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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Création de The Temptation of Saint Anthony de Bernice Johnson Reagon et Robert Wilson au Palais Garnier, Paris.
Mariage réussi
Il fallait oser ce mariage entre un texte de Flaubert et la musique afro-américaine, dans un spectacle conçu par Robert Wilson. C'est là tout le défi de la série Frontières inaugurée à l'Opéra de Paris depuis l'arrivée de Gerard Mortier. Et c'est une réussite, tant du point de vue théâtral que musical.
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Les protagonistes de cette Temptation of Saint Anthony l'avait d'emblée annoncé : il ne s'agissait absolument pas d'une tentative de représentation au premier degré du texte de Flaubert, mais d'un spectacle s'en inspirant. La magnifique musicienne et chanteuse Bernice Johson Reagon a regroupé en sept tableaux ce qui lui a semblé essentiel dans le texte original, ou plutôt ce que l'essentiel du texte original lui a inspiré. Elle s'en éloigne, s'en rapproche, s'en éloigne à nouveau, en un savant voyage qui ne paraît jamais gratuit ni hors de propos. C'est subjectif sans que l'on puisse parler de trahison tant cette démarche est menée avec intelligence et avec art.
Et l'on est bien là au coeur de la réussite d'une telle entreprise : tout devient possible quand le vrai talent est là , quand les protagonistes allient technique, inspiration, personnalité, originalité, sincérité et total professionnalisme. La musique est belle, les voix sont belles, les chanteurs-acteurs jouent bien, on entre tout de suite dans le jeu qu'ils nous proposent car tout ce qu'ils font et disent ou chantent nous touche. Nous sommes bien sûr en pleine culture afro-américaine, avec ce tonifiant mélange de foi simple et imagée et de capacité à élever l'âme et l'esprit, mais ici, on n'en fait pas trop. Juste ce qu'il faut dans le geste, le mouvement ou l'expression individuelle ou collective de la voix.
Et c'est là qu'intervient l'art de Robert Wilson qui trouve un terrain lui convenant on ne peut mieux. Juste assez figuratif, juste assez abstrait, son décor est déjà une sorte de petit chef-d'oeuvre, image un peu palladienne d'un monde entre ciel et terre, entre chair et esprit. Dans un style graphique différent, on pourrait presque songer à certaines représentations des primitifs italiens ou flamands, quand le drame religieux se déroule sous le regard des choristes bien rangés en ligne de chaque côté de la scène comme les bienheureux ou les anges sur tant de tableaux ou de triptyques. Les éclairages jouent un rôle prépondérant dans le langage scénique de Wilson et ils sont ici d'une adéquation et d'une efficacité parfaites. Mais surtout, l'ensemble reste d'une lisibilité et d'un clarté rassurantes, car Robert Wilson est familier de ces musiques et de la civilisation dont elles sont issues. Il n'en est pas à sa première réussite en ce domaine.
Un vrai et pur plaisir de théâtre et de musique donc, qui a bien sa place dans ces Frontières initiées par Gerard Mortier à l'Opéra de Paris, une fois admis, bien entendu, que ce type de spectacle relève de la mission d'un tel théâtre. Nous sommes souvent frileux, en France, dès qu'il s'agit de changement. Tâchons, au moins en matière artistique, de ne pas dormir sur nos acquis et nos certitudes.
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Palais Garnier, Paris Le 24/11/2005 GĂ©rard MANNONI |
| Création de The Temptation of Saint Anthony de Bernice Johnson Reagon et Robert Wilson au Palais Garnier, Paris. | The Temptation of Saint Anthony, théâtre musical (2003)
Livret de Bernice Johnson Reagon inspiré par la Tentation de Saint Antoine de Gustave Flaubert
En langue anglaise
musique et livret : Bernice Johnson Reagon
mise en scène, décors et conception des lumières : Robert Wilson
costumes : Geoffrey Holder
Ă©clairages : A. J. Weissbard
son : Peter Cerone
Toshi Reagon, guitare et voix
Judith Casselberry, guitare et voix
Adam Widoff, guitare Ă©lectrique
Fred Cash Jr., basse
Robert Burke, batterie
Annette A. Aguilar, percussion
Avec :
Carl Hancock Ruz (Saint Antoine), Helga Davis (Hilarion), Stephanie Battle (déesse du feu), Bukanla (Prêtresse de la déesse serpent), Aleta Hayes (Satan / Débat sur la nature du Christ), Darrin Frisby (Tertullian), Marcelle Davies-Lashey (la Reine de Saba / Déesse de l'eau), A. Kismet Lyles (Déesse de la terre / Suivante de la Reine de Saba), Gloria McNeal (Orateur du débat sur la nature de l'univers), Conrad Neblett (Prêtre de la Déesse serpent / Orateur du débat sur la nature de l'univers), Josette Newsam (Orateur du débat sur la nature de l'univers), Jason Walker (Brahmane), Charles Williams (Ebonite), Leonard Wooldridge (Adonis), Christalyn E. Wright (Déesse serpent). | |
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