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CRITIQUES DE CONCERTS 11 décembre 2024

Début du Festival Brahms de l'Orchestre de Paris, avec le Concerto pour violon par Julia Fischer et la 4e symphonie sous la direction de Christoph Eschenbach.

Le tragique monumental de Brahms

Julia Fischer

Le festival Brahms de l'Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach commence très fort, avec la découverte de Julia Fischer, violoniste prodige de vingt ans, mais aussi avec une 4e symphonie presque insoutenable de tension et de désespoir, dans une lecture fermée à double tour, au tragique monumental que n'aurait pas renié un Furtwängler.
 

Théâtre Mogador, Paris
Le 16/02/2005
Yannick MILLON
 



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  • Moment clé de la saison 2004-2005 de l'Orchestre de Paris, le Festival Brahms qui se déroule sur un mois était très attendu, comme le prouve un Théâtre Mogador rempli à ras bord. Christoph Eschenbach avait décidé, à travers le Concerto pour violon du maître de Hambourg, de présenter au public une jeune prodige du violon qui n'a sans doute pas fini de faire parler d'elle. Justesse remarquable, belle intuition de la phrase musicale, des progressions dramatiques, fort tempérament musical, Julia Fischer est promise à la plus belle des carrières.

    L'Allemande frappe déjà par sa maîtrise de la grande arche du premier mouvement, dans lequel elle semble faire corps avec l'orchestre. Son vibrato fiévreux, idéal pour ce répertoire, ses attaques franches, coupantes même, avec une vitesse et un mordant d'archet sur la corde grave du plus bel effet, assurent un premier mouvement de très haut niveau. Le mouvement lent, parfois trop étiré par le chef malgré une conclusion absolument superbe, en apesanteur et murmurée, reste assez flou et en un sens le moment le moins marquant de cette première partie. Le Finale, en revanche, nous vaut une belle empoignade entre soliste et orchestre. Avec ses attaques rugueuses, typiquement tziganes, Julia Fischer fait des merveilles, que réitèrent l'orchestre avec ses trilles diaboliques et le chef avec ses deuxièmes temps génialement prolongés. Et c'est sous l'accueil triomphal du public que la jeune virtuose, généreuse, offre pas moins de trois bis, dont un Hindemith de haute voltige.

    Une 4e symphonie d'un désespoir sans appel

    Mais les émotions fortes n'allaient pas s'arrêter là, comme en témoigne une 4e symphonique névrotique, d'un désespoir sans appel, un Brahms surexpressif, débarrassé de toute empreinte beethovénienne pour affirmer une monumentalité intimidante et typiquement postromantique. Le premier mouvement, lentissime, semble porter la misère du monde sur ses épaules, dans un legato étreignant, presque étouffant mais parfaitement assumé et conduit, et des levées étirées à l'infini, confessions aussi affligées que douloureuses. On songe alors souvent à Furtwängler, à cette même pâte sonore infiniment dense, à ces violons porteurs du désespoir le plus insoluble. L'Andante moderato permet d'abord de relâcher un peu la tension et réserve de magnifiques plages lyriques, chantées avec intensité – l'acuité des violons dans le second thème – mais le drame reprend très vite le dessus.

    Seul le Scherzo, par sa pugnacité, son énergie, fait entrevoir une autre issue que celle d'un destin scellé, car le Finale, dans sa chaconne en hommage à Bach, finit d'enfoncer le clou du tragique, dans la lenteur accablante d'un rouleau compresseur et des accents appuyés et déchirants. Ainsi des accords des cuivres et timbales en rapides crescendi entrecoupés de silence, ainsi du dernier tiers du mouvement, très retenu et d'une noirceur indélébile.

    Plongé dans de tels déchirements, on ressort de Mogador épuisé par le raz-de-marée émotionnel soulevé par Christoph Eschenbach : force est de reconnaître que l'on n'a plus l'habitude, au concert, à notre époque aseptisée, de ces lectures où le chef semble jouer sa vie à chaque note. Une expérience hautement dérangeante, mais cette veine de l'oeuvre, certes contestable et dont nul ne semblait plus se soucier, ne laissera personne indemne.




    Théâtre Mogador, Paris
    Le 16/02/2005
    Yannick MILLON

    Début du Festival Brahms de l'Orchestre de Paris, avec le Concerto pour violon par Julia Fischer et la 4e symphonie sous la direction de Christoph Eschenbach.
    Johannes Brahms (1833-1897)
    Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 77 (1879)
    Julia Fischer, violon

    Symphonie n° 4 en mi mineur, op. 98 (1885)

    Orchestre de Paris
    direction : Christoph Eschenbach

     


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