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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 octobre 2024 |
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Le Bourgeois gentilhomme de Lully mis en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de Vincent Dumestre au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Monsieur Dumestre fait de la comédie
Vous pensiez tout connaître du Bourgeois Gentilhomme, sa prose et son mamamouchi, tarte à la crème des classes de troisième ? Eh bien pas du tout, à moins d'avoir croisé la production singulièrement dépoussiérée que Vincent Dumestre et son Poème Harmonique ont montée en 2004 et qui, au cours d'une tournée triomphale, fait halte au Théâtre des Champs-Élysées.
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Entièrement éclairée de quatre cents bougies, dite selon les règles de la déclamation baroque remises en vigueur par Eugène Green (dont le metteur en scène Benjamin Lazar a été le disciple), prononcée face au public et accompagnée d'une gestuelle rigoureuse, la comédie-ballet retrouve la fraîcheur qui avait tellement plu au souverain Louis XIV, pour qui elle avait été créée en 1670 par les « deux Baptiste » – Molière et Lully. Le Roi-Soleil avait du reste demandé à la revoir une demi-douzaine de fois avant qu'elle ne soit reprise à Paris avec un immense succès. C'est ainsi que, pour la première fois depuis trois cents ans, on peut redécouvrir la pièce dans sa fragile beauté de chef-d'oeuvre composite.
Dans ce dialogue des arts, musique, danse et théâtre se donnent à voir les miroitements caractéristiques de l'âge baroque, toujours sur le fil entre le sublime et le ridicule, entre la farce et le tragique, entre le beau et le dérisoire. L'innocence et le regard stupéfait sur ses contemporains d'un Monsieur Jourdain en constant ahurissement forment le fil conducteur de la pièce, entre rire et réflexion plus profonde sur le sens des passions.
L'orchestre baroque du Poème Harmonique, soutenu par les forces de l'ensemble tchèque Musica Florea, de même que l'ensemble de chanteurs, tous placés sous la direction de Vincent Dumestre, rendent scrupuleusement justice à la musique de Lully, mais soutiennent aussi la partie chorégraphique confiée au talent de Cécile Roussat. Celle-ci, spécialiste de danse baroque, ne recherche pas la reconstitution littérale et spectaculaire, à l'instar par exemple de ce qu'avait réalisé, en 1990, une Francine Lancelot pour le Malade imaginaire monté par Jean-Marie Villégier et William Christie.
En effet, en l'absence de documents précis, la jeune chorégraphe reste proche du XVIIe siècle par l'esthétique et le vocabulaire gestuel qu'elle emploie, mais elle insuffle aussi à la danse de théâtre une réelle modernité fondée sur une vision personnelle, toute cousue de rêve et de fantaisie, et loin des grands déploiements virtuoses de la danse classique. Ainsi, les divertissements dansés comme le ballet final de l'Harmonie des nations se tiennent à la frontière du mime, de la Belle-danse et de la Commedia dell'arte, donnant vie aux rêves de ce grand enfant que reste monsieur Jourdain.
Alors, comme ce dernier faisait de la prose, ainsi monsieur Dumestre fait de la comédie, avec sérieux et émerveillement mêlés.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 03/03/2006 Anne-Béatrice MULLER |
| Le Bourgeois gentilhomme de Lully mis en scène par Benjamin Lazar et sous la direction de Vincent Dumestre au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Jean-Baptiste Lully (1632-1687)
Le Bourgeois Gentilhomme, comédie-ballet en cinq actes LWV 43 (1670)
Pièce de Molière
Le Poème Harmonique
Ensemble Musica Florea (Marek Stryncl)
direction : Vincent Dumestre
mise en scène : Benjamin Lazar
chorégraphie : Cécile Roussat
costumes : Alain Blanchot
scénographie : Adeline Caron
éclairages : Christophe Naillet
Avec les chanteurs : Anne Magouët, François-Nicolas Geslot, Serge Goubioud, Lisandro Nesis, Arnaud Marzorati, Emmanuel Vistorky, Arnaud Richard ;
les comédiens : Anne-Guersande Ledoux, Louise Moaty, Alexandra Rübner, Lorenzo Charoy, Benjamin Lazar, Julien Lubek, Olivier Martin-Salvan, Jean-Denis Monory, Nicolas Vial ;
et les danseurs : Caroline Ducrest, Cécile Roussat, Flora Sans, Gudrun Skamletz, Akiko Veaux, Julien Lubek. | |
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