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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Création parisienne de De la Maison des Morts de Janáček mis en scène par Klaus Michael Grüber, sous la direction de Marc Albrecht à l'Opéra Bastille, Paris.
La mort en pleine lumière
José Van Dam (Goriantchikov) et Jiřà Sulženko (le Commandant).
Parallèlement à une Trilogie Janáček à l'Opéra de Lyon, l'Opéra de Paris propose la reprise de l'un des premiers spectacles que Gerard Mortier avait programmé à Salzbourg en 1992 : De la Maison des Morts dans la mise en scène de Klaus Michael Grüber. Un spectacle de mort et de lumière, porté à incandescence par la baguette de Marc Albrecht et un plateau irréprochable.
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Dernier opéra d'un compositeur septuagénaire, De la Maison des Morts est peut-être l'ouvrage le plus énigmatique de Janáček, mais aussi celui où s'exalte le plus son indéfectible foi en l'homme. En présentant sans complaisance ni jugement, avec distance, des instantanés d'une population pénitentiaire à travers les témoignages des bagnards, confessions sur la raison de leur incarcération, il suggère que les détenus, tout ensemble bourreaux et victimes de leurs crimes, ne sont que des gens ordinaires dont le destin a brusquement basculé.
Klaus Michael Grüber l'entend bien ainsi, qui conçoit sa mise en scène comme un livre d'images évitant tout sentiment de claustration. Abolissant les frontières de l'espace, l'action se déroule entièrement en extérieur, sous un ciel ouvrant pour les parias de Dostoïevski des perspectives de liberté, le nécessaire espoir de la reconquérir. Campé par un homme, l'aigle captif apparaît alors comme une évidente parabole. Par un habile jeu de négatif, la pantomime du II, moment de détente pour les prisonniers, suscite une atmosphère macabre, théâtre dans le théâtre traité avec une virtuosité confondante par le metteur en scène allemand.
Mais tout autant que la mise en scène, la direction de Marc Albrecht confère une cohésion extraordinaire au spectacle. Jouant de la cruauté des dissonances, exposées en pleine lumière, du motorisme permanent de la partition, le jeune chef porte le drame à son point d'acmé, au moyen d'une battue acérée, rapide et sans concession, fouettant un orchestre de l'Opéra à la verdeur de timbre tout à fait idoine. Refusant le caractère chambriste de l'orchestration, Albrecht défend une approche symphonique et paroxystique, étourdissante à force de jouer de l'angoisse de cellules rythmiques répétées à l'infini.
Bien plus que des prestations individuelles, De la Maison des Morts requiert un véritable esprit de troupe, qui ne fait pas défaut ce soir. On s'attardera sur José Van Dam, qui évoque d'emblée la noblesse et le côté extraterrestre de Goriantchikov au milieu de bagnards à demi tondus et affublés d'un costume jaune criard ; sur Jerry Hadley, Skuratov autiste, à la limite de la folie, au timbre aujourd'hui très proche de celui d'un Graham Clark ; sur le Chapkine étonnant d'étendue de tessiture et de variété dans la narration de Jeffrey Francis ; sur le Luka héroïque d'Hubert Delamboye ou encore sur le Chichkov de Johan Reuter, très habile à gérer un monologue étalé sur presque un quart d'heure.
Au milieu de toutes ces voix masculines, le timbre radieux de Gaële Le Roi prête au jeune Tartare Alieia une fraîcheur adolescente qui participe à la lumière de la production. La Française a trouvé là un rôle dans ses cordes, qui sied à ravir à son timbre adamantin, même si elle se voit parfois contrainte à grossir l'émission pour passer l'orchestre.
Prochaines représentations les 27, 30 mai, 1er, 6, 9 et 12 juin.
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Opéra Bastille, Paris Le 19/05/2005 Yannick MILLON |
| Création parisienne de De la Maison des Morts de Janáček mis en scène par Klaus Michael Grüber, sous la direction de Marc Albrecht à l'Opéra Bastille, Paris. | Leoš Janáček (1854-1928)
Z Mrtvého domu, opéra en trois actes (1928)
Livret du compositeur d'après le roman Souvenirs de la maison des morts de Fedor Mikhailovitch Dostoïevski
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Marc Albrecht
mise en scène : Klaus Michael Grüber
décors : Eduardo Arroyo
costumes : Eva Dessecker
éclairages : Vincio Cheli
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
José Van Dam (Alexandre Petrovitch Goriantchikov), Gaële Le Roi (Alieia), Hubert Delamboye (Filka Morosov – Luka Kumzich), Jerry Hadley (Skuratov), Johan Reuter (Chichkov), Jeffrey Francis (Chapkin), David BižÃc (Tchekounov), Jiřà Sulženko (le Commandant), Tomás Juhás (Tcherevine), Xavier Mas (le jeune prisonnier / une voix en coulisse), Bojidar Nikolov (le grand prisonnier), Miroslav Svejda (le vieux prisonnier), Ludek Vele (le petit prisonnier), Sergei Stilmachenko (le prisonnier jouant Don Juan et le Brahmane), Ales Briscein (Kedril), Slawomir Szychowiak (le pope), Alicia Garcia Munos (la prostituée), Grzegorz Stazkiewicz (le prisonnier ivre), Guillaume Petiot-Bellavène (le cuisinier), Yves Cochois (le forgeron), Ook Chung (premier garde), Moung-Chang Kwon (deuxième garde). | |
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