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CRITIQUES DE CONCERTS |
11 octobre 2024 |
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Reprise de Rusalka de Dvořák dans la mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Jirà Belohlávek à l'Opéra de Paris.
Le feu sous la glace
Pour cette reprise de la très esthétisante production de Rusalka que Robert Carsen avait signée en 2002 à la Bastille, l'héroïne de Dvořák a la sveltesse et la fougue brûlante de la belle Olga Guryakova. Une présence impressionnante qui parvient à succéder sans peine à la somptueuse Renée Fleming.
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Avec une oeuvre à tendance panthéiste où la nature est un véritable personnage, un peu comme dans la Légende de la cité invisible de Kitège de Rimski-Korsakov, un metteur en scène n'a guère que deux solutions : jouer le jeu d'un réalisme minutieux, touffu et dangereux à bien des égards, ou abandonner toute tentative de représentation figurative. Robert Carsen a naturellement opté pour la deuxième solution, préférant des éclairages glacés et les murs d'une vaste chambre d'hôtel très design minimaliste à une multitude de joncs, fleurettes et éléments aqueux.
Même si l'on peut estimer que ce contexte glacé n'est pas forcément en accord avec l'effervescence de la musique de Dvořák ni avec le déchaînement de la passion de l'héroïne, on ne peut nier que les effets sont beaux dans leur sobriété. Une fois compris qu'on ne verrait que l'idée d'un lac et que seule l'astucieuse inversion du décor dédoublé du premier acte évoquerait les profondeurs où vivent nymphes et esprits du lac, on doit reconnaître que les images proposées aident à écouter la musique et la mettent même en valeur. D'autant qu'une très scrupuleuse direction d'acteurs, comme toujours chez Carsen, permet à chaque personnage de prendre toute son épaisseur dramatique. Un beau spectacle donc, rigoureux, avec quelques vrais trucs de théâtre très appréciables.
De la riche écriture orchestrale de Dvořák, le chef Jirà Belohlávek nous donne une lecture généreuse, précise, dont les très subtils équilibres et les accents parfaitement placés ne nuisent jamais à une sorte de spontanéité, de jaillissement qui suit les fluctuations passionnelles de la malheureuse Rusalka. Cette dernière a l'avantage d'être chantée par Olga Guryakova, totalement à l'aise dans ce répertoire, comme elle l'avait été dans Eugène Onéguine ou dans la Guerre et la Paix.
Silhouette frêle mais voix rayonnante, très expressive, toujours musicale, Guryakova propose une approche magistrale du personnage, jouant avec tous les contrastes de son involontaire froideur et de son incandescente passion. Là où Renée Fleming apportait sûrement plus d'onctuosité et un autre type de musicalité il y a trois ans, la jeune Russe confère jeunesse et élan au personnage, avec une voix dont l'ampleur étonne chez une artiste qui n'a qu'une petite dizaine d'années de vraie carrière derrière elle.
Tous les autres protagonistes sont tout à fait à leur place : ceux que l'on connaît déjà comme Franz Hawlata en Esprit des eaux, et ceux que l'on découvre comme Anda Luise Bogza, Princesse étrangère à la voix richement timbrée, ou encore le ténor australien Stuart Skelton, Prince tout en nuances, musical mais manquant sans doute un peu d'impact vocal et scénique face à la flamboyante Guryakova.
Un très beau spectacle d'opéra qui devrait faire salle comble, alors que de nombreuses places restent vides ce soir au parterre du vaste Opéra Bastille.
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Opéra Bastille, Paris Le 14/09/2005 Gérard MANNONI |
| Reprise de Rusalka de Dvořák dans la mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Jirà Belohlávek à l'Opéra de Paris. | Antonin Dvořák (1841-1904)
Rusalka, conte lyrique en trois actes (1901)
Livret de Jaroslav Kvapil
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Jirà Belohlávek
mise en scène : Robert Carsen
décors et costumes : Michael Levine
éclairages : Robert Carsen et Peter van Praet
chorégraphie : Philippe Giraudeau
Avec :
Stuart Skelton (le Prince, Anda Louise Bogza (la Princesse étrangère), Olga Guryakova (Rusalka), Franz Hawlata (l'Esprit du lac), Larissa Dyadkova (Ježibaba), Sergei Stilmachenko (la voix d'un chasseur), Karine Deshayes (le garçon de cuisine), Michelle Canniccioni (première nymphe), Nona Javakhdize (deuxième nymphe), David Bižic (le garde-forestier). | |
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