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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Version de concert de Lotario de Haendel sous la direction de Paul Goodwin au Théâtre des Champs-Elysées, Paris.
Lotario en honnĂŞte compagnie
Lawrence Zazzo
Après l'échec cuisant de la création, Lotario a sombré dans l'oubli. Deux enregistrements parus cet hiver ont révélé les séductions de ce Haendel mineur, une quasi-intégrale de l'infatigable Alan Curtis et une sélection de Paul Goodwin. Ce dernier réunit ses troupes au TCE pour une version de concert soignée, dominée par le flamboyant Lawrence Zazzo.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 15/06/2005
Mehdi MAHDAVI
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Au terme de la saison de 1728, l'inévitable faillite de la Royal Academy of Music ne décourage pas Haendel qui part pour l'Italie à la recherche de nouveaux gosiers en février 1729, après avoir obtenu l'assurance de poursuivre ses activités durant cinq ans. Il en revient avec le castrat Antonio Maria Bernacchi, la contralto Antonia Maria Merighi, le ténor Annibale Pio Fabri, la soprano Anna Maria Strada del Pò, qui deviendra sa plus fidèle interprète, et le livret de l'Adelaide de Giuseppe Maria Orlandini entendue à Venise, qu'il adapte pour la scène londonienne avec Giacomo Rossi sous le titre de Lotario.
Bien que la Strada et Fabri y remportent un grand succès, ravivant le souvenir de la Cuzzoni et de Borosini pour qui Haendel composa le rôle de Bajazet dans Tamerlano, l'opéra inaugural de la seconde académie est un échec. Non seulement Bernacchi ne convainc pas le public londonien, habitué au style plus expressif de Senesino qui reviendra dès la saison suivante, mais Haendel, peu inspiré par un livret trop schématique, n'offre qu'une musique linéaire dont la seule ambition est de révéler la virtuosité de ses nouveaux interprètes. Ces profils vocaux seront d'ailleurs autrement plus exaltés deux mois plus tard dans Partenope, dont Antonio Florio dirigera la création française au Festival de Beaune cet été.
Pour l'heure, Paul Goodwin invite à se contenter de Lotario en plus qu'honnête compagnie. Si le Kammerorchester Basel peut se révéler brillant et investi, ses sonorités sont le plus souvent grêles et incertaines, sans véritable assise dans les passages les plus dramatiques où des cordes graves en très petit nombre font défaut. Mais le chef britannique sait soigner les traits, et ose la vivacité pour mieux faire avancer, respirer même, une musique peu variée.
Une distribution Ă la hauteur
Sans ressusciter les fastes de la mythologie lyrique londonienne, la distribution se montre à la hauteur de cette création française, même si une trop grande humilité envers Haendel, qui ne rechigne pas, dans ses pages les moins intenses, à être bousculé, l'entraîne parfois aux limites de l'indifférence. Malgré une voix courte et grise, Hubert Claessens est d'une parfaite virtuosité dans les airs vaillants de Clodomiro. Plus périlleuse encore est la partie de Berengario, aux coloratures interminables dont James Gilchrist ne fait qu'une bouchée, grâce à une confondante maîtrise du souffle. Timbre sombre et percutant, phrasé inspiré, abrupt dans Vi sento sì, seul air à témoigner d'une certaine évolution psychologique, le ténor anglais serait parfait si son manque de familiarité avec la partition ne l'empêchait de composer un personnage.
Diction incisive, Kristina Hammarström n'a pourtant rien de la hargne et du venin de Matilde, dans une tessiture qui lui interdit la moindre couleur, tandis qu'en fils pétri de bonté, le jeune contre-ténor Tim Mead démontre un sens touchant de la phrase haendélienne et un timbre généreux en falsettistes douceurs, qu'il tend malheureusement à épaissir artificiellement. Avec un souffle plus assuré, Nuria Rial donnerait plus d'assise à son timbre corsé et confèrerait sans doute des accents plus héroïques aux vocalises perlées de son Adelaide exquisément décorative.
Dominant ses partenaires de son instinct flamboyant, le Lotario de Lawrence Zazzo appelle réellement les planches. Passés quelques problèmes de justesse et une émission un rien hétérogène, le contre-ténor déploie dans les récitatifs une ampleur inhabituelle et un métal d'une superbe plénitude, investissant le moindre mot, variant les inflexions et le regard, s'imposant finalement comme le meilleur contre-ténor dramatique de sa génération.
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