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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Création française, à l'Opéra national de Lyon, de Faustus, la dernière nuit de Pascal Dusapin dans la mise en scène de Peter Mussbach et sous la direction de Jonathan Stockhammer.

Une damnation sans Marguerite
© Alain Franchella & Bernard Stofleth

Entre la Staatsoper de Berlin, où il fut créé voila deux mois et le Châtelet à Paris en novembre 2006, Faustus, cinquième opéra de Pascal Dusapin, fait escale à l'Opéra de Lyon. Salle au trois quart pleine, applaudissements chétifs, la musique du surdoué et prolixe compositeur français aurait mérité plus d'enthousiasme en ce dimanche après-midi lyonnais.
 

Opéra national, Lyon
Le 12/03/2006
Nicole DUAULT
 



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  • Merveilleusement écrite, en phase avec les voix, la musique de Faustus, la dernière nuit est à la fois monochrome et contrastée, fluide et sobre. Si elle respire la séduction du diable, le livret anglais est bavard et encombré de références philosophiques, aussi pesantes que la mise en scène de Peter Mussbach, directeur artistique de la Staatsoper avec lequel Dusapin avait déjà collaboré pour son précédent opéra, créé à la Bastille en 2003, Perelà, l'homme de fumée.

    Ne cherchons pas Marguerite ! Dans l'histoire de Faust, Dusapin a zappé cet épisode. Il s'est d'ailleurs servi pour son conte musical du texte du dramaturge anglais Christopher Marlowe, antérieur de deux siècles à celui de Goethe. Il le truffe d'évocations littéraires et de personnages romanesques. De la Bible à Flaubert, on s'y perd ! Sly, l'alcoolo (Robert Wörle) vient tout droit de la Mégère apprivoisée de Shakespeare, contemporain de Marlowe. Quant à Togod (Jaco Huijpen), c'est l'anagramme de Godot. La seule soprano de l'opéra (magnifique Caroline Stein) est un ange déchu et aveugle qui perd ses ailes, se métamorphose en star, évidemment sophistiquée, et tente de mettre en garde Faust.

    Les personnages évoluent sur un immense cadran d'horloge, posé en oblique, qui rappelle étrangement celui que Willy Decker avait réservé à Salzbourg pour la Traviata l'été dernier. Faust (Georg Nigl) est sur l'aiguille des minutes ; Méphisto (Urban Malmberg) sur celle des heures. Ils ont le même crâne rasé, le même costume noir trop large, le même visage blafard de clown triste. Les aiguilles avancent inexorablement. Dans ce décor en noir et blanc, Faust s'accroche aux aiguilles, essayant de retarder l'inéluctable. Il interroge Méphisto, l'assaille de ses obsessions : la lumière, la quête du savoir.

    © Alain Franchella & Bernard Stofleth

    Le dialogue que viennent interrompre les personnages secondaires se révèle une joute verbale. Et dans cette dernière nuit, du crépuscule à l'aube, dans l'attente d'une apocalypse, Faust se cherche. Il sait qu'il est damné. Entre les lamentations de l'ange et l'hilarité moqueuse de Méphisto, il cherche à comprendre l'agencement du monde et la cohérence voulue par ce He qu'il n'ose pas appeler Dieu. Il pose des questions dont il ne connaîtra jamais les réponses. À ses suppliques, une seule phrase qui nous renvoie à l'aphorisme du Bartleby de Melville : « Je préférerai ne pas ». Les aiguilles de l'horloge avancent ou reculent jusqu'à ce que le héros soit broyé dans un robot-mixeur. Que reste-t-il du monde? Le néant. Plus pessimiste, on meurt !

    Dans cet opéra, qui ressemble plus à un oratorio de chambre dont il a la finesse qu'à une grande oeuvre lyrique, la musique, intense, expressive, donne des couleurs à tout ce noir et blanc qu'on aimerait moins figé, plus animé, moins conforme aux principes de mise en scène du théâtre allemand traditionnel. Dusapin met en évidence une puissance sonore qui exploite les tréfonds de l'univers et de l'âme humaine.

    Pendant une heure trente, il nous plonge dans la noirceur. Sa musique d'une sensible et sobre intensité nous tient en permanence en haleine. Un regret ? La mauvaise diction des chanteurs qui, dans un texte compliqué, oblige sans cesse à se référer aux surtitres. Un rêve ? Que pour son prochain opéra, Dusapin trouve un librettiste qui simplifie, synthétise son discours théorique. Les plus belles histoires sont les plus claires.




    Opéra national, Lyon
    Le 12/03/2006
    Nicole DUAULT

    Création française, à l'Opéra national de Lyon, de Faustus, la dernière nuit de Pascal Dusapin dans la mise en scène de Peter Mussbach et sous la direction de Jonathan Stockhammer.
    Pascal Dusapin (*1955)
    Faustus, the last night, opéra en une nuit et onze numéros (2006)
    Livret du compositeur d'après la Tragique Histoire du Docteur Faust de Christopher Marlowe (1588)
    En langue anglaise

    Orchestre de l'Opéra de Lyon
    direction : Jonathan Stockhammer
    mise en scène : Peter Mussbach
    décors : Michael Elmgreen et Ingar Dragset
    costumes : Andrea Schmidt-Futterer
    éclairages : Sven Hogref

    Avec :
    Georg Nigl (Faust), Urban Malmberg (Mefistophélès), Robert Wörle (Sly), Jaco Huijen (Togod), Caroline Stein (l'Ange).

     


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