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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Récital de Ludovic Tézier accompagné au piano par Robert Gonella au Théâtre du Châtelet, Paris.

Dieu que cette voix est belle !

Si la voix de Ludovic Tézier, ample, cuivrée, ductile, est admirable, son art du chant, noble et cultivé, l'est plus encore. De ligne comme de diction, son Wolfram, son Chorèbe, son Marcello même, sont en effet inégalables. C'est dire si son premier récital parisien était attendu. Mais de Schumann à Ravel, le baryton français s'est révélé trop chanteur, et pas assez poète.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 07/11/2005
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Que manque-t-il à Ludovic Tézier pour être le plus grand baryton de sa génération ? Pas la voix, assurément, superbe alliage de métal noble et de velours. Ni la ligne, instinctivement nourrie, héritée d'une tradition qu'il participe à faire renaître, cet art si singulier du chant français. Mais à l'opéra, souvent, les scrupules du musicien brident le personnage, d'autant que l'acteur se cherche encore, l'allure certes racée, mais le regard et le maintien un rien compassés.

    Le récitaliste souffre peu ou prou des mêmes défauts, accentués, peut-être, par la nudité de l'exercice. Mollement accoudé au piano, Tézier conserve toujours un œil rivé sur la partition, tandis que l'autre, qui resterait pour l'expression, semble tout à la beauté du son et à la régularité d'émission. A l'instar du personnage, le texte poétique ne parvient pas à s'animer, car avant tout chanteur, le baryton peine à en dérouler le sens. Non que la diction manque de clarté, bien au contraire, mais il faut dans les Amours du poète de Robert Schumann un art de la consonne autrement plus subtil, plus varié, que celui qui la projette au-dessus d'un orchestre wagnérien. D'autant que la nécessité vocale ordonne plus souvent les accents que les vers.

    Il est vrai que le piano de Robert Gonnella n'est jamais à la hauteur, simple accompagnateur plutôt qu'inspirateur, dans une oeuvre aussi instrumentale que vocale, interdisant tout dialogue. L'expression en devient systématique, composée, la légèreté anodine, et la douleur mélodramatique. Et si la voix se déploie généreusement, la ligne n'est pas exempte d'attaques peu franches, d'appuis sur la note inférieure trop lourds pour être de sensibles ports de voix. Ce grand Wolfram n'est décidément pas naturellement Liedersänger.

    Une approche de la mélodie trop uniment opératique

    Et le mélodiste convainc à peine plus. Si l'idiome reprend ses droits à partir de Je me suis embarqué, la mer est infinie débute l'Horizon chimérique d'une diction étrangement confuse. Surtout, le baryton français donne à la mélodie une dimension trop uniment opératique, où la beauté du son prime sur le naturel de la langue. Ainsi, la richesse proprement ensorceleuse du timbre et de la palette dynamique appelle dans Diane, Séléné un piano moins atone, un orchestre même, tandis que la ligne des Vaisseaux se pare d'un lyrisme grisant.

    Mais les Duparc restent curieusement courts de legato et de souffle, comme dépassés par un format qui s'héroïse. D'un rubato complaisant, Tézier étire à l'infini des piani superbes, mais presque vains, tant les mystères de Baudelaire et de Lahor lui semblent étrangers, alors qu'un Stéphane Degout, d'un matériau certes moins riche, sait les percer et y livrer son âme.

    Irréprochable est en revanche Don Quichotte à Dulcinée de Ravel, enlevé avec une santé, un panache, et même une concentration inespérée dans la Chanson épique. Néanmoins, l'art demeure avant tout vocal, et la dimension onirique, la folie douce du Chevalier de la longue figure, l'esprit en somme, n'y affleurent guère.

    Ludovic Tézier n'est décidément pas poète, mais Dieu que la voix est belle !




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 07/11/2005
    Mehdi MAHDAVI

    Récital de Ludovic Tézier accompagné au piano par Robert Gonella au Théâtre du Châtelet, Paris.
    Robert Schumann (1810-1856)
    Dichterliebe, op. 48 (1840)

    Gabriel Fauré (1845-1924)
    L'Horizon chimérique, op. 118 (1921)

    Henri Duparc (1848-1933)
    L'Invitation au voyage (1870-1871)
    Extase (1874)
    La Vie antérieure (1876-1884)

    Maurice Ravel (1875-1937)
    Don Quichotte à Dulcinée (1932-1933)

    Ludovic Tézier, baryton
    Robert Gonnella, piano

     


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