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CRITIQUES DE CONCERTS 26 avril 2024

Passion selon Saint-Matthieu de Bach par le Choeur Arsys-Bourgogne et Concerto Köln sous la direction de Pierre Cao à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon.

Vendredi sans esprit saint

L'Auditorium de Lyon avait convié pour Vendredi saint le Choeur Arsys Bourgogne pour une Saint-Matthieu sous la direction de Pierre Cao. Une exécution aux magnifiques solistes, mais où orchestre comme choeur peinent à donner sa véritable dimension religieuse au chef-d'oeuvre de Bach. Deux jours auparavant, sans le poids symbolique du jour fatidique, les mêmes interprètes avaient laissé une tout autre impression dans la capitale.
 

Auditorium Maurice Ravel, Lyon
Le 25/03/2005
Benjamin GRENARD
 



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  • Donner à la Saint-Matthieu une véritable ampleur n'est pas tâche aisée. S'il est aujourd'hui commun de vilipender les contresens stylistiques de chefs du passé comme Klemperer ou Mengelberg, il n'en demeure pas moins que derrière le respect de la lettre qui est désormais le pain quotidien des salles de concerts ne s'incarne pas nécessairement ipso facto l'esprit qui prédispose à une interprétation mémorable. Tel est en substance le principal écueil de l'exécution de ce soir. Car, derrière l'interprétation fine et soignée d'un Concerto Köln de texture brillante et lisse, on ne perçoit guère de dimension religieuse, pas plus à la manière emphatique de certaines écoles révolues qu'à la manière divinement sobre d'un Leonhardt.

    Sans pour autant prendre pour comparaison des modèles inaccessibles, le choeur et l'orchestre ne demeurent pas assez creusés. Pierre Cao s'attache au lissage de l'expression par des tempi assez allants et une tendance à escamoter les notes expressives ; si la couleur convient bien au Concerto Köln et produit un bel effet dans les chorals, le chef n'imprime jamais la dimension contemplative qui aurait convenu à ce parti pris. Côté choeur, la diction reste floue et prive du même coup l'ouvrage de la dimension expressive et essentielle du texte. L'entrée de la passion, Kommt, ihr Töchter, se voit dépossédée de sa colonne vertébrale, en raison d'un choeur d'enfants noyé dans la matière sonore, et l'on reste dubitatifs devant des choeurs de turba pauvres en relief dramatique. La précision de l'orchestre est parfois bienvenue, mais le tout compose une interprétation proprette, dont ne ressort rien de véritablement saillant.

    Restent pourtant des chanteurs exceptionnels. Au premier chef, l'incontournable Christoph Prégardien, qui apporte à l'ouvrage la vérité dramatique nécessaire au moyen d'une diction parfaite, d'une musicalité précise et d'un sens aigu du texte. L'Evangéliste de référence est l'initiateur des climats les plus réussis. Le Christ de Klaus Häger lui donne une réplique idéale, d'une vraie voix de baryton au médium noble. Jadis ténor de Leonhardt, Markus Schäfer reste fidèle à son excellence, tandis que Thomas Bauer achève de faire honneur à un magnifique quatuor masculin.

    Si Britta Schwarz se perd par trop en maniérismes dans Buß und Reu, elle trouve à partir du duo avec le soprano le ton parfait que son émission chaleureuse met parfaitement en valeur. Quant à Olga Pasichnyk, son timbre – proche de celui d'une Lucia Popp, avec toutefois moins d'ampleur sensuelle – fait merveille, dans une lecture sensible.

    Au final, une exécution mitigée qui rappelle que l'une des oeuvres techniquement les plus exigeantes du répertoire est aussi l'une des plus difficiles à appréhender musicalement. Car en ce vendredi saint, l'esprit n'était pas tout à fait au rendez-vous.






    Chemin de Croix aux sommets

    La manière de Pierre Cao dans ce répertoire est maintenant bien connue, l'assimilation des couleurs à l'ancienne apportant un surcroît de tranchant à un souci constant de la ferveur expressive et du mot. Dans la réverbération très forte de l'église Saint-Roch, l'impact verbal se dilue évidemment quelque peu, mais ce type d'acoustique impose en soi une écoute spécifique. Pierre Cao s'écarte des baroqueux purs et durs comme Ton Koopman pour se rapprocher plus manifestement d'un Philippe Herreweghe, dans une mise en oeuvre savante mais sans excès de la rhétorique baroque. Des tempi en général retenus visent à extirper les affects du moindre texte, et si les rythmes de danse restent des rythmes de danse, Pierre Cao soumet les figures musicales au message véhiculé.

    Il n'est pas non plus anodin que le chef luxembourgeois ait pris le parti de rassembler des solistes n'entrant pas exactement dans les canons esthétiques baroques, à l'exception d'un Christoph Prégardien, l'Evangéliste de sa génération, même si ses incursions dans des répertoires plus tardifs ont évidemment un peu modifié le profil vocal premier, et même si la fin de la Passion le trouve un peu fatigué vocalement.

    Le Christ de Klaus Häger impose une présence vocale incontestable et une projection du texte efficace. Le quatuor des autres solistes est pour sa part inégal : souffrante, Olga Pasichnyk a pourtant offert une prestation remarquable, très fagile dans Ich will dich mein Herze senken mais proprement irréelle dans Aus Liebe. Markus Schäfer claironne un peu, mais son chant est d'une probité évidente, tandis que Thomas Bauer cherche en vain des graves hors de sa portée.

    Au final, c'est Arsys Bourgogne qui brille de mille feux, avec des couleurs chatoyantes et une plénitude sonore à mi-chemin entre la transparence du Collegium Vocale et l'opulence vibrante du Monteverdi Choir. La phalange bourguignonne est proprement foudroyante dans les interventions de la turba, véritable fouet manié avec habileté par Pierre Cao : on saluera l'extrême habileté dans la conduite des choeurs, notamment un O Mensch, bewein dein Sünde groß d'une exceptionnelle lisibilité. Les couleurs drues et tranchantes sont aussi le fait des musiciens du Concerto Köln, pas toujours parfaits dans la mise en place – hautbois et violons solistes en proie à des problèmes de justesse –, mais d'un élan incomparable.

    Fort de ces instruments de luxe, le chef parvient à une concentration fervente qui éclatera cependant dans le monumental choeur final.


    Thomas Coubronne

    Eglise Saint-Roch, Paris, 23/03/05





    Auditorium Maurice Ravel, Lyon
    Le 25/03/2005
    Benjamin GRENARD

    Passion selon Saint-Matthieu de Bach par le Choeur Arsys-Bourgogne et Concerto Köln sous la direction de Pierre Cao à l'Auditorium Maurice Ravel, Lyon.
    Johann Sebastian Bach (1685-1750)
    Matthäuspassion BWV 244 (1729)

    Christoph Prégardien, Évangéliste
    Klaus Häger, Jésus
    Olga Pasichnyk, soprano
    Britta Schwarz, alto
    Markus Schäfer, ténor
    Thomas Bauer, basse

    École maîtrisienne régionale de Bourgogne
    Maîtrise de Dijon
    direction de la Maîtrise : Alain Chobert
    Choeur Arsys Bourgogne
    Concerto Köln
    direction : Pierre Cao

     


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