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CRITIQUES DE CONCERTS 23 avril 2024

Soirée de gala du Théâtre Mariinski avec l'Orchestre du Théâtre Mariinski sous la direction de Pierre Boulez et de Valery Gergiev à l'Opéra de Paris.

Avantage à la Russie
© Eric Mahoudeau

En premier partie d'un gala consacré aux Joyaux de Balanchine, Gerard Mortier avait tenu à rendre hommage à la création parisienne de Boris Godounov à Garnier en 1908 en confiant les rênes de l'Orchestre du Théâtre Mariinski au tandem Boulez-Gergiev. Rencontre inattendue et confrontation passionnante pour deux cultures que tout oppose.
 

Palais Garnier, Paris
Le 06/11/2005
Benjamin GRENARD
 



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  • Qui mieux que Boulez et Gergiev pouvait représenter les musiques française et russe ? En choisissant deux personnalités on ne peut plus emblématiques, Gerard Mortier offre au public parisien la quintessence de la direction d'orchestre de ces deux cultures. Deux personnalités bien trempées, deux styles fondamentalement opposés, avec comme trait d'union de cette improbable rencontre l'Orchestre du Théâtre Mariinski et le Palais Garnier.

    Boulez d'abord, maître des lectures analytiques, mais aussi poète de la sonorité. Cette soirée est le premier contact du chef avec un orchestre aux antipodes de l'esthétique française, un joyau aux couleurs bigarrées, tranchantes, presque sauvages. Aurait-on jamais imaginé Boulez diriger des trompettes au timbre appuyé, aussi puissant que pincé ? La Mer de Debussy, assimilant la transparence du chef français et les timbres bruts de la phalange russe, devient l'alliage inattendu et curieux de cette singulière rencontre.

    Le résultat est contrasté. De l'aube à midi sur la mer surprend par son épaisseur et une justesse parfois défaillante. Malgré une direction livrant un beau travail de relief et de dosage, l'ensemble manque de souplesse ; la matière debussyste reste engourdie. Le terrain est plus favorable dans Jeux de vagues, où Boulez défend un Debussy plus coloriste que poétique. Et si Dialogues du vent et de la mer étonne encore par sa consistance, tant la masse est une chose peu coutumière chez Boulez, force est néanmoins de constater que cette alchimie de transparence et d'épaisseur fait son effet, même s'il faut reconnaître que cette rencontre de première fraîcheur n'aura pas suffi à sceller un apprivoisement respectif.

    © Eric Mahoudeau

    Surgit ensuite Gergiev, dont les approches régulièrement plus « terroristes Â» témoignent d'une griffe implacable. Dans la continuité des Mravinski, Richter et Oïstrakh et d'une époque où les valeurs humaines sont prêtes à être englouties à tout moment dans l'abîme des cercles concentrationnaires, le démiurge russe livre un Roméo et Juliette survolté, proprement tellurique, avec un orchestre chauffé à blanc.

    La comparaison avec Boulez suscite alors un étonnant constat. Malgré la gestique analytique du maître français, celle cabalistique et fanfaronne de Gergiev apprivoise totalement la pâte sonore du Mariinski. En résulte un son constamment habité par une tension rendant l'orchestre plus ductile et, plus étonnant encore, plus irréprochable de mise en place. Ce Roméo et Juliette exécuté d'un seul souffle est mené par des tempi dont l'urgence laisse à peine le temps de respirer : là où Boulez pense de manière séquentielle, Gergiev conduit l'ensemble d'une seule bourrasque.

    Mais si cette vision à la russe, littéralement hallucinée et trempée dans l'acier aura ce soir plus convaincu que la subtile poésie du génie français, il faut dire que le jeu, d'un bois essentiellement slave, n'aura pas été de toute équité pour Boulez. On ne dompte pas les Slaves si facilement.







