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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Concert de l'Arpeggiata, sous la direction de Christina Pluhar, avec la participation de la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, à la salle Gaveau, Paris.

La douleur enchantée de Luigi Rossi

Luigi Rossi renaîtra-t-il enfin sous les doigts de Christina Pluhar ? Respecté, influent à son époque, le compositeur romain peine en effet à regagner le devant de la scène, malgré les efforts discographiques d'un Jacobs, d'un Christie, ou d'un Curtis. La théorbiste autrichienne lui rend un hommage inspiré, entre enchantement et douleur du chant habité de Stéphanie d'Oustrac.
 

Salle Gaveau, Paris
Le 24/10/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Alors que l'opéra triomphe dans les théâtres publics vénitiens, Rome, berceau de son développement, ne rend pas les armes. Ainsi, en 1642, Luigi Rossi, au service du cardinal Antonio Barberini, compose Il Palazzo incantato di Antlante, sur un livret de Giulio Rospigliosi, futur pape Clément IX, d'après l'Orlando furioso de l'Arioste – spectacle éminemment fastueux, dont les sept heures de musique ne pourraient qu'effrayer l'époque moderne.

    Les extraits qu'en propose Christina Pluhar font pourtant apparaître la richesse de l'inspiration mélodique, comme la remarquable souplesse avec laquelle le compositeur fond l'arioso dans le récitatif, de l'hypnotique Vaghi rivi tiré du Prologue, querelle entre la Peinture, la Poésie et la Musique, résolue par la Magie, où l'intonation de Stéphanie d'Oustrac – mais quel velours, quel phrasé ! – se cherche encore, plafonne même, à l'explosion de fureur de Bradamante face à Ruggiero endormi au deuxième acte, qui révèle la nature tragique de la chanteuse, d'une identification totale à la langue comme au style, savourant chaque mot, variant la moindre inflexion, du murmure au cri, et d'une présence incandescente.

    Et l'Arpeggiata s'enflamme d'un véritable festival de couleurs, d'instrumentarium profus, de combinaisons inouïes – du psaltérion d'Elisabeth Seitz ou de la rare violetta de Paulina van Laarhoven –, auxquels Christina Pluhar donne du théorbe une impulsion diabolique, qui est sa signature même. Car dès lors que le clavecin, réduit à de pâles utilités, n'est plus le centre de gravité du continuo, la musique du seicento prend de flamboyantes libertés, vaste espace d'improvisation qui, dans le Ciaccona à deux violons de Cazzati, invite à la jouissance.

    Stéphanie d'Oustrac

    Mais le plus grand défi de Rossi est Paris, où Mazarin tente, durant la Régence, d'imposer la culture italienne. Alors que les Barberini, tombés en disgrâce, se réfugient en France, le cardinal invite le compositeur à renouer avec les fastes du Palazzo incantato romain, avec Orfeo, sur un livret de l'Abbé Buti, créé le 2 mars 1647 avec un succès phénoménal : une distribution prestigieuse dominée par le premier castrat jamais entendu à Paris, Atto Melani, et la machinerie spectaculaire de Torelli exaltent six heures de musique d'une étonnante variété, atteignant au sublime dans le lamento d'Euridice au deuxième acte où, telle l'Ottavia du Couronnement de Poppée, la nymphe refuse de changer de mari malgré l'insistance de Vénus, sous les traits d'une vieille femme, et de la Nourrice.

    À fleur de lèvres, à fleur de mots, à fleur de larmes, le chant de Stéphanie d'Oustrac bouleverse, à l'instar du dernier lamento d'Orfeo, Lasciate Averno, o pene. Le chant pianissimo, jusqu'à se crisper, se briser dans l'aigu le plus ténu, porté par un souffle fébrile, dit l'intimité qui lie la mezzo-soprano à chaque auditeur, suspendu à son regard, sa douleur, comme à chaque musicien, et aux sonorités hypnotiques de la viole, du lirone, quand les incertitudes techniques rendent les armes devant la profondeur de l'expression, du silence.

    Et si d'une ultime chaconne, la flamme rejaillit – une virtuosité portée à son comble, par la variété infinie des couleurs d'un ensemble où la personnalité de chacun se fait entendre –, le lamento d'Euridice, plus suspendu encore, livre dans un dernier souffle sa douleur à l'éternité.




    Salle Gaveau, Paris
    Le 24/10/2005
    Mehdi MAHDAVI

    Concert de l'Arpeggiata, sous la direction de Christina Pluhar, avec la participation de la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, à la salle Gaveau, Paris.
    La Lyra d'Orfeo
    Extraits d'opéras et de cantates de Luigi Rossi (1597-1653)

    Stéphanie d'Oustrac, mezzo-soprano
    L'Arpeggiata
    Mira Glodeanu, Veronika Skuplik, violons baroques
    Alessandro Tampieri, violon baroque, alto et guitare baroque
    Paulina van Laarhoven, lirone et violetta
    Christine Plubeau, Lucas Guimaraes Peres, violes de gambe
    Eero Palviainen, archiluth et guitare baroque
    Elisabeth Seitz, psaltérion
    Richard Myron, contrebasse et violone
    Elisabeth Geiger, orgue
    Francesco Turrisi, clavecin
    Christina Pluhar, théorbe et direction

     


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