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CRITIQUES DE CONCERTS 19 mars 2024

Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart mise en scène par Adrian Noble sous la direction de William Christie à l'Opéra de Lyon.

Sitcom estivale
© Michel Cavalca

Les productions de Così se suivent et ne se ressemblent pas : après la vision désabusée de Chéreau, Adrian Noble défend un Mozart qui pourrait parfaitement tenir lieu de sitcom estivale. Cela tombe au mieux : la direction de William Christie ne dépasse guère l'anecdote et le plateau, parfaitement réaliste du point de vue scénique, avoue des insuffisances notoires.
 

Opéra national, Lyon
Le 12/04/2006
Benjamin GRENARD
 



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  • La nouvelle production lyonnaise de Così oscille constamment entre la sitcom estivale et une interprĂ©tation musicale pour le moins anecdotique. Adrian Noble dĂ©tient cependant quelques arguments dont William Christie ne s'est Ă  l'Ă©vidence pas donnĂ© les moyens. D'emblĂ©e la scĂ©nographie fait sens, autant dans le contexte – façon ĂŽle de la tentation – que dans le physique de chacun des chanteurs : minettes blondes, brunes pulpeuses et mâles aussi superficiels que prosaĂŻques, on comprend vite que les protagonistes, dĂ©sespĂ©rĂ©ment comme tout le monde, ne sont pas du tout Ă  la hauteur du dĂ©fi initial.

    Les faux-semblants de ce Così-là ressortent par conséquent avec éclat. Que les circonstances paraîtront bien opportunes pour une Dorabella pré-adolescente qui ne demande qu'à satisfaire son penchant à peine dissimulé pour la légèreté ! Guglielmo orgueilleux, Ferrando au romantisme de pacotille, Don Alfonso en bellâtre frustré, le metteur en scène britannique tire des portraits sans complaisance de chacun de ces personnages masculins on ne peut plus communs. Seule une Fiordiligi sincère dans ses tiraillements et ses doutes, mais gagnée par la mièvrerie et la naïveté, récoltera les fruits d'une inconstance tourmentée : le détournement de la fin, laissant Guglielmo et Dorabella sur le carreau alors que Ferrando et Fiordiligi concrétisent leur relation, apparaît avec une certaine perspicacité psychologique, loin d'un caprice de mise en scène.

    © Michel Cavalca

    Cette vision cohérente, menée de manière ludique et toujours vivante dans la direction d'acteurs, avoue cependant quelques limites. Tout d'abord, le parti pris dérange quelque peu par son unilatéralité, par une lecture du texte très orientée. Et surtout, la perfection du visuel ne va pas sans concessions vocales. Hormis les choeurs de l'Opéra, toujours d'une excellence manifeste, le plateau est nettement insuffisant : Malin Byström a une voix trop engoncée pour être une Fiordiligi aussi présente qu'elle le souhaiterait ; Michael Smallwood file un Un aura amorosa d'une fadeur absolue ; Tove Dahlberg dispose d'un joli timbre mais reste une Dorabella bien pâle. Et même si Markus Werba et Wolfgang Holzmair ressortent du lot et que la Despina de Danielle De Niese demeure l'un des personnages les mieux brossés, on se délecte bien davantage du jeu scénique que de la vocalité.

    Quant à William Christie, il n'a rien à dire dans Così. Phrasé maniéré du solo de hautbois, ouverture tout excitée, l'Américain s'agite dans la fosse pour livrer un Mozart précipité, manquant cruellement d'assise et d'arêtes vives. De surcroît, on frôle souvent l'absurdité : un ralentissement aussi soudain qu'arbitraire dans le Finale du I annihile tout effet de progression dramatique, qu'une précipitation téléphonée dans les toutes dernières mesures ne parvient pas à rattraper. Un ratage manifeste que cette direction qui tourne désespérément à vide.

    En somme, là où l'on gagne en vérité dramatique, on perd systématiquement en intérêt musical. Après tout, n'est-ce pas en concordance avec la vision du metteur en scène ? On s'habituera donc, à regret, à ce vide musical latent et l'on se dira qu'il manque indéniablement à ce Così un supplément d'âme.







