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CRITIQUES DE CONCERTS 19 avril 2024

Récital du pianiste Evgueni Kissin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

La planète Kissin
© Bette Marshall

Toujours semblable à un extraterrestre, mais en plus souriant, Evgueni Kissin est passé parmi nous rappeler qu'on peut avoir été un enfant prodige et rester, à trente-quatre ans, un pianiste prodigieux. Un phénomène unique en son genre, dans un récital Beethoven-Chopin des plus ébouriffants au Théâtre des Champs-Élysées de Paris.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 01/02/2006
Gérard MANNONI
 



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  • Personne ne joue du piano comme Evgueni Kissin, c'est incontestable. Difficile, d'ailleurs, de dire exactement ce qu'il a de plus que les autres, ou plutôt ce qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre. Il y a la virtuosité, bien sûr, toujours aussi impressionnante, mais il n'est pas le seul à jouer plus vite que son ombre. Un Berezovsky par exemple, ou même un Yundi Li dans la toute dernière génération, peuvent aussi survoler les pires difficultés avec une aisance digitale déconcertante.

    Ce qui fascine peut-être le plus chez Kissin, c'est la manière parfaitement originale qu'il a d'aborder chaque partition très exactement selon ses idées personnelles, comme s'il était le premier à la jouer, comme s'il n'y avait aucune tradition, aucune école, aucune référence. Cela ne veut pas dire qu'il se comporte en iconoclaste. Bien au contraire. L'essentiel de son talent réside sans doute dans cet instinct qui lui fait trouver dans chaque oeuvre ce que nul autre n'y avait vu, mais qui s'y trouve pourtant bien.

    Alors, on découvre que la 3e sonate en ut majeur de Beethoven, si chère aux pianistes amateurs ou débutants, est une page complexe, parfois violente, pleine de contrastes, et d'un exécution fort périlleuse si on veut lui donner du nerf et des couleurs. On apprend aussi que la 26e sonate, intitulée les Adieux, est tout autre chose qu'une musique à programme illustrant le départ, l'absence et le retour de l'Archiduc Rodolphe, même si Beethoven a fait semblant d'y croire. Elle nous entraîne bien au-delà, sur les chemins des tourments les plus bouillonnants du romantisme germanique en plein essor. Un rien de brutalité en trop ? On ne pourra le nier, mais il est compensé par tant d'autres richesses !

    Quant aux Quatre scherzi de Chopin, il faut d'abord avoir le courage de les dérouler à la suite. Et puis, il faut pouvoir, tout souci technique oublié, se laisser emporter par leurs chants, leurs fureurs, leurs angoisses, leurs moments de répit où l'on admire l'élégance de l'écriture avant de repartir dans des rêves fous. La manière dont Kissin fait chanter tout cela, quelle que soit la quantité de notes jouées à la minute, est réellement bouleversante.

    Et pourtant, ces pages comptent parmi les plus galvaudées, les plus souvent proposées aux concours. Elles nous tournent dans la tête sous forme d'interprétations virtuelles idéales où nous fusionnons inconsciemment ce que nous avons entendu de mieux au fil des ans. Eh bien là, elles nous emportent comme une première fois. Pierre Boulez, dit-on, déclara avoir découvert ses sonates pour piano le jour où il les entendit jouées par Maurizio Pollini. Gageons de même que Chopin découvrirait bien de ses oeuvres sous les doigts et sur la planète d'Evgueni Kissin.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 01/02/2006
    Gérard MANNONI

    Récital du pianiste Evgueni Kissin au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Beethoven, Chopin
    Evgueni Kissin, piano

     


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