aggravée par l'interruption absurde du deuxième acte entre la mort de Sénèque et le badinage de Valletto et Damigella, centre de gravité de l'oeuvre et manifeste cynique de l'esthétique de l'opéra vénitien. Les silhouettes sont ici trop schématiques, de traits nets et somme toute classiques, que ne viennent pas contredire des costumes aux couleurs antagonistes, respectueux d'une certaine idée de l'Antique, en divinités casquées. Bernard Sobel mène Poppée sur des rivages trop sages, déjà poussiéreux, pour la plus fastidieuse réponse aux récents excès parodiques des scènes parisiennes.
Face à cette lecture édulcorée, William Christie ne parvient pas à insuffler de continuité dramatique à son approche philologique, d'esprit florentin. Fidèle au manuscrit vénitien, le chef et claveciniste s'applique à concertare modestement, face à ses musiciens disposés en cercle. Mais les Arts Florissants manquent curieusement de souplesse et de justesse, notamment dans les quelques accompagnati ajoutés, et malgré un instrumentarium enrichi de vents et du régale, irrésistiblement associé aux interventions de Nutrice, le continuo est trop monochrome. L'attention quasi-exclusive portée aux mots, maîtres absolus du temps dramatique, brise l'élan musical, et la domination du recitar cantando sur le cantar recitando aboutit à une progression laborieuse, nivelant les contrastes.
Sans doute William Christie serait-il parvenu à un résultat plus stimulant avec une distribution capable de varier la couleur de chaque inflexion, comme il l'y invite. Mais la bonne volonté ne fait pas l'expérience, et Poppea demande des personnalités plus marquées. Tim Mead est un Ottone scrupuleux, mais son timbre cotonneux affadit le personnage. Mariana Rewerski peine davantage encore à imposer son Ottavia, éprouvée par la tessiture et les sautes d'humeur d'une impératrice sans envergure. Judith Van Wanroij convainc en Virtù, mais reste trop matrone en Drusilla. Les deux nourrices tirent en revanche leur épingle du jeu, attachante Arnalta de Marc Molomot, phrasant admirablement sa berceuse, et impayable Nutrice de Xavier Sabata, à l'alto large et sonnant.
Les amants terribles sont physiquement saisissants, Nerone d'une sensualité crasse et Poppea d'un charme ensorceleur, de peau dorée. Mais si elle s'approprie les mille profils de l'amante machiavélique dans sa voix délicieuse, Danielle de Niese se complaît dans une sprezzatura trop floue, d'intonation peu soignée, tandis que Mirko Guadagnini, anguleux de voix et d'accent fiévreux, a pour seul tort de chanter l'empereur dans une clé que l'on croyait enfin tombée en désuétude.
João Fernandes domine seul : Seneca complet dans sa jeunesse, timbre moelleux, vocalise signifiante empêtrée dans ses sentences interminables, en dérision assumée, mais mort poignante, trop bref sommet de ce Couronnement de Poppée qui, faute d'ambition, sombre dans l'anecdote.
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Opéra national, Lyon Le 30/01/2005 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi mise en scène par Bernard Sobel et dirigée par William Christie à l'Opéra de Lyon. | Claudio Monteverdi (1567-1643)
L'Incoronazione di Poppea, opéra en un prologue et trois actes (1642)
Livret de Giovanni Francesco Busenello
Les Arts Florissants
direction : William Christie
mise en scène : Bernard Sobel
décors : Lucio Fanti
costumes : Anna Maria Heinrich
éclairages : AJ Weissbard
Avec :
Danielle de Niese (Poppée), Mirko Guadagnini (Néron), Tim Mead (Othon), Mariana Rewerski (Octavie), João Fernandes (Sénèque / Un tribun), Judith Van Wanroij (Drusilla / La Vertu), Marc Molomot (Arnalta), Xavier Sabata (La Nourrice d'Octavie / Premier domestique), Soledad Cardoso (La Fortune / Une demoiselle / Pallas / Vénus), Ana Quintas (L'Amour), Isabelle Obadia (Le Valet), Anders J. Dahlin (Lucain / Premier soldat), Vittorio Prato (Liberto / Un consul), Andrew Tortise (Deuxième soldat / Deuxième domestique / Pétrone), Konstantin Wolff (Mercure / Un licteur / Troisième domestique). | |
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