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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Reprise du Parsifal de Wagner mis en scène par Christoph Schlingensief et sous la direction de Pierre Boulez au festival de Bayreuth 2005.

Bayreuth 2005 (1) :
Parsifal à hue et à dia

© Jochen Quast / Bayreuther Festspiele

À l'été 2004, le nouveau Parsifal de Bayreuth engendrait un scandale mémorable sur la colline. Un an plus tard, quelques aménagements n'y changent rien : la production confiée à Christoph Schlingensief reste une aberration scénique, que ne parviennent à sauver ni la direction magique de Pierre Boulez ni un plateau bien faible.
 

Festspielhaus, Bayreuth
Le 17/08/2005
Thomas COUBRONNE
 



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  • Un an après l'échauffement des esprits suscité par le nouveau Parsifal de Bayreuth, on tâche de gravir la Colline avec les idées larges. La mise en scène, qualifiée de monstrueuse par la presse locale en juillet 2004, allait-elle réussir à s'épanouir après une année de maturation ? Que nenni ! Il faut concéder à Schlingensief qu'il s'applique à dépasser la liturgie chrétienne au profit d'expressions plus primitives, plus violentes, plus chtoniennes du passage de la vie à la mort, de la perdition à la rédemption. Seulement, l'idée ne suffit pas, il faut avoir les moyens de l'exposer ; c'est là que le bât blesse.

    Sans aucun signe fort prédominant, on est vite noyé sous un fatras inextricable d'objets, de traversées, de figurants qui parasitent le décryptage – déjà ardu – de la symbolique très personnelle du metteur en scène. Il y a bien longtemps qu'un séchoir à linge, une tente de scouts ou des masturbations répétées ne choquent plus grand monde, mais devant la vacuité du propos et l'inintelligibilité de l'ensemble, on en vient presque à regretter les productions à la Wolfgang Wagner.

    Le défilé dérisoire des personnalités pseudo-œcuméniques – que fait Napoléon parmi elles ? –, les éclairages sordides qui ne laissent presque rien voir d'une scénographie par ailleurs fort laide, la volonté de faire pacotille dans tous les accessoires et costumes, l'emploi embrouillé jusqu'à l'absurde des doubles et triples personnages – avons-nous bien vu une vilaine doublure de Kundry à lunettes emperruquée de fuchsia ? – évacuent tout mystère, toute pureté, et jusqu'à tout primitivisme.

    Quelle force évocatrice reste-t-il au lapin en tant que symbole de fécondité, dès lors qu'il est en peluche ou promené dans une cage avec une petite mangeoire en plastique ? Que Parsifal paraisse au III dans un costume de Bugs Bunny, et l'expression de la grâce en prend un coup ! Et quel impact poétique à la toge de Parsifal ointe de sang quand les fidèles de Klingsor la font sécher, maculée d'auréoles tenaces ? La mention des insuffisances de la lessive de Montsalvat apporte-t-elle vraiment sa pierre à l'édifice ?

    Les sortilèges debussystes de la direction de Boulez

    En fermant les yeux, on pourrait pourtant presque se laisser aller au plaisir. Boulez prodigue des sortilèges de toute beauté, une direction aérée, cursive, frémissante à la moindre inflexion du discours harmonique, équilibrée et scintillante de timbres, avec des cuivres presque debussystes, une battue vivante, tranchante, réconciliant abstraction de la forme et netteté des entrelacs motiviques. Conception architecturale, ordonnée, riche d'éclairages multiples, relayée par un très bel orchestre du festival, toutefois un rien en-deçà de la fragilité lumineuse que le même Boulez avait tirée des Wiener Philharmoniker dans le Prélude à Paris en juin 2003.

    Mais pareil écrin méritait-il distribution si monochrome ? Et il ne s'agit pas ici de l'Amfortas soigné d'Alexander Marco-Buhrmester, ne trahissant jamais la fêlure profonde du roi blessé mais nanti d'un timbre noble et d'une belle ligne ; ni de Michelle De Young, Kundry légère, à court de grave, de velours, de flamme, mais trouvant au moins assez de conviction pour être séduisante et suggestive ; ni même du Klingsor brutal et primitif de John Wegner, peut-être le personnage le plus réussi de la mise en scène, malgré quelques laideurs vocales à couper le souffle – Er ist schön, der Knabe !

    Mais que dire de l'impossible Gurnemanz Cro-Magnon de Robert Holl, aux nasalités béotiennes, aux accents mous, sans déclamation, sans aura ni sagesse, dépourvu d'autre attrait que les décibels, et encore ? Que dire surtout de l'horrible Parsifal d'Alfons Eberz, vociférant, rocailleux, poussif, qui rebuterait même en Siegfried ?

    On en vient à se demander comment on a pu aboutir à de telles incohérences : entre la mise en scène fourre-tout, le plateau hurlant et la direction mesurée, n'était-il pas à prévoir que ce Parsifal tirerait à hue et à dia ?




    Festspielhaus, Bayreuth
    Le 17/08/2005
    Thomas COUBRONNE

    Reprise du Parsifal de Wagner mis en scène par Christoph Schlingensief et sous la direction de Pierre Boulez au festival de Bayreuth 2005.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Parsifal, festival scénique sacré en trois actes (1882)
    Livret du compositeur d'après Chrétien de Troyes

    Choeurs et Orchestre du Festival de Bayreuth
    direction : Pierre Boulez
    mise en scène : Christoph Schlingensief
    décors : Daniel Angermayr et Thomas George
    costumes : Tabea Braun
    éclairages : Voxi Bärenklau
    préparation des choeurs : Eberhard Friedrich

    Avec :
    Alexander Marco-Buhrmester (Amfortas), Kwangchul Youn (Titurel), Robert Holl (Gurnemanz), Alfons Eberz (Parsifal), John Wegner (Klingsor), Michelle De Young (Kundry), Clemens Bieber, Samuel Young (Gralsritter), Julia Borchert, Atala Schöck, Norbert Ernst, Miljenko Turk (Knappen), Julia Borchert, Martina Rüping, Carola Guber, Anna Korondi, Jutta Maria Böhnert, Atala Schöck (Klingsors Blumenmädchen), Simone Schröder (alto solo).

     


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