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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 octobre 2024 |
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Nouvelle production de l'Élixir d'amour de Donizetti dans la mise en scène d'Omar Porras et sous la direction de Sébastien Rouland à l'Opéra de Nancy.
Le philtre Porras enivre Nancy
Un vrai philtre de jouvence que cet Élixir nancéen, qui a enivré une salle comble où, aux applaudissements d'un public traditionnel se mêlaient, bien plus surprenantes, les acclamations déchaînées d'une centaine d'ados, installés au paradis. Et on les comprend tant cette production tranche sur les habitudes des scènes lyriques.
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Belle idée de Laurent Spielmann, directeur de l'Opéra de Nancy et de Lorraine, d'avoir confié la nouvelle production de l'Elixir d'amour à Omar Porras. Metteur en scène, chorégraphe et acteur d'origine bolivienne, installé à Genève, Porras signe sa première mise en scène d'opéra. Il apporte un imaginaire, une fantasmagorie baroque, un éclat et un humour inusités. Bien connu des spectateurs de théâtre, à la tête de sa compagnie le Malandro composée autant d'acteurs que de danseurs et de funambules, Porras pioche généralement aussi bien dans la Commedia dell'arte que dans les arts de la rue, les théâtres balinais et indien. Ses Bacchantes, son Don Quichotte et sa Visite de la vieille dame ont réjoui le public du Théâtre de la Ville, à Paris, par la couleur, l'exubérance et surtout une drôlerie mêlée de profondeur dramatique.
Sarcastique, parfois grimaçant jusqu'à la caricature, Porras sait faire émerger au milieu de mille contorsions cette pointe d'émotion qui touche au coeur. Dans cet Élixir, où le genre buffa s'allie au romantisme, il crée un univers bucolique d'une nature luxuriante, pleine de fleurs gigantesques et d'arbres qui semblent jaillir de contes enfantins. Visages masqués, les personnages ressemblent à un peuple de faunes et de nymphes, de lutins et de fantômes. Ils jouent une comédie pastorale qui tient de la fable. Le plus joli moment est le duo d'amour de Nemorino et Adina où le jeune benêt soupire et y va de sa Furtiva lagrima juché entre les hautes branches d'un arbre de bande dessinée.
L'Orchestre de Lorraine est dirigé par l'un des poulains de Marc Minkowski, le brillant et pudique Sébastien Rouland (33 ans). Celui-ci, de concerts en opéras, s'épanouit comme l'un des chefs les plus convaincants de sa génération. Il ne se prend pas au sérieux et sert l'oeuvre, simplement. On sent dans sa direction une ironie qui se marie admirablement avec la mise en scène.
Ceux qui se souviennent, au début des années 1980, de Pavarotti en Nemorimo dans un Palais Garnier pris d'assaut vingt-quatre heures à l'avance par les fans du tenorissimo en attente de performance vocale, seraient ce soir sans doute déçus. Le dernier bel canto n'est plus ce qu'il était. Et on a envie d'applaudir. Car ce n'est plus un numéro de haute voltige musicale que le public attend désormais, mais une belle musique servie par des interprètes crédibles.
De véritables acteurs de théâtre
Ici, les chanteurs ont l'âge de leur rôle. Ils s'amusent autant que nous, jouent la comédie comme de vrais acteurs de théâtre. Virevoltant, grimpant tel un gymnaste dans son arbre-refuge, venant saluer au final en faisant la roue, le Turc Soner Bülent Bezdüz n'est pas seulement un excellent comédien dans le rôle d'un idiot-intelligent du village, le sot et beau Nemorino. Sa voix, bien qu'un peu faible, est lumineuse et on peut parier sur un épanouissement solaire dans le futur.
Virtuose vocaliste, la soprano kazakhe Maïra Kerey est elle aussi un talent prometteur de merveilles quand elle aura su mieux modeler l'émission de sa voix ravissante. Autour d'eux, le baryton Nigel Smith (Belcore), issu du Centre de formation de l'Opéra de Paris, comme la basse Till Fechner (le docteur Dulcamara) : deux excellents chanteurs que l'on rencontre si souvent dans les productions en région et qui méritent une vraie reconnaissance.
Cette délicieuse production qui rompt avec tant de fatuités parisiennes va faire le tour de plusieurs opéras, Caen, Rennes et Reims. Quant à Porras, on attend sa mise en scène du Barbier de Séville de Paisello à la Monnaie dans quelques semaines. Jean-Marie Blanchard, directeur de l'Opéra de Genève, a déjà commandé à Porras une Flûte enchantée de Mozart pour 2008. À Nancy, un metteur en scène d'opéra est né !
Théâtre de Caen les 7 et 9 avril
Opéra de Rennes les 17, 19 et 21 mai
Grand Théâtre de Reims les 4 et 6 juin
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Opéra, Nancy Le 03/02/2006 Nicole DUAULT |
| Nouvelle production de l'Élixir d'amour de Donizetti dans la mise en scène d'Omar Porras et sous la direction de Sébastien Rouland à l'Opéra de Nancy. | Gaetano Donizetti (1797-1848)
L'Elixir d'amour, melodramma giocoso en trois actes
Choeur de l'Opéra de Nancy et de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
direction : SĂ©bastien Rouland
mise en scène, chorégraphie : Omar Porras
décors et masques : Fredy Porras
costumes : Coralie Sanvoisin
Ă©clairages : Mathias Roche
Avec :
Maïra Kerey (Adina), Soner Bülent Bezdüz (Nemorino), Nigel Smith (Belcore), Till Fechner (le docteur Dulcamara), Laure Baert (Giannnetta). Et les danseurs Solane Caillat, Veronica Endo Olascuaga, Karine Girard, Linda Gonin, Isabelle Terracher, Romano Bottinelli, Jérémie Duval, Serge Helias, Esteban Pena Villagran, Michaël Vessereau. | |
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