    Danse :
    Gergiev hisse ses étoiles au firmament


    Il y a quatre-vingt-dix-huit ans, Serge de Diaghilev installait à l'Opéra de Paris la troupe du Mariinski de Saint-Pétersbourg. Ce fut le début des célèbres Ballets russes. L'habitude fut tôt prise d'associer concerts symphoniques et pièces chorégraphiques dans une même soirée.

    L'Opéra de Paris vient de renouer avec cette tradition en mélangeant au même programme du Mariinski deux poèmes symphoniques et deux ballets. Dans le Paris de 2005, voilà qui déroute des spectacteurs moins curieux que leurs arrière-grands-parents.

    Aujourd'hui, le public se divise en amateurs de danse et amateurs de musique qui se croisent rarement. C'etait donc dimanche dernier l'occasion de les réunir. Cela ne devrait pas rester un événement unique : la collaboration entre le Mariinski et son chef Valery Gergiev avec l'Opéra devrait devenir dans le futur encore plus étroite et donner lieu à bien d'autres manifestations de ce type.

    Gala prestigieux que celui de dimanche avec dans la salle à peu près tout ce que Moscou et Paris comptent de mécènes en admiration devant le renouveau de la saison russe et l'amalgame toujours réussi de danseurs français et russes. L'Opéra Garnier est, comme son nom l'indique, une salle lyrique et non de concert. On s'en rend compte à chaque fois qu'un orchestre monte sur la scène : trous acoustiques, sonorités qui se perdent ou tourbillonnent.

    En revanche, c'est merveille quand l'orchestre se retrouve en fosse : les sonorités s'y épanouissent nettement plus. Ce n'est pas le même Tchaïkovski que l'on entend quand l'orchestre joue sur scène Roméo et Juliette et quand il interprète dans la fosse la 3e symphonie qui accompagne le ballet Diamants.

    Même direction endiablée, énergique et romantique de Valery Gergiev mais quelle suavité de couleurs quand l'orchestre est sous la scène. Les deux ballets extraits de Joyaux de Balanchine, Rubis et Diamants, entrés pour le premier au répertoire de l'Opéra en 1974 et pour le second en 2000, ont été relookés pour le décor et les costumes par le couturier Christian Lacroix.

    Les danseurs de l'Opéra accueillaient deux ballerines exceptionnelles du Mariinski. Dans Rubis, sur le Capriccio pour piano et orchestre de Stravinski, les solistes Marie-Agnès Gillot et Emmanuel Thibault étaient accompagnés de Diana Vishneva, bien connue à Paris puisqu'elle y a dansé dans Don Quichotte et l'Histoire de Manon. Sourire malicieux, l'espièglerie jusqu'au bout des doigts, c'est un festival de fantaisie qu'elle déploie. Dans Diamants, la star du Mariinski, Ulyana Lopatkina, montre elle aussi une virtuosité, une élégance, une beauté à faire pâlir son partenaire Jean-Guillaume Bart, figé dans un classicisme sans inspiration.

    Les deux étoiles féminines du Mariinski soulignent la supériorité de l'école russe de danse dans tout ce qui concerne les mouvements du haut du corps : les ondulations des bras de la Lopatkina sont aujourd'hui sans égal. Sans doute l'école française est-elle meilleure dans les jeux de jambes ? La collaboration entre les deux ballets doit se poursuivre. On échange les étoiles. Ne pourrait-on pas échanger aussi un peu les professeurs ?


    Nicole DUAULT






    Palais Garnier, Paris
    Le 06/11/2005
    Benjamin GRENARD

    Soirée de gala du Théâtre Mariinski avec l'Orchestre du Théâtre Mariinski sous la direction de Pierre Boulez et de Valery Gergiev à l'Opéra de Paris.
    Claude Debussy (1862-1918)
    La Mer, trois esquisses symphoniques (1905)

    Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893)
    Roméo et Juliette, ouverture fantaisie (1869)

    Orchestre du Théâtre Mariinski
    direction : Pierre Boulez et Valery Gergiev

     


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