    Alerte Ă  Mozart beach

    Dune de sable fin, midinettes en bikini et ados en tongs et vêtements de plage, le Così d'Adrian Noble ne saurait interpeller mieux les dizaines de lycéens présents dans la salle de l'Opéra de Lyon à chaque représentation. Voilà bien l'une des portes d'accès à l'opéra pour le grand public, et notamment la jeunesse. Sans toutefois garantir en rien la réussite artistique de l'entreprise.

    Mais force est de constater que le spectacle se regarde aussi facilement qu'une sitcom, et que le metteur en scène va de trouvaille en trouvaille, sachant toujours agrémenter la dramaturgie mozartienne de gags pour la plupart très réussis – la crise de nerfs de la bimbo écervelée qui shoote dans un cadavre de boîte de coca à l'annonce du départ des boys vaut dans le genre son pesant d'or.

    On pourra quand même regretter que les partis pris trop uniment giocoso du metteur en scène privent Così d'une part de son ambiguïté. Mais il faudrait alors en dire autant du travail de Chéreau à Aix et Paris, presque aussi univoque dans le dramma, avec ses visages défaits, son amertume constante, sa Despina vraiment pas drôle. Ce soir, au tomber de rideau, c'est Fiordiligi, celle qu'on croyait la moins délurée, qui se fait la malle avec Ferrando, ouvrant d'autres perspectives à l'ultime dramma giocoso mozartien. Reste que le spectacle est formidablement réglé et fonctionne à plein, sans les fourmis dans les jambes qu'on ressent si souvent dans le deuxième acte.

    Le revers de la médaille, c'est qu'on aura naturellement choisi pour cette production les chanteurs nettement plus en fonction de leur physique que de leur voix. Et comme la scène opératique n'est généralement pas le lieu d'élection des top models ou des chippendales, on aura assez nettement à souffrir des carences vocales du plateau, où seul le Guglielmo de Vittorio Prato affiche un chant satisfaisant sinon inoubliable.

    Car le reste de la distribution va du joli mais encore peu maîtrisé – la Fiordiligi de Violet Noorduyn, la Despina de Claire Debono – au franchement problématique – le Ferrando tout en aigreur et en émission ouverte d'Andrew Tortise ; le Don Alfonso monochrome et à l'aigu étranglé de João Fernandes ; la Dorabella absolument exsangue d'Estelle Kaïque.

    Dans la fosse, le jeune Jérémie Rhorer mène les troupes de l'Opéra de Lyon en parfaite synergie avec la mise en scène, avec beaucoup de vigueur, de sens du rythme, du théâtre, mais aussi une quasi absence de vrais moments de grâce et de respiration. Quelques crispations à mettre aussi sur le compte du peu d'habitude de l'orchestre de l'Opéra à suivre pareille battue, qui s'épanouirait mieux avec un véritable ensemble à l'ancienne.


    Yannick MILLON, 18/04/2006

    Deuxième distribution

    Violet Noorduyn (Fiordiligi)
    Estelle KaĂŻque (Dorabella)
    Andrew Tortise (Ferrando)
    Vittorio Prato (Guglielmo)
    JoĂŁo Fernandes (Don Alfonso)
    Claire Debono (Despina)

    Choeurs et Orchestre de l'Opéra de Lyon
    direction : Jérémie Rhorer





    Opéra national, Lyon
    Le 12/04/2006
    Benjamin GRENARD

    Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart mise en scène par Adrian Noble sous la direction de William Christie à l'Opéra de Lyon.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Così fan tutte, dramma giocoso en deux actes (1790)
    Livret de Lorenzo Da Ponte

    Choeurs et Orchestre de l'Opéra de Lyon
    direction : William Christie
    mise en scène : Adrian Noble
    décors : Tom Pye
    costumes : Deirdre Clancy
    Ă©clairages : Jean Kalman
    préparation des choeurs : Alan Woodbridge

    Avec :
    Wolfgang Holzmair (Don Alfonso), Michael Smallwood (Ferrando), Markus Werba (Guglielmo) Malin Byström (Fiordiligi), Tove Dahlberg (Dorabella), Danielle De Niese (Despina).

     


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