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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 décembre 2024 |
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Nouvelle production d'Elektra de Richard Strauss mise en scène par Matthias Hartmann et dirigée par Christoph von Dohnanyi à l'Opéra Bastille, Paris.
DĂ©ferlante musicale sur Elektra
Deborah Polaski (Elektra)
Dernière production de la première année de Gerard Mortier à la tête de l'Opéra de Paris, cette nouvelle Elektra vient clore une riche saison en beauté. Face à la baguette impériale de Christoph von Dohnanyi et un trio féminin de choc, la production démythifiée de Matthias Hartmann a tendance à s'effacer derrière la musique.
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Quatre ans après la sulfureuse Salomé, Elektra représente un paroxysme de sauvagerie expressionniste dans la production de Richard Strauss. Cette tragédie de tous les excès exige du travail scénique une tension aussi continue que celle de la musique. Si la mise en scène de Matthias Hartmann explore habilement l'isolement d'une Elektra usée et rongée par l'échec de son existence au milieu de personnages plus médiocres qu'elle – Chrysothémis en secrétaire nunuche, Oreste impuissant à assumer son rôle – elle passe à côté de la dimension mythique, de ce sentiment de l'inéluctable qui irrigue la tragédie grecque.
Quelques images fortes soutiennent les idées du metteur en scène, tels le périmètre de sécurité où l'on remise le manteau royal d'Agamemnon, les mutilations cabalistiques d'Elektra, ou encore l'arrivée pitoyable de Clytemnestre en Jessica Lange sur le retour, avilie et psychotique ; mais l'ensemble reste assez froid, d'autant que comme beaucoup de metteurs en scène de théâtre peu rompus à l'exercice de l'opéra, l'Allemand peine à habiter le temps musical dans sa longueur.
Mais qu'importe, au fond, quand l'attention est constamment rivée sur l'excellence de la partie musicale, dont l'homogénéité tient avant tout à la présence de Christoph von Dohnanyi dans la fosse. Dans une lecture rigoureuse ne laissant rien dans l'ombre, au scalpel mais nerveuse, le chef allemand ouvre progressivement les vannes de la violence jusqu'à une scène finale fracassante. En symbiose avec un plateau qu'il s'efforce de ne jamais écraser, il canalise admirablement sa centaine de musiciens et ménage autant de plages de détente que de déflagrations, sans jamais perdre le sentiment d'une lame de fond. On peut préférer des lectures plus noires et constamment volcaniques, mais l'immense classe du chef et la manière dont sonne ce soir l'orchestre de l'Opéra ont de quoi étouffer la moindre réserve.
La renaissance de Deborah Polaski
On pourrait presque en dire autant de la distribution féminine. Après des débuts prometteurs, on avait vu Deborah Polaski grever sérieusement le Ring de Kirchner à Bayreuth, avant une Isolde catastrophique en 1998 avec Abbado à Berlin, qui sonnait comme le pathétique enterrement de première classe d'une carrière éclair. Mais c'était sans compter une renaissance aussi spectaculaire que le déclin qui l'avait précédé.
Ce soir, l'ampleur de l'émission, l'opulence du médium, qui sont d'un véritable Hochdramatisch, compensent largement un aigu parfois instable. La maîtrise du souffle, le recours fréquent à la nuance piano pour solutionner les problèmes d'endurance du rôle, et une grande habileté à corriger après l'attaque les aigus émis en arrière permettent enfin de donner leur juste impact à une incarnation souvent bouleversante, à une présence scénique naturelle écrasante.
Incandescente Chrysothémis
Il faut d'ailleurs tout le rayonnement d'Eva-Maria Westbroek pour réussir à lui faire de l'ombre, avec sa Chrysothémis toute de féminité, de facilité vocale, d'homogénéité sur l'ensemble de la tessiture, d'incandescence des aigus. En comparaison, un temps d'adaptation est nécessaire pour appréhender le format nettement moins impressionnant de la Clytemnestre très claire de Felicity Palmer, dont filtre en permanence le passé de soprano lyrique à travers une accroche très haute qui n'est pas idéalement celle de la reine insomniaque. Mais le timbre nourri au vitriol, l'aigu acéré, la composition, en vieille coquette suicidaire accro aux antidépresseurs, donnent au personnage un juste mélange de pathétique et d'hystérie.
Côté masculin, bien plus que l'Egisthe défait de Jerry Hadley, on retiendra l'excellent Oreste de Markus Brück, au format léger mais à la qualité de timbre et de diction exemplaires, entre un grave de bronze et un aigu à la Eberhard Waechter.
Une production qui convaincra peut-être les « mortiersceptiques » de la sincérité du directeur belge lorsqu'il annonçait à son arrivée à Paris que l'opéra, c'est prima la musica, poi le parole.
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Opéra Bastille, Paris Le 22/06/2005 Yannick MILLON |
| Nouvelle production d'Elektra de Richard Strauss mise en scène par Matthias Hartmann et dirigée par Christoph von Dohnanyi à l'Opéra Bastille, Paris. | Richard Strauss (1864-1949)
Elektra, opéra en un acte (1909)
Livret de Hugo von Hofmannsthal d'après Sophocle
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Christoph von Dohnanyi
mise en scène : Matthias Hartmann
décors : Jan Versweyveld
Ă©clairages : Mark Truebridge
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Deborah Polaski (Elektra), Felicity Palmer (Klytemnesträ), Eva-Maria Westbroek (Chrysothemis), Markus Brück (Orest), Jerry Hadley (Aegisth), Ales Briscein (un jeune serviteur), Scott Wilde (un vieux serviteur), Philippe Fourcade (le précepteur d'Oreste), Barbara Morihien (la confidente de Clytemnestre), Constance Bradburn (la porteuse de traîne), Susan Marie Pierson (la surveillante), Mary Ann McCormick (première servante), Doris Lamprecht (deuxième servante), Cornelia Oncioiu (troisième servante), Irmgard Vilsmaier (quatrième servante), Tracy Smith-Bessette (cinquième servante). | |
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