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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Zubin Mehta, avec la participation de la soprano Katarina Dalayman au festival de Lucerne 2005.
Lucerne 2005 (3) :
Les absences de Zubin Mehta
Katarina Dalayman et Zubin Mehta
Pour le premier des trois concerts des Wiener Philharmoniker au festival de Lucerne 2005, Zubin Mehta apparaît comme l'une baguettes les plus routinières du moment. Entre un Haydn insipide, un Berg sans angoisse et un Sacre du printemps policé, une soirée où le chef et l'orchestre semblent absents.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 10/09/2005
Yannick MILLON
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Il est des chefs qui, une fois confortablement installés dans la carrière, ne prennent plus le moindre risque en concert. Ainsi, après avoir été l'une des baguettes les plus talentueuses de sa génération, Zubin Mehta a progressivement sombré dans le star system, le confort et l'absence de remise en question.
À l'heure où tant de spécialistes de musique ancienne ont su réinsuffler vigueur et théâtralité aux classiques viennois, qu'attendre d'une 103e symphonie de Haydn par l'accompagnateur en titre des trois ténors ? Rien, tant ce classicisme d'ancien régime s'avère aujourd'hui insipide : nuances nivelées, contrastes estompés, mollesse des interventions des cuivres et de la timbale, refus de tout Sturm und Drang. Un Haydn douceâtre, sans trait de spiritualité, sans malice ni humour.
Qu'attendre également d'un chef qui se perd en contemplation des timbres capiteux de la Philharmonie de Vienne plutôt que de laisser entrevoir l'angoisse, le désespoir et les éclats expressionnistes du Wozzeck d'Alban Berg ? Battue métronomique, silences purement fonctionnels, Interlude en ré mineur au climax escamoté, Mehta se paie même le luxe d'un magnifique contresens dans une conclusion diminuendo et légèrement ralentie, là où Berg exige recto tono pour laisser l'auditeur en suspens. Au milieu de cet océan d'indifférence, la soprano Katarina Dalayman effleure à peine le personnage de Marie : timbre sans beauté, registre inférieur sans chair, aigus gros et stridents.
L'engraissement du Sacre du printemps
Mais comme le point névralgique du concert reste le Sacre du printemps, l'une des plus grandes réussites du chef indien, on ne désespère pas. La rencontre avec les Viennois à Salzbourg en 1985, documentée par un CD Orfeo, avait même provoqué des étincelles. Mais ce soir, le ciel stravinskien pâtira d'une nuit sans étoiles. Tempi alanguis, contrastes étiolés, rubato hors-sujet dans l'Action rituelle des ancêtres, pâte sonore replète, voilà un Sacre qui a sérieusement engraissé avec les années.
Même si l'on sait que le Philharmonique de Vienne ne sera jamais l'orchestre idéal pour la sauvagerie et les affrontements en blocs de la partition, on avait imaginé contours plus nets, attaques plus franches et tranchantes, notamment chez des cordes comme anémiées, mais aussi une cohésion instrumentale moins malmenée – la fébrilité du basson et du cor, les étranglements de la petite clarinette.
Bien loin des cordes en acier trempé des Berliner et de la conception en rouleau compresseur de Boulez qui avaient valu un concert phénoménal en 2002, ce soir, l'esprit était absent. Quant au choix de Mehta, friand d'acclamations, de donner en bis la valse Wiener Blut de Johann Strauss après les déchaînements primitifs du Sacre, on nous pardonnera de penser que le bon goût aussi était absent.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern Le 10/09/2005 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Zubin Mehta, avec la participation de la soprano Katarina Dalayman au festival de Lucerne 2005. | Joseph Haydn (1732-1809)
Symphonie en mib majeur Hob. I/103, « mit dem Paukenwirbel » (1795)
Alban Berg (1885-1935)
Trois extraits de Wozzeck op. 7, pour soprano et orchestre (1924)
Katarina Dalayman, soprano
Igor Stravinski (1882-1971)
Le Sacre du printemps, tableaux de la Russie païenne en deux parties (1913)
Wiener Philharmoniker
direction : Zubin Mehta | |
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