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CRITIQUES DE CONCERTS |
10 décembre 2024 |
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Création à Paris de l'Or du Rhin de Wagner mis en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet.
Ring 2005-2006 (1) :
L'Ă©clat terni de l'or
Volker Vogel (Mime)
Coup d'envoi de l'événement de la saison lyrique parisienne au Châtelet, avec pour entamer un nouveau Ring qui occupera la scène jusqu'à la mi-avril un Or du Rhin dont l'éclat de la mise en scène de Bob Wilson sera terni par une distribution faible et dans une moindre mesure par un Christoph Eschenbach peu tranché dans ses options.
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L'histoire de la mise en scène wagnérienne semble un perpétuel recommencement ; et après les fantasmes les plus délirants du Regietheater à l'allemande, culminant dans un Ring de Stuttgart d'une incommensurable laideur, comment ne pas se sentir lavé, purifié même par l'esthétisme d'un Bob Wilson ? Car au-delà des incertitudes que peut faire planer, en termes de théâtre, l'épure jusqu'à l'ascèse de cet extraordinaire travail de plasticien, on est littéralement soufflé par la beauté du visuel de cet Or du Rhin – la perspective atmosphérique du Walhalla, les rais de lumière de l'or, un Niebelheim au format cinémascope avec pour seul décor un mur de barbelés figurés et des éclairages vert marécage du plus bel effet.
Certes, on a plus affaire à une abstraction du mouvement qu'à un véritable travail d'acteurs, et Wilson ne nous apprend rien de révolutionnaire sur le Ring, mais il en respecte scrupuleusement les rouages par le biais d'éclairages signifiants, de costumes stylisés et d'une gestuelle codifiée selon la catégorie sociale des personnages. Cette démarche minimaliste qui touche à l'universel et l'atemporel n'a rien de totalitaire : elle suggère au lieu d'imposer, et convient très bien à l'atmosphère mythique de l'Or du Rhin.
On peut bien sûr rester sur sa faim en termes de drame – l'assassinat de Fasolt ou l'anneau arraché à Alberich, très sages – ou de magie – l'apparition d'Erda, bien prosaïque – mais la force des images de Wilson est indéniable. Reste à savoir si elle supportera le théâtre moins légendaire, plus psychologique, de la Walkyrie.
Une direction sans fil conducteur clair
Pour son premier Ring, Christoph Eschenbach avait annoncé vouloir suivre le sillage de son maître Karajan dans la recherche de transparence, d'atmosphères chambristes. Et si en effet, à plusieurs reprises, la pâte sonore s'allège jusqu'au vaporeux, sur l'ensemble de la représentation, on a du mal à suivre le fil conducteur d'une direction parfois fine et cursive, trop souvent appuyée et trop lente – les discussions des géants, rivés à leurs cothurnes –, malgré un Orchestre de Paris de noble cachet sonore.
Mais plus que d'une battue hésitante, cet Or du Rhin pâtit d'une distribution où seuls les Nibelungen imposent une véritable présence. Sergei Leiferkus maîtrise toutes les facettes d'Alberich en une incarnation presque schizophrénique et ne fait qu'une bouchée de ses aigus, même si le timbre clair et acéré n'est pas celui du rôle. Le Mime de Volker Vogel, admirablement caractérisé, promet un passionnant Siegfried en janvier.
Il y a aussi ceux qui se contentent de bien chanter, comme la Freia au joli timbre de Camilla Nylund ; le Froh cuivré d'Endrik Wottrich, par ailleurs le seul de la distribution à avoir la conscience même de la vocalité wagnérienne ; et, à moindre degré, la Fricka légère, très soprano, séduisante quand elle ne crie pas pour imposer une autorité, de Mihoko Fujimura.
Faiblesses vocales
Car le reste du plateau est bien faible. Le Wotan de Jukka Rasilainen n'a pour lui que les décibels : couleur ingrate, aigus ouverts et déité négligeable. Le Loge de David Kuebler, malgré de beaux moments, finit la soirée éteint, et approximatif d'intonation. Laurent Alvaro est un Donner d'opérette à force de verdeur, Qiu Lin Zhang une Erda factice et toute tubée s'inventant un grave qu'elle n'a pas. Il est jusqu'aux Filles du Rhin d'être privées de séduction, aux Géants de format surhumain : Fasolt au timbre noble, à la Salminen, mais à la projection limitée, de Franz-Josef Selig ; Fafner confidentiel et rétif à chanter en mesure de Günther Groissböck.
Il y a fort à parier que l'éclat scénique de cet or ne tiendra pas longtemps face à d'aussi criantes défaillances musicales.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 19/10/2005 Yannick MILLON |
| Création à Paris de l'Or du Rhin de Wagner mis en scène par Robert Wilson et sous la direction de Christoph Eschenbach au Théâtre du Châtelet. | Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, prologue en quatre scènes au festival scénique l'Anneau du Nibelung (1869)
Livret du compositeur
Orchestre de Paris
direction : Chrisoph Eschenbach
mise en scène et scénographie : Robert Wilson
costumes : Frida Parmeggiani
Ă©clairages : Robert Wilson & Kenneth L. Schutz
Avec :
Jukka Rasilainen (Wotan), Laurent Alvaro (Donner), Endrik Wottrich (Froh), David Kuebler (Loge), Sergei Leiferkus (Alberich), Volker Vogel (Mime), Franz-Josef Selig (Fasolt), Günther Groissböck (Fafner), Mihoko Fujimura (Fricka), Camilla Nylund (Freia), Qiu Lin Zhang (Erda), Kirsten Blaise (Woglinde), Daniela Denschlag (Wellgunde), Annette Jahns (Flosshilde). | |
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