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CRITIQUES DE CONCERTS |
12 octobre 2024 |
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Concert de l'Orchestre national de France sous la direction de Sir Colin Davis, avec la participation de la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Trous noirs
Soirée très attendue du National avec la venue de Sir Colin Davis. Après des Nuits d'été copieusement altérées par une Antonacci ni en voix ni en style, les Planètes de Holst offrent quelques surprises, dont celle, mauvaise, d'abandonner le Pluton de Colin Matthews annoncé dans le programme. Un concert victime de quelques trous noirs.
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Grand défenseur de Berlioz tant au disque qu'au concert, Sir Colin Davis reste à ce jour parmi les tous meilleurs accompagnateurs des Nuits d'été, dont la battue souple et élégante n'a rien à envier aux philologiques Gardiner et Norrington. Geste large, respiration ample mais textures soignées et chambristes, ce Berlioz classique n'a pas pris une ride. Quel dommage qu'Anna Caterina Antonacci n'ait pas su mieux se glisser dans pareil écrin !
Est-on à notre époque à ce point en manque d'icônes pour réserver une ovation à une artiste dont seule la présence physique sait ce soir captiver ? Car chez l'Italienne, a priori dans la fleur de l'âge de l'épanouissement vocal, la voix bouge comme au terme d'une carrière chaotique : émission instable, affligée d'un pénible vibrato irrégulier, altérant la qualité du timbre comme l'intonation ; sons poitrinés très haut dans la tessiture, aux effets douteux – le Spectre de la rose – ; aigus difficiles – l'Île inconnue – ; souffle constamment court – Sur les lagunes, Absence – ; apathie rythmique – Villanelle.
Plus grave, l'exercice, en termes de style, vire à l'égarement, avec des envolées de grand lyrique puccinien en quête de sensations fortes, des attaques par en-dessous à n'en plus finir, complètement étrangères à l'univers de la mélodie. Et pour une berliozienne de cette trempe – ou vendue comme tel après sa Cassandre du Châtelet –, une incompréhensible incapacité à chanter de mémoire un cycle célébrissime, et un français largement perfectible, dont les voyelles demeurent indistinctes au-dessus du mezzo-forte.
Déception qu'effacera sans trop de peine une seconde partie de concert plus aboutie quoique émaillée d'incidents. Assez rare dans les salles françaises, la suite symphonique les Planètes de Gustav Holst demeure l'un des plus grands tubes de la musique anglaise. Loin de toute déferlante de décibels, Sir Colin couvre la pièce de toutes les attentions que mérite un chef-d'oeuvre. Ce qu'elles gagnent en subtilité, en raffinement dans les alliages instrumentaux, les Planètes le perdent en électricité et en impact physique du son.
Caractère hymnique sans pompe excessive
Le plus beau moment demeure Jupiter, à la jovialité rassérénante, à la solennité mesurée, avec un hymne central très chanté, à la belle vitesse d'archet, à la balance cordes-cors idéale, débarrassant la section de toute pompe excessive. On restera aussi sur une Vénus hypnotique, prenant le temps de faire scintiller son orchestration ravélienne, et sur un Saturne inquiétant, au crescendo central assez bien conduit.
En revanche, Mercure manque de ce côté Scherzo de la Reine Mab qui en fait une page de virtuosité pointilliste, Uranus d'élan, avec sa retenue excessive et ses tutti trop enrobés, Neptune de synchronisation avec le choeur de femmes en coulisses, malgré une conception frémissante pour le moins originale, aux irisations instrumentales loin de tout mysticisme. Et si Mars, nerveux, vif de tempo, aux triolets toujours soutenus, affiche une belle puissance, on y a déjà entendu trombones nettement plus démoniaques dans la reprise fff du motif principal.
On aura noté ce soir un National parfois fébrile dans ses solos – le Heckelphone, le cor – et dans ses attaques de cuivres. Mais surtout, que penser de l'éclipse de Pluton – génial ajout de Colin Matthews à une oeuvre écrite avant la découverte de la neuvième planète – pourtant annoncé dans le programme et sans doute lui aussi happé par un trou noir ?
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 23/03/2006 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre national de France sous la direction de Sir Colin Davis, avec la participation de la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Hector Berlioz (1803-1869)
Les Nuits d'été, six mélodies sur des poèmes de Théophile Gautier, op. 7 (1841-56)
Anna Caterina Antonacci, mezzo-soprano
Gustav Holst (1874-1934)
Les Planètes, suite pour orchestre op. 32 (1918)
Choeur de femmes de Radio France
direction : Ken-David Masur
Orchestre national de France
direction : Sir Colin Davis | |